Colloque sur Etienne Gilson : Une figure majeure de la philosophie chrétienne

Publié le 25 Oct 2018
Colloque sur Etienne Gilson : Une figure majeure de la philosophie chrétienne L'Homme Nouveau

Michel Collin, professeur de philosophie, organise le 9 novembre une journée de colloque consacrée à Étienne Gilson, à l’occasion du 40ème anniversaire de sa mort. Dans l’Institution des Chartreux, à Lyon, en partenariat avec Le Collège supérieur, plusieurs professeurs de philosophie ainsi que le père Jean Bernard Plessy reviendront sur cette grande figure du XXème siècle et son œuvre considérable. En répondan à nos questions Michel Collin nous explique brièvement pourquoi il a choisi de s’arrêter sur cet homme. 

Vous avez choisi de consacrer une journée de colloque à Étienne Gilson, pourquoi avoir choisi de s’intéresser à cet historien et philosophe ?

Etienne Gilson a été l’un des principaux acteurs de la vie intellectuelle française des années 1920 aux années 1950. Philosophe laïc, il apporta aux théologiens catholiques un regard historique sur les doctrines, en particulier le thomisme, qui leur manquait alors souvent. Historien catholique, il redonna droit de cité à la pensée médiévale dans une Université dominée par le positivisme et le néo-kantisme et démontra la fécondité pour la philosophie de l’alliance entre la foi et la raison. Les modes marxistes et structuralistes dans l’Université, un certain anti-thomisme et anti-intellectualisme post-Vatican II dans l’Église vont le précipiter injustement dans un oubli relatif à partir des années 1970. Nous sommes un certain nombre à être redevable de son courage intellectuel, de sa rigueur historique ou de la profondeur de sa métaphysique et de sa philosophie de l’art. Après les colloques universitaires de la Sorbonne et du Collège de France, le quarantième anniversaire de sa mort était pour nous l’occasion de lui rendre hommage et de le faire (mieux) connaître, tout particulièrement à un jeune public étudiant, lors de cette journée lyonnaise.

Étienne Gilson a eu une grande importance lors de la querelle sur la philosophie chrétienne et sa pertinence, cette question est elle réglée ?  

Comme cette querelle est assez embrouillée — elle mêle le doctrinal, l’historique et les questions de mots — , il est difficile de dire qu’elle est définitivement réglée. Aujourd’hui encore, certains diraient avec Émile Bréhier « qu’on ne peut pas plus parler d’une philosophie chrétienne que d’une mathématique chrétienne ou d’une physique chrétienne ». Mais parler ainsi, c’est nier la réalité historique de la fécondation de la raison par la foi chrétienne et méconnaître l’importance de l’inscription de l’intelligence humaine dans une civilisation donnée. En effet, pour Gilson, la philosophie chrétienne, c’est avant tout « la philosophie dans son état chrétien ». Il le démontre par des raisons tirées de l’histoire (Cf. L’Esprit de la philosophie médiévale) et de la philosophie. Sans nier la distinction des ordres et la consistance de la raison naturelle, il faut considérer l’être concret des expériences humaines  : lorsque l’homme civilisé est animé par le souffle chrétien, toutes ses activités, à commencer par la recherche de la vérité, vont recevoir du christianisme une énergie spirituelle qui les fortifie. Par ailleurs, sur le plan de l’histoire des idées, Gilson a, pour le coup, définitivement montré que « la philosophie moderne n’a pas eu de lutte à soutenir pour conquérir les droits de la raison contre le Moyen Âge, c’est au contraire le Moyen Âge qui les a conquis pour elle. »

À l’heure où la société évolue extrêmement rapidement, les questions auxquelles Étienne Gilson a essayé de répondre pendant toute sa vie ne sont-elles pas d’un autre siècle ?  

Il est certain que Gilson ignore les questions posées, par exemple, par les études de genre ou par la crise écologique. Le contexte a changé. Mais Gilson peut nous aider à identifier les tentatives philosophiques qui, par leur ignorance de ce qui est pérenne en philosophie, ne pourront qu’échouer. Nous pouvons aujourd’hui encore nous mettre à l’école du réalisme méthodique et, grâce à lui, discerner dans les différentes formes du constructivisme ou de la déconstruction les avatars de l’idéalisme, c’est-à-dire d’une pensée qui se coupe de son premier principe, l’être. Il y a des choses contingentes et changeantes en bien des domaines mais dans l’ordre des premiers principes de la connaissance humaine, il existe des lois nécessaires de la pensée et de son déploiement vital. Gilson doit également être entendu lorsqu’il nous avertit qu’une civilisation ne tient sa valeur que de sa participation à une vérité qui la dépasse, d’où l’urgence, selon lui, à chaque génération, de bâtir la chrétienté pour ne pas être emporté par les idéologies séculières qui ne sont que des métamorphoses avortées de la Cité de Dieu. Tout cela ne va pas sans un vigoureux effort intellectuel.

Etienne Gilson (1884 – 1978) : Une figure majeure de la philosophie chrétienne, VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018

Amphithéâtre Hyvrier, Institution des Chartreux, 58 rue Pierre Dupont, Lyon 1e.

Colloque ouvert et accessible à tous, inscription par mail avant le 7 novembre à l’adresse : mi.collin@leschartreux.net

Une participation de 5€ est demandée, l’entrée sera gratuite pour les étudiants. 

Plus d’informations ici.

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