Les conflits se multiplient dans le monde entier, et le gouvernement français décide de réduire le budget de l’armée. Quelle logique se trouve derrière ces décisions?
La guerre s’est propagée avec une vitesse fulgurante au cours des derniers mois, aussi bien au cœur du Sahel qu’au Moyen-Orient. Même si les interventions françaises ont gelé certains conflits, force est de constater que les territoires en guerre se sont interconnectés. La menace la plus grave est aujourd’hui que la Libye, livrée au chaos, devienne un émirat du nouveau Califat islamique. Comment expliquer l’incapacité des puissances régionales et mondiales de venir à bout de ces conflits ? Essentiellement par une opposition entre les tenants d’une mondialisation sauvage et la résistance de vieilles civilisations, comme la Russie, l’Iran et la Chine, qui tâchent de se protéger, quitte à s’emmurer dans leurs identités respectives. Entre les deux se trouve le monde de l’Islam, en proie à un réveil religieux épisodique et partiellement instrumentalisé. À l’évidence, si la régression économique actuelle ne s’accompagne pas de la réhabilitation de frontières protectrices, la guerre, qui a déjà embrasé toute la périphérie de l’Europe, se portera en son centre. Les menaces n’ont donc jamais été aussi fortes qu’aujourd’hui.
Une simple étape
Aussi est-ce pour le moins surprenant que des dissolutions de régiments soient actuellement annoncées. En réalité, celles-ci s’inscrivent dans un autre calendrier : celui d’une confédération d’États ayant cru depuis maintenant vingt-cinq ans que l’horizon militaire de la libre circulation des biens et des hommes serait la paix assurée. Dans ce cadre, les réductions du jour se présentent comme une simple étape dans une planification aveugle, fondée sur un postulat erroné. De fait, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les systèmes représentatifs se sont nettement fragilisés au cours des dernières années face à l’essor simultané des technocraties impériales et des messianismes orientaux. Dans ces circonstances, il serait assez chimérique de penser que des États désarmés et enfermés dans leur confort, formeront autre chose que des proies faciles vis-à-vis de ceux qui les entourent. La France désarme, exactement comme elle le faisait à la fin du XVIIIe siècle. Les interventions militaires étaient alors soigneusement masquées et la première idole de ce siècle philosophique se nommait la paix perpétuelle.
Thomas Flichy de La Neuville est historien du droit et des institutions