Saints (ou presque) : 4 livres pour connaitre les saints… et l’être aussi !

Publié le 21 Sep 2020
Saints (ou presque) : 4 livres pour connaitre les saints... et l'être aussi ! L'Homme Nouveau

Saint, ce n’est pas forcément celui qui le dit qui l’est. Ils sont cependant nombreux au ciel à intercéder pour nous et l’Église est riche de cette interminable « légende dorée », des vies de ces saints qui sont autant de trésors pour nous qui sommes encore en chemin. Il fait bon lire ces vies de saints, par goût de l’Histoire et du récit, sans doute, mais aussi et surtout parce qu’ils sont pour nous des modèles. Anne Bernet propose justement 4 livres autour de la thématique de la sainteté.

Qu’est-ce que la sainteté ? Un état auquel, de par notre baptême, nous sommes tous appelés, rappelle Lumen Gentium. Autrement dit, une façon de vivre dans la lumière du Christ et de l’évangile susceptible, à notre mort, de nous mener au Ciel et de nous faire jouir de la vision béatifique. À ce titre, les saints anonymes mais authentiques sont infiniment plus nombreux que ceux dûment inscrits au martyrologe. La fête de la Toussaint, qui célèbre l’Église glorieuse, le rappelle.

Jusqu’à ces dernières décennies, cependant, n’étaient guère ouvertes, hormis celles des martyrs, que les causes de béatification de personnalités, le plus souvent prêtres, religieux, religieuses, dont l’existence était véritablement hors du commun, soit par les dons mystiques, soit par l’ampleur de l’œuvre accomplie. S’il va de soi qu’un François d’Assise, un Jean-Marie Vianney, une Thérèse de Lisieux sont des géants de sainteté qu’il convient de présenter à l’admiration des fidèles, il est certain aussi que, sauf grâces inespérées, nous ne les égalerons jamais. 

La tendance actuelle, et elle est bonne, est d’offrir aux catholiques des exemples moins grandioses mais plus imitables, afin que nous comprenions que nous sommes véritablement tous appelés à la sainteté, ce qui ne signifie pas que nous deviendrons tous thaumaturges, fondateurs d’ordres religieux, ni ne finirons tous, à moins d’une persécution mondiale après tout envisageable, massacrés en haine de la foi … 

En route vers le Ciel

Mais comment s’y prendre ? Jacques Gauthier, théologien et prédicateur, propose quelques pistes dans un petit livre, Devenir saints (Éditions Emmanuel, 115 p., 12 €). Une fois débarrassés de leurs idées fausses sur la sainteté, ses lecteurs apprendront que le meilleur moyen de se sanctifier, – toute la spiritualité catholique l’enseigne, jusqu’au pape François, référence absolue de ces pages, – est de marcher à la suite du Christ dans le renoncement à soi-même et à ses volontés, l’abandon toujours plus total à Dieu.

Comme cela ne paraît simple que sur le papier, et que passer de la théorie à la pratique se révèle ardu, il convient de s’y mettre, s’y remettre et s’y remettre encore, car, en ce domaine, les chutes sont nombreuses. Ne pas s’en décourager est la première leçon à assimiler avant de devenir un saint ! Tout ce qui ressemble à un saint aux yeux du monde, et surtout à ceux des médias, n’en est pas fatalement un. C’est tout le problème que pose le livre, au demeurant très sympathique, de Michel Cool, La Nouvelle Légende dorée (Salvator ; 330 p ; 19,90 €.) 

Au XIIIe siècle, le bienheureux Jacques de Voragine, lumière de l’ordre dominicain et archevêque de Gênes, réunissait en volume les vies de cent cinquante trois saints. Cette légende dorée, au sens étymologique du mot légende, « ce qui mérite d’être lu », serait l’enthousiasmant livre de chevet de générations de catholiques et la source d’inspiration de nombreux saints des siècles suivants, à l’instar de Thérèse d’Avila, Ignace de Loyola et bien d’autres.

Aujourd’hui, des gens très savants, clercs souvent, considèrent avec beaucoup de mépris le travail de Voragine, regardé comme un recueil de contes édifiants, dépourvus d’historicité et étranger à toute critique sérieuse. Seuls quelques médiévistes se sentent encore tenus de le lire, et pas pour y puiser des modèles de vertu. 

Enfant, Michel Cool a dévoré ce livre, comme il dévorait les volumes de la série des Contes et légendes, ou les albums des Belles Histoires Belles Vies. Devenu adulte, il a eu la sagesse d’en retenir la leçon essentielle : transmettre, par l’intermédiaire de beaux exemples, les grandes leçons de la foi. C’est dans cet esprit qu’il propose sa version, modernisée, de la légende dorée, à travers les brefs portraits de cinquante deux personnalités qui lui semblent porteuses d’une partie du message évangélique s’adressant à notre temps. 

À ce titre, peu importe pour lui que ces gens soient catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, voire rien du tout. Et même que leur vie, en y regardant de plus près, comme l’Église l’a fait pour certains d’entre eux récemment, révèle des pans d’ombres et de péché incompatibles avec une canonisation. 

Le risque, ici, est de confondre sainteté, au sens canonique du mot, et héroïsme, qui n’équivaut pas fatalement à l’héroïsme des vertus, voire simplement noble engagement politique ou social. 

C’est donc une galerie d’illustres, non de saints et de saintes, même si certaines de ces personnes ont vu s’ouvrir leur cause, qui est offerte là dans un grand mélange des genres et un œcuménisme tous azimuts. Vous n’êtes pas obligés d’admirer untel ou untel parce que la pensée unique et la presse vénèrent ses engagements de gauche. 

Jean-Sébastien Bach, Frère Roger de Taizé, Martin Luther King, le pasteur Bonhoeffer, Sophie Scholl ou Albert Schweitzer professaient une foi en rupture ouverte avec le catholicisme, et ce quelque fût, par ailleurs, la réelle pureté de leur vie et de leur âme, qui les a probablement conduits au paradis. L’on pourrait filtrer ainsi presque tous les noms de cette liste, d’où surnageraient finalement peu de catholiques, et encore moins de figures soupçonnées de voter à droite, ce qui est de nos jours le péché suprême, et peut-être impardonnable… Comme quoi, de beaux exemples ne font pas une légende dorée.

Ces causes de canonisations qui n’ont pas abouti

En dépit de ce que peuvent penser les adversaires de l’Église et malgré quelques béatifications ultra-rapides médiatisées ces dernières années, rien de plus sérieux, de plus exigeant, de plus sévère que les procédures de canonisation telles que Rome les a fixées. Ne devient pas saint n’importe qui ni n’importe comment et l’abondance soudaine de nouveaux bienheureux au calendrier depuis le pontificat de Jean-Paul II ne doit pas abuser : le dicastère en charge des causes des serviteurs de Dieu n’a pas rabattu grand-chose de ses rigueurs anciennes.

Rien d’étonnant, alors, si de nombreux dossiers, ouverts avec plus ou moins d’enthousiasme et plus ou moins de publicité, sombrent dans l’oubli, façon élégante de dire qu’ils n’ont pas convaincu Rome ou que quelque difficulté, qu’il est inutile d’étaler sur la place publique, a bloqué la cause. Ainsi en est-il allé de quelques personnalités très connues que journalistes et politiques avaient, de leur vivant, et après leur mort, gratifié d’une auréole prématurée, et dont une étude approfondie des faits et gestes a démontré qu’ils ne la méritaient pas .. 

Curieusement, Jérôme Ancibero, (Presque saints ! Canonisations ratées et autres causes difficiles, Tallandier, 270 p., 19,50 €), – mais peut-être s’agit-il d’une forme suprême de discrétion … – n’a évoqué aucune de ces figures célèbres et finalement décevantes que, par charité, je ne citerai pas non plus. Il ne s’est intéressé qu’à des personnalités aujourd’hui assimilées aux idées de droite et admirées par les milieux traditionalistes …

Vous découvrirez ainsi que le malheur d’Isabelle la Catholique est moins sa politique d’expulsion des juifs espagnols que la faveur dont sa mémoire a joui à l’époque franquiste ; que Christophe Colomb, dont le dossier fut jadis écarté, faute pour son postulateur d’avoir pu prouver la validité de son second mariage, est aujourd’hui coupable d’avoir été un abominable colonialiste, comme l’actualité récente nous l’a rappelé ; que Louis XVI, et presque tous les martyrs de la Révolution, reste une pierre d’achoppement entre la république française et le Vatican ; que Pie XII, que personne n’ose plus, de bonne foi, accuser d’antisémitisme ou de lâcheté sur la question juive, incarne une vision de l’Église avec laquelle certains aimeraient en finir une fois pour toutes, et que sainte Philomène n’a, bien entendu, jamais existé, sinon dans l’esprit d’intégristes au front bas et aux idées étroites qui s’obstinent à placer sous son patronage leurs chapelles et leurs écoles … Cette vision un peu trop systématique finit par agacer, et puis, l’on regrettera que tout cela ne dépasse jamais le niveau d’un article de vulgarisation grand public.

Saints, de A jusqu’à Z

Les Dictionnaires amoureux sont subjectifs, c’est leur charme. Ils confrontent un écrivain, une personnalité à un sujet qu’il est censé connaître et chérir et qu’il a carte blanche pour traiter à son goût en suivant ses fantaisies et l’ordre alphabétique. Cela fonctionne plus ou moins bien et il ne faut surtout y chercher ni exhaustivité ni recul. En publiant un Dictionnaire amoureux des saints (Plon, 725 p., 27 €), Christiane Rancé s’est moins penché sur les saints que sur la sainteté.

Certes, au hasard des notices, vous croiserez tel saint, telle sainte envers qui elle a une dévotion ou une admiration spéciale ; certes, vous entendrez parler des cultes de latrie, de dulie et d’hyperdulie, de reliques, d’auréoles et de sauroctones. Mais est-on encore tout à fait dans le sujet quand l’auteur scrute la sainteté vue par Jarry, Baudelaire, Flaubert ou Cocteau, qui ne sont pas, tant s’en faut, des maîtres en la matière ? Souvent iconoclaste, voilà un Dictionnaire des saints qui étonnera plus qu’il n’édifiera. 

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