On ne redira jamais assez combien le théâtre, cet art vivant, est une école de la vie, car il ne cesse de nous mettre en présence de notre humanité dans ces faces les plus sombres comme les plus lumineuses. C’est d’autant plus intéressant quand il s’agit de pièces à consonance historique comme ici dans La Louve, car le recul du temps nous montre à l’évidence la permanence des passions humaines. Les époques changent, le monde se transforme, mais bien des aspects de la condition humaine demeurent inchangés. Daniel Colas, auteur et metteur en scène de cette comédie, – mais est-ce bien une comédie ? -, nous transporte au XVIe siècle au moment où François d’Angoulême devient roi de France sous le nom de François Ier. Il ne doit pas ce trône qu’à sa bravoure légendaire qui fera de lui le héros de la bataille de Marignan, mais à sa mère, Louise de Savoie, dite la Louve, qui veillera avec acharnement et constance sur la destinée de ce jeune prince au tempérament fougueux, plus préoccupé par ses plaisirs que par sa future couronne. Pour nous conter cette époque de la Renaissance, il puise dans les célèbres chroniques de Pierre de Bourdeille, dit Brantôme, et nous sommes littéralement emportés dans les tourbillons et les intrigues de cours et du pouvoir où les femmes ne jouaient pas des rôles secondaires. Le décor est sobre, marqué par la présence centrale des costumes qui nous dépaysent et par le jeu habile des éclairages, de la lueur des chandelles au clair-obscur créant une atmosphère propice à considérer avant tout l’expression des visages, les attitudes et les paroles des protagonistes, le tout se reflétant au fond de la scène sur un miroir qui en occupe tout l’espace. Nous sommes vraiment dans la caverne, au pays des ombres, dans un autre temps que le nôtre, mais où se reflètent des passions qui ressemblent étrangement à celles que les cours modernes étalent sous nos yeux. Il y a cependant une très grande différence qu’il convient de souligner. Ces temps étaient encore marqués, imprégnés par la foi vivante des protagonistes et la transcendance divine n’était pas la grande absente de la scène humaine et politique. Il y avait toujours le sentiment d’une présence de quelque chose qui dépasse nos engluements de la vie et qui donnait la vraie mesure des enjeux du pouvoir et surtout de l’autorité. Cela n’est pas absent de la pièce, mais nous éloigne de notre modernité d’un point de vue perceptif. Le jeu des comédiens est très concerté et donne à voir et à entendre un ensemble très harmonieux presque musical. Un beau spectacle !
Théâtre La Bruyère, 5, rue la Bruyère, Paris IXe. Du mardi au samedi à 21 h, matinée samedi 16 h et dimanche 15 h 30. Rés. : 01 48 74 76 99.