Le Vietnam catholique après Diên Biên Phu (2/3) : Une réappropriation progressive du clergé vietnamien

Publié le 02 Mai 2024
vietnam clergé

Une messe de Pâques en 2011 au Vietnam : une Église courageuse et en croissance. © CC BY-SA 3.0, Ngo Trung

Comment les soubresauts de la décolonisation ont-ils affecté l’Église du Vietnam ? Désireuse de maintenir une distinction essentielle entre colonisation et mission et de faire émerger de véritables communautés catholiques locales, Rome avait en fait pris soin très tôt de former et d’émanciper un clergé indigène pour remplacer les missionnaires occidentaux.

  La fin de la Seconde Guerre mondiale correspond à l’initiation d’un processus complexe qui va conduire à l’indépendance de nombreux pays intégrés dans l’espace colonial des puissances européennes : la décolonisation. Sans entrer dans les débats idéologiques sur cette importante phase de l’histoire mondiale au XXe siècle, il convient de nous pencher sur la manière dont le Saint-Siège a accompagné ce processus dans le cadre particulier du Vietnam, et comment le clergé indigène a connu une promotion sans précédent pour remplacer sur place les missionnaires européens.  

Rome soucieuse des réalités locales

Il convient de noter d’emblée que Rome s’est penchée sur le dossier de la décolonisation bien avant que le processus ne fût politiquement engagé. Le Saint-Siège était en effet conscient des tensions qui pouvaient exister dans certaines régions entre les puissances colonisatrices et les réalités locales. Au Vietnam, la fin du XIXe siècle a été marquée par la diffusion d’une profonde hostilité envers la présence française – qui déjà s’était fait sentir au fil des persécutions récurrentes qui touchèrent tout autant le clergé occidental que les vocations locales. Pour l’Église, le danger d’un amalgame entre les missionnaires et les autorités coloniales risquait de menacer les progrès de l’évangélisation. Dans les années 1920, Rome a voulu « imposer un renouvellement des stratégies missionnaires » afin d’« émanciper les missions de l’entreprise coloniale » (1). Benoît XV invitait ainsi les ouvriers de l’évangélisation à ne pas « chercher d’autre gain que celui des âmes » (2). La promotion d’un clergé indigène était la solution la plus évidente pour conjurer les menaces qui pesaient à la fois sur les Empires coloniaux et sur le processus d’évangélisation. Trois documents pontificaux ont vigoureusement promu ce renouvellement en faveur de la formation d’un clergé local susceptible de remplacer les missionnaires occidentaux. L’encyclique Rerum Ecclesiæ (1926) de Pie XI soulignait «l’immense intérêt que présente le recrutement du clergé indigène ». En négligeant ce projet capital, les Églises locales se trouvaient menacées par de longs retards dans leur constitution. En outre, le Pape rappelait que les prêtres autochtones ne devaient aucunement…

Pour continuer à lire cet article
et de nombreux autres

Abonnez-vous dès à présent

Abbé Armand Dumesniel 

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Le Christ-Roi : pierre angulaire de la doctrine sociale de l’Église

Lettre Reconstruire n° 41 | Éditorial | Le 11 décembre 1925, le pape Pie XI publiait Quas primas, une encyclique consacrée au Christ-Roi. Il y précisait la doctrine de l’Église à ce sujet et instituait une fête liturgique, fixée le dernier dimanche d’octobre. Importante liturgiquement, la royauté du Christ constitue aussi la pierre angulaire de l’enseignement social de l’Église.

+

Christ roi de l'univers christ-roi
SociétéChrétiens dans le monde

AED : La semaine rouge contre la persécution des chrétiens dans le monde

Ce mercredi 20 novembre, pour la 15e édition de la “Nuit des Témoins”, Notre-Dame de Paris, le Sacré-Coeur de Montmartre ou encore le sanctuaire de Lourdes seront illuminés en rouge. Depuis quinze ans, l’Aide à l’Eglise en détresse (AED) organise une semaine rouge à travers toute la France. Cette année, elle a lieu du 17 au 22 novembre pour “alerter sur la persécution des chrétiens”.

+

aed
Éditorial

Retrouver l’esprit chrétien 

Éditorial de Maitena Urbistondoy l Pie XII rappelle que l’Église, en tant que Corps mystique du Christ, est un repère stable, qui ne se laisse pas entraîner par les modes. Cette stabilité, ancrée dans la fidélité à sa mission divine, protège l’Église de l’inconstance des tendances passagères. Et c’est cet équilibre qui manque aujourd’hui : la fidélité aux vérités éternelles, qui ne se mesure ni au succès ni à l’acceptation du moment.

+

pie xii Edith stein église chrétiens
Éditorial

Notre quinzaine : La mort comme principe de vie

Éditorial du Père Danziec | Vivre vraiment, quel formidable privilège que de respirer à larges poumons, de parcourir l’existence à pleines enjambées et de croquer à ras bord le quotidien qui s’ouvre à nous sans relâche ! Vivre vraiment, non comme un épicurien mais comme un débiteur qui reçoit dans l’action de grâce le temps qui s’échappe et qui fuit. L’homme de foi sait qu’il tient la vie de son Créateur. Tout baptisé est appelé à voir dans chaque jour que Dieu fait une bénédiction.

+

vie
Éditorial

Notre quinzaine : Une révolution copernicienne ?

Éditorial de Philippe Maxence | L’épisode politique traversé par la France depuis le résultat des élections européennes a rappelé la place de l’extrême gauche dans notre pays. Malheureusement, celle-ci sert plus d’épouvantail qu’elle n’est exactement connue. Pourtant, l’extrême gauche ne cesse d’occuper le terrain, aussi bien celui de la rue que des médias, des amphis ou des sites Internet. Elle déploie également un travail doctrinal et d’adaptation aux réalités du moment, sans équivalent parmi ses adversaires. En consacrant un dossier à l’extrême gauche, nous avons pensé utile de savoir quelle réalité ce terme recouvre, sur quelles forces et quelles faiblesses elle s’adosse et quel travail doctrinal elle produit.

+

révolution ultra gauche