« Reste un peu » de Gad Elmaleh. Voilà un film profondément délicat, émouvant, tout à la fois drôle et poignant, qui retrace le cheminement du comédien vers le Catholicisme. La rareté de ce film tient au fait que sa famille joue avec lui : son père, sa mère, sa sœur, ses oncles, ses tantes – tous juifs séfarades ayant passé leur enfance ou leur jeunesse au Maroc – qui ne peuvent accepter de le voir les trahir. Tout le film porte sur ce divorce que le comédien, au bord du baptême, ne consommera finalement pas.
Gad Elmaleh a une belle âme. On le devine à chaque image, on le pressent à chaque travelling. On le savait d’ailleurs car l’homme est un doux mais, ici, cela est particulièrement manifeste tout au long du film. Les amoureux d’une conversion linéaire seront sans doute déçus car Gad Elmaleh ne franchit pas le dernier pas ; il reste dans son monde juif et, sans doute par gentillesse envers ses parents, par effroi intérieur devant une telle rupture, s’interdit d’aller jusqu’au bout du chemin, vers Celle qu’il aime, la Vierge Marie.
Chacun d’entre nous se fera une image intime de ce film et elle ne sera probablement pas la même. Peu importe au demeurant car reste la dernière séquence, extraordinaire de grâce, où, s’étant dérobé à la dernière minute à l’appel du baptême, il revient, à Casablanca, vers la Vierge de son enfance. On pense à la dernière prise de vue de « Silence » de Martin Scorsese où la caméra s’attarde sur la croix serrée au creux de la main du missionnaire vaincu et mort. Au fond, le film de Gad Elmaleh ne finira jamais de vivre secrètement en nous…
Décidément, en ces temps où notre Église de France est vouée à toutes les gémonies et où ses Pasteurs, ballottés à tous les vents de la Modernité, ne semblent parfois plus capables de nommer les choses telles qu’elles mériteraient de l’être, voilà que deux grands juifs, Véronique Lévy et Gad Elmaleh, nous disent que le Christ est le Maître absolu de la vie spirituelle. On songe à Léon Bloy et à son livre « Le Salut par les Juifs ».
« Reste un peu », c’est le titre admirable de ce beau film sans faiblesse (seul le passage où le comédien fait une courte retraite dans un monastère manque son sujet car les moines y sont ridicules), sans prétention, ni orgueil. C’est bien sûr le cri des parents à leur fils qui s’embarque vers l’autre rive, celle où la Vierge l’attend. J’y vois moi aussi, symboliquement et à mots couverts, une allusion discrète aux phrases des disciples d’Emmaüs tentant de retenir le Seigneur. Ne manquez pas ce film, vous y côtoierez la joie et la pureté des enfants de l’Évangile parmi lesquels, notamment, Mehdi Djaadi nous offre son sourire éclatant et son merveilleux regard.