Dans un pays passé des mains de la France à une partition violente puis à l’écrasant joug communiste, la minorité catholique, née au XVIIe siècle, subira les persécutions les plus extrêmes, malgré d’éminents représentants, très lucides sur ce qui l’attendait, et sur l’héroïque résistance d’humbles populations paysannes.
La chute du camp retranché de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, restée dans les mémoires pour l’héroïsme des troupes françaises coincées dans le piège tonkinois, ne se résume ni à un glorieux désastre militaire ni à ses conséquences politiques, nationales et internationales. L’une des principales retombées de la défaite concernera la minorité catholique vietnamienne dont le quotidien, puis la survie même seront remises en question.
Fille du catholicisme français
La chrétienté vietnamienne est fille du catholicisme français. C’est un jésuite avignonnais, Alexandre de Rhodes, débarqué pour la première fois au Vietnam en 1627, succédant à des missionnaires portugais aux efforts sans lendemains, qui jette les bases de la christianisation du pays et, avec la mort de l’un de ses catéchistes, André, lui donne, en 1644 en Cochinchine son premier martyr. En inventant, à des fins évangélisatrices, le quoc ngu, adaptation de l’alphabet latin à la langue vietnamienne, le père de Rhodes permet aux populations chrétiennes d’apprendre à lire et écrire bien plus aisément qu’avec les idéogrammes chinois, favorisant une remarquable alphabétisation populaire. Mais on ne lui en saura pas gré car le grief que les élites font vite aux chrétiens est, avec leurs innovations étrangères aux coutumes des ancêtres, l’introduction de la morale catholique, l’interdiction de la polygamie traditionnelle, de porter atteinte aux usages et à l’ordre social. Les catholiques, en rupture avec les façons d’être et de penser de leurs voisins bouddhistes, sont assimilés à des traîtres, les missionnaires à des agents ennemis aux intentions suspectes. Les éradiquer devient une nécessité. Dès le milieu du XVIIe siècle, la persécution, entrecoupée de brèves périodes de tolérance ne conduisant jamais à l’autorisation du catholicisme, devient, pour plus de deux cents ans, le quotidien des convertis : déportations, confiscation des biens, travaux forcés, supplices atroces censés éradiquer la « religion étrangère » ne donnent cependant pas les résultats escomptés, pas davantage le manque de prêtres – l’espérance de vie des Européens étant brève, la formation d’un clergé autochtone…