Qui est saint Yves ?

Publié le 19 Mai 2023
yves

Fêté le 19 mai, Yves Hélory de Kermartin (1), ou Yves de Tréguier (1253-1303) fut recteur et official du diocèse de Tréguier. Ayant consacré sa vie à la justice et aux pauvres, il a été canonisé en 1347 par le pape Clément VI et fait patron de toutes les professions de justice et particulièrement des avocats.

Fils d’un pauvre chevalier breton, Yves Hélory de Kermartin est élevé par sa mère. C’est à l’Université de Paris qu’il étudie les arts et lettres, la théologie et le droit puis se rend à Orléans  pour achever ses études. Il reçoit alors la charge d’official à Rennes avant de rentrer à Tréguier, dans sa terre natale, où il occupe cette même fonction. Là, il est ordonné prêtre puis nommé recteur (c’est-à-dire curé) de Trédrez.

« L’official est un clerc délégué par l’évêque pour rendre la justice en son nom devant les tribunaux ecclésiastiques nommés officialités. Au Moyen Âge ces tribunaux connaissent un grand nombre de causes civiles principalement matrimoniales ou testamentaires. Leurs compétences s’étendent à tous les procès où les clercs sont parties. Pour certains auteurs, Yves de Kermartin aurait appartenu au Barreau de Paris : il est l’homme de la recherche des compromis évitant les longs procès ; s’il y a procès, il assiste, aide, soutient les justiciables.

Au Moyen Âge, rendre la justice c’est être l’avocat des veuves, des orphelins, des pauvres, il y excella. Yves, racontent ses contemporains, prononçait ses sentences les yeux baignés de larmes à la pensée qu’après avoir jugé les autres, il serait lui-même jugé. » (2)

Sa vie et son action sont connues par les actes écrits d’un procès : des copies de dépositions de témoins pour son procès en canonisation (1330) ont été conservées. Les actes sont remplis de témoignages de ceux qui l’avaient connu ou rencontré : il a hébergé deux orphelins pauvres, se privant lui-même pour les nourrir ; il n’a pas hésité à vendre son cheval et à donner l’argent aux pauvres ; il donnait son propre pain ; il enterrait les morts abandonnés…

Il acceptait de plaider pour les pauvres devant toutes juridictions sans honoraires et demandait même parfois aux auxiliaires de justice de réduire leurs frais. Avant sa mort en 1297, il démissionne de sa charge d’Official et se retire pour prier et accueillir ses pauvres dans sa chapelle au Minihy.

Saint Yves est généralement représenté avec une bourse dans une main, pour signifier tout l’argent qu’il a donné aux pauvres dans sa vie, et un parchemin dans l’autre, qui rappelle sa charge de juge ecclésiastique.

De la justice des hommes…

La vie de saint Yves de Tréguier est une belle illustration de la vertu de justice prise dans son acception la plus complète. Saint Thomas d’Aquin, contemporain de St Yves et peut-être son maître (3) définit la justice une «volonté constante et perpétuelle de donner à chacun ce qui lui appartient» (Somme théologique Ia. IIae. Q. 58, art. 1). Cette définition très large permet d’embrasser tous les rapports humains, mais aussi le rapport de l’homme à Dieu, comme nous le verrons plus bas.

Saint Yves, écrivait saint Jean-Paul II, «  s’est engagé à défendre les principes de justice et d’équité, attentif à garantir les droits fondamentaux de la personne, le respect de sa dignité première et transcendante, et la sauvegarde que la loi doit lui assurer. Il demeure pour tous ceux qui exercent une profession juridique, et dont il est le saint patron, le chantre de la justice, qui est ordonnée à la réconciliation et à la paix. » (4)

Et en effet, la vie de saint Yves resplendit de cette constante attention aux plus humbles afin que nul ne soit lésé, et que la justice dans les rapports humains soit respectée, sans acception de personne : « Tu n’auras ni faveur pour le petit, ni complaisance pour le grand ; c’est avec justice que tu jugeras ton prochain » (Lv. 19, 15).

Mais parce que saint Yves est « l’homme juste », il est d’abord et avant tout « l’homme de Dieu ».

… à la justice de Dieu 

Le Catéchisme de l’Église Catholique nous dit au n°1807 : «La justice est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû ». C’est que cette vertu, si elle règle les rapports entre les hommes, doit être exercée d’abord envers Dieu, auteur de toute justice et en ce cas elle est appelée « vertu de religion ».

Et de cette justice, saint Yves nous offre encore le modèle le plus accompli. Ayant vécu toute sa vie dans l’exercice de la justice envers tous, par le choix du sacerdoce, de la vie pauvre et renoncée et surtout par ses dernières années consacrées à la prière, à la prédication et à l’aumône, saint Yves nous enseigne que le principe de toute justice est que Dieu soit le premier servi et que la dignité première de l‘homme est de connaître d’aimer et de servir son Créateur.

La grande pauvreté, la profonde injustice, c’est l’ignorance du Christ et des desseins de l’Amour Miséricordieux. C’est cette réalité qui a conduit saint Yves à se consacrer exclusivement, à la fin de sa vie, à lutter contre cette pauvreté de l’âme, à porter le Christ aux ignorants.

 

A l’apogée de la Chrétienté, en ce XIIIème siècle si lumineux, nombreux sont les hommes de lettres, de l’art et des sciences qui ont magnifié la Vérité. A St Yves revient la gloire d’avoir su la porter au cœur de la vie des plus nécessiteux.

(1) https://www.museedubarreaudeparis.com/zoom-sur-saint-yves-patron-des-avocats/

(2) Homélie de Monsieur l’Abbé Bruno SCHAEFFER pour la Messe des JURISTES du 19 novembre 2003

(3) Il est très probable que leurs pas se soient croisés à l’université de Paris où étudia St Yves (1267-1277) alors qu’y enseignait le Docteur angélique (1268-1272).

(4) Lettre du Pape Jean-Paul II à Mgr Lucien Fruchaud, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, pour le 700e anniversaire de la mort de saint Yves.

 

A lire également : Saint Pie V : au nom du Pape et du frère et de la sainte Ligue

Chanoine Brieuc de la Brosse

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