> Éditorial de Maitena Urbistondoy du n° 1837
Les faits ne manquent pas pour le rappeler. En République démocratique du Congo, les massacres de chrétiens se succèdent dans un silence presque total de la communauté internationale.
En Inde, les violences contre les fidèles, encouragées par des responsables politiques, montrent combien la foi chrétienne est menacée. En France, les agressions et profanations d’églises se multiplient, comme une hostilité diffuse gagnant chaque jour du terrain. Partout, sous des formes diverses, les chrétiens sont frappés.
Le Christ lui-même nous a avertis : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » (Mt 10, 34). « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division » (Lc 12, 51). Ces paroles, à rebours de nos représentations humaines, révèlent que la paix du Christ n’est pas un confort tranquille. Elle est d’une autre nature. Elle n’est pas un état figé, mais un combat permanent pour la justice.
Autrement dit, il n’y a pas de paix sans vérité ni sans justice. Le monde peut promettre des trêves ou des compromis ; seule la fidélité au vrai bien engendre une paix durable.
« Il nous revient d’être la lumière dont le monde a besoin en incarnant l’équilibre qui vient de Dieu. »
Une jeunesse enracinée dans la foi
Pourtant face à un monde en guerre, cette paix s’est manifestée avec éclat cet été, lors du Jubilé des jeunes à Rome. Plus d’un million de jeunes, venus de 146 pays, se sont rassemblés autour du pape Léon XIV à Saint-Pierre, au cirque Maxime puis à Tor Vergata. Ce n’était pas une parenthèse d’enthousiasme mais le signe que la jeunesse catholique, enracinée dans la foi, refuse de se résigner. Cet élan doit être accompagné avec discernement : il ne s’agit pas de s’enflammer au point de se décourager quand la difficulté surgira, ni de refroidir l’ardeur par des exigences trop lourdes dès le départ.
Mais quelle paix cherchons-nous réellement ? Certainement pas celle de la vengeance, ni celle de la complaisance. Les persécutions, les injustices, les insultes n’appellent pas la haine en retour. Elles sont l’occasion de manifester une autre force : celle de la charité, de la persévérance, de la fidélité.
Pie XI le rappelait :
« Il y a bien peu à attendre d’une paix artificielle et extérieure qui règle et commande les rapports réciproques des hommes comme ferait un code de politesse ; ce qu’il faut, c’est une paix qui pénètre les cœurs, les apaise et les ouvre peu à peu à des sentiments réciproques de charité fraternelle » (Ubi arcano Dei).
Notre refus du désordre n’est donc pas une réaction épidermique à l’inconfort ou au chaos ambiant, mais un enracinement dans la quête de justice.
Défendre la paix, c’est refuser de travestir le bien et le mal, même quand les lois deviennent schizophrènes et que la société semble préférer ses intérêts particuliers à la recherche du bien commun.
Une fidélité jusqu’au bout
L’exemple des martyrs de notre temps nous rappelle qu’accepter le combat pour la vérité est aussi accepter d’être rejeté.
Comme eux, nous devons recevoir ces épreuves comme une purification. Car la paix du Christ n’est pas donnée en dehors de la Croix : elle se manifeste précisément dans la fidélité jusqu’au bout, même quand tout semble s’effondrer autour de nous. « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9).
Mais cet artisanat est exigeant : il demande de répéter inlassablement, à temps et à contre-temps, la vérité de l’Évangile, même quand nos contemporains préfèrent détourner le regard.
« Le chrétien n’est pas condamné à subir : il est appelé à rayonner, à manifester que la vraie paix existe déjà, même au milieu des tempêtes. »
Beaucoup refusent de voir l’évidence de l’effondrement moral et culturel de notre société. L’obsession de « l’enfant parfait » en est une illustration. Des « start-up » de biotechnologie proposent déjà de sélectionner les embryons selon des critères arbitraires : beauté, performances intellectuelles, absence de fragilités… Mais ce n’est pas une raison pour se taire. Il nous revient d’être la lumière dont le monde a besoin, non pas en défendant une option parmi d’autres, mais en incarnant l’équilibre qui vient de Dieu. Être artisan de paix, c’est être témoin de la vérité, coûte que coûte, avec patience et charité.
Le monde est en guerre contre les disciples du Christ. Mais le chrétien n’est pas condamné à subir : il est appelé à rayonner, à manifester que la vraie paix existe déjà, même au milieu des tempêtes. Elle n’est pas une utopie mais une promesse vivante car le Christ a déjà vaincu le monde.
Alors ne cédons pas au découragement. N’idéalisons pas un passé révolu, ni ne rêvons d’un futur imaginaire. La paix du Christ est à accueillir et à vivre aujourd’hui comme saint Augustin nous y exhorte : « Ne dites pas que les temps sont mauvais, vous êtes les temps. Soyez bons et les temps seront bons. » (Sermon 80)
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