> Éditorial de Philippe Maxence
La guerre en Ukraine, la relance sanglante de la guerre israélo-palestinienne puis dernièrement l’attaque surprise de l’Iran par Israël ont mis un terme définitif aux théories sur la fin de l’Histoire, l’ère de la paix universelle et le consensus démocratique. Demain reste imprévisible tant la machine du système global peut se gripper par l’adjonction imprévue d’un simple élément, à la manière du Charlot des Temps modernes.
Crise existentielle
Mais il n’y a pas que la guerre. Les sociétés occidentales sont aussi traversées par une profonde crise existentielle qui se traduit logiquement par une montée de la barbarie, favorisée par des politiques à court terme, relevant davantage de la communication et de la propagande électorale que du souci du bien commun.
Un article récent, paru dans Le Figaro (16 juin 2025) montre, par exemple, que dès les années 1970 l’Italie s’est installée dans l’hiver démographique. « Cette particularité italienne, note l’auteur de l’article, est le résultat de facteurs éducatifs, de la faiblesse des politiques publiques et de plus en plus de la révolution culturelle qui ronge à bas bruit l’envie des Italiennes de devenir mères. »
Autre pays, autre exemple et autre domaine : les douloureux événements qui ont affecté la société française ont conduit récemment le président de la République et le gouvernement à vouloir bannir les moins de 15 ans des réseaux sociaux ou à interdire le téléphone portable à l’école. Des mesures et des choix logiques, mais qui relèvent normalement de la sphère familiale, laquelle est sans cesse minée, politiquement et culturellement, depuis… la Révolution.
D’autant que, comme le note très justement Michel Desmurget, chercheur en neurosciences, « on a préféré investir, sans aucune réflexion pédagogique ni étude d’impact préalable, des sommes colossales dans des tablettes, dont on sait très bien qu’elles nuisent plus qu’autre chose à l’apprentissage » (Le Figaro, 16 juin 2025).
Dès lors comment s’étonner de l’émergence et du nombre des zombies contemporains ? Comme l’aurait dit Bossuet, « Dieu se moque des hommes qui se plaignent des conséquences dont ils chérissent les causes. »
Il faut prendre la résolution de ne jamais nous résigner à la diminution de la foi, à la perte de l’espérance et au refroidissement de la charité.
Lumière du monde ?
Et l’Église ? L’élection d’un nouveau pontife romain représente toujours un moment de grâce et d’espérance. Elle dit beaucoup des attentes et des besoins de l’Église dans une période donnée de l’Histoire. Celle de Léon XIV est intervenue alors que le catholicisme traverse une crise profonde de doute, de remise en cause, interne et externe, dont les grands chantiers sur la synodalité montrent à eux seuls qu’elle ne sait plus trop dans quelle direction aller.
Appelée à être la « lumière du monde », elle semble vaciller sur ses propres bases, hésitant entre reprendre le chemin de sa Tradition (sans vaine et inutile nostalgie mais avec une féconde confrontation aux enjeux du moment) ou à continuer toujours davantage dans le sens d’un aggiornamento à la modernité.
Le choix du nouveau pape de se rattacher à la longue lignée des Léon constitue déjà une forme de rupture qui s’inscrit également dans une continuité qui ne limite pas l’Église aux soixante dernières années. Il est trop tôt pour dire exactement quel sens il donnera à cette nouvelle page qui s’ouvre pour elle. Jusqu’ici, peu d’actes importants ont été posés et la transition avec le pontificat précédent n’est pas encore achevée.
Un autre style
Toutefois, dès sa première apparition en public, le Saint-Père a montré qu’il était un homme réfléchi, en ayant pris le temps d’écrire son discours avant de s’adresser urbi et orbi. Dans notre monde de la vitesse, des petites phrases et des coups de communication, cette façon de faire n’est plus une évidence et elle devient, par sa rareté même, une marque ou un indice.
Si elle n’indique rien sur le fond, elle dit beaucoup sur la manière. On ne peut qu’espérer que celle-ci se mette entièrement au service de la prédication, à temps et à contre-temps, de Jésus-Christ et de Jésus-Christ crucifié. Le monde, assurément, n’a besoin ni d’un Christ mondanisé ou arianisé, ni d’un Christ au rabais.
Quant à nous, à l’heure où nous nous apprêtons à reprendre des forces après l’épuisement de l’année, il nous faut non seulement prier pour le Pape et l’Église, mais également prendre la résolution ferme et constante de ne jamais nous résigner à la diminution de la foi, à la perte de l’espérance et au refroidissement de la charité. Pas besoin pour cela d’attendre la rentrée. C’est ici et maintenant que nous devons être totalement des Christifideles.
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