Retrouver l’esprit chrétien 

Publié le 13 Nov 2024
pie xii Edith stein église chrétiens

Pie XII, septembre 1945. © Associated Press

> Éditorial de Maitena Urbistondoy

Dans Les Trois Messes basses, Alphonse Daudet raconte l’histoire de dom Balaguère, un chapelain distrait qui précipite la messe de Noël, oubliant la gravité de son ministère. Lors de son jugement, Dieu lui adresse des paroles terribles : « Retire-toi de mes yeux, mauvais chrétien ! Ta faute est assez grande pour effacer toute une vie de vertu… Ah ! tu m’as volé une messe de minuit… Eh bien ! tu m’en payeras trois cents en place, et tu n’entreras en paradis que quand tu auras célébré dans ta propre chapelle ces trois cents messes de Noël en présence de tous ceux qui ont péché par ta faute et avec toi […]. »

Cette histoire, ancrée dans une époque où le respect du sacré était central, nous rappelle un temps où l’on mesurait l’importance de l’âme humaine, et où chaque acte engageait la personne devant Dieu.

Ces traditions qui rythmaient autrefois la vie spirituelle et culturelle sont négligées. La Toussaint semble éclipsée par les festivités de Halloween. Dès les premiers jours de novembre, Noël est déjà mis en avant dans les vitrines. Mais où sont passées les traditions d’Avent et la dévotion pour les âmes du purgatoire, que novembre nous invitait autrefois à honorer ? Cette perte de repères religieux témoigne d’un détachement profond, où le sens de la réparation, de la prière pour les défunts, disparaît peu à peu.

Un risque de dérive

Ce phénomène touche même l’Église, au moment où certains débats internes semblent concédés (ou soumis) à l’esprit du monde. Le récent Synode sur la synodalité illustre ce risque de dérive. Doit-on suivre le monde et ses standards, au point de vouloir intégrer la logique de la parité là où elle n’a pas lieu d’être ? Pie XII rappelle pourtant dans Mystici Corporis Christi que l’Église n’est pas une institution humaine, mais un Corps mystique, une « société parfaite », où chaque membre et chaque fonction répondent à une vocation propre :

« L’Église, qui doit être regardée comme une société parfaite en son genre, n’est pas seulement composée d’éléments et de principes sociaux et juridiques. Elle surpasse, et de beaucoup, toutes les autres communautés humaines ; elle leur est supérieure autant que la grâce surpasse la nature, et que les réalités immortelles l’emportent sur toutes les réalités périssables. » 

Pie XII nous rappelle que l’Église, en tant que Corps mystique du Christ, est un repère stable, qui ne se laisse pas entraîner par les modes. Cette stabilité, ancrée dans la fidélité à sa mission divine, protège l’Église de l’inconstance des tendances passagères. Et c’est cet équilibre qui manque aujourd’hui : la fidélité aux vérités éternelles, qui ne se mesure ni au succès ni à l’acceptation du moment.

Cette influence de l’esprit du monde ne s’arrête pas aux murs de l’Église ; elle traverse également les institutions et les lois. Dans le cas des dons d’organes, la charité chrétienne, telle que l’enseigne l’Église, repose sur la valeur de chaque vie humaine. Mais dans notre société, la définition de la mort est devenue une question technique, voire économique.

Là où l’Église impose un respect strict, définissant la mort comme la séparation de l’âme et du corps, la médecine se contente d’indiquer la « mort clinique ». En agissant ainsi, on rationalise la dignité de la personne au point de la soumettre à des critères d’efficacité médicale, réduisant l’individu à un ensemble de fonctions plutôt qu’à une âme vivante. La charité perd alors son sens originel pour devenir une démarche utilitaire.

Une déshumanisation profonde

La situation devient d’autant plus inquiétante quand on observe les drames qui secouent la France. Un an après la mort violente de Thomas, jeune rugbyman tué lors d’un bal, un autre membre du même club a trouvé la mort, victime lui aussi d’une agression brutale. Ces tragédies ne se limitent pas à des faits divers ; elles sont le reflet d’une déshumanisation profonde. Quand une société perd ses repères religieux et culturels, elle ne protège plus ses propres fils, et elle permet (ou consent à), sous couvert d’une fausse tolérance ou d’un refus de voir, une violence qui s’installe presque en silence.

Dans ce contexte difficile, l’appel de Pie XII à rejeter l’esprit du monde résonne avec une actualité frappante. En 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, Pie XII adressait aux fidèles ce message : « Qui veut que l’étoile de la paix se lève et se repose sur la société rejette toute forme de matérialisme qui ne voit dans le peuple qu’un troupeau d’individus séparés et sans cohésion interne, considérés comme matière à posséder et à gouverner. »

Retrouver cet esprit chrétien, c’est offrir à notre société une véritable paix, une alternative qui repose non pas sur des compromis, mais sur une fidélité profonde aux valeurs éternelles.

 

>> à lire également : Tensions à Glasgow : une église catholique défendue contre une marche loyaliste

 

Maitena Urbistondoy

Maitena Urbistondoy

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉditorial

Des paroles et des actes

L'Éditorial du Père Danziec | Il n’y a pas que la noblesse qui oblige. L’Église oblige par la vérité dont elle est la gardienne. Ce trésor, à saisir et à communiquer, doit d’abord être reçu et assimilé. Contre la dictature du relativisme et le poison de l’indifférentisme religieux, intégrer que Notre-Seigneur est la Voie, la Vérité et la Vie relève d’une impérieuse nécessité. Spécialement pour la jeunesse !

+

Sv Petr Vatican statues 1 acte
Éditorial

Un pontificat qui commence

Éditorial de Maitena Urbistondoy | Léon XIV, en se plaçant dans la filiation de Léon XIII, s’inscrit dans un héritage doctrinal clair auquel beaucoup de fidèles aspirent. À l’heure où l’euthanasie est sur le point d’être légalisée en France, où le nom du Christ est refoulé dans la sphère privée, l’unité des catholiques devient urgente. Une unité non pas simplement ecclésiale, mais aussi politique. Ce n’est pas par compromission que l’Église a formé l’Europe, mais par sa foi. C’est cette foi qui a adouci les mœurs et élevé les institutions.

+

Léon XIV pontificat
Éditorial

Loi naturelle et politique selon saint Thomas d’Aquin

L'essentiel de Joël Hautebert | Alors que le débat sur l’euthanasie illustre une fois de plus la rupture croissante entre droit positif et loi naturelle, l’ouvrage de don Jean-Rémi Lanavère (csm) sur saint Thomas d’Aquin rappelle que la loi politique, loin de s’opposer par principe à la loi naturelle, en est l’expression concrète. Une invitation à redécouvrir le rôle structurant de la politique dans l’ordre moral.

+

Pour saint Thomas d’Aquin, la politique doit découler de la loi naturelle.
Éditorial

Le Christ et l’Église, mariés pour la vie

L'éditorial du Père Danziec | L’Église, c’est elle qui nous sauve et non pas qui que ce soit qui se trouverait en mesure de sauver l’Église. On ne sauve pas l’Église, on la sert. De tout son cœur et de toute son âme. On ne change pas l’Église, on la reçoit. Intégralement et sans accommodement de circonstance. Tout le mystère de l’Église gît dans l’équation et la convertibilité de ces deux termes : le Christ et l’Église. Ainsi, la formule « Hors de l’Église, point de salut» ne signifie réellement pas autre chose que : « Hors du Christ, point de salut ».

+

christ et église
ÉditorialFrançois

Notre quinzaine : que demandez-vous à Dieu ?  

Éditorial de Philippe Maxence | La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. En attendant de pouvoir en faire un bilan, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François ainsi que pour l'Église.

+

dieu
Éditorial

À quoi sert la politique ?

L’Éditorial du Père Danziec | Il est une exigence à laquelle doit répondre la politique et qui échappe parfois à ceux-là mêmes qui devraient l’enseigner dans l’Église : la politique se doit d’aider les hommes à atteindre leur fin. L’organisation idéale de la cité sera celle qui, à sa place, favorisera l’amour des vertus et le service de la vérité, dans le but du salut des âmes.

+

politique