Introit : Ad te levavi

Publié le 28 Nov 2015
La pause liturgie | Offertoire Super flumina (26ème dimanche ordinaire

Vers toi j’élève mon âme, mon Dieu, en toi je mets ma confiance, je n’aurai pas à en rougir. Que mes ennemis ne se moquent pas de moi, car tous ceux qui t’attendent ne seront pas confondus.
Seigneur, fais-moi connaître tes voies, enseigne-moi tes sentiers.

(Psaume 24, 1-4)

Thême spirituel : Les psaumes dans la vie de l’Église ; la confiance

Ce tout premier chant de l’année liturgique qui ouvre le missel est emprunté au livre des psaumes. Rien de surprenant : le psautier est par excellence le livre de la prière. Il est inspiré par Dieu lui-même, suscité par lui pour exprimer avec des mots humains mais chargés de divin les sentiments de l’homme devant son Dieu. Il y a dans l’usage des psaumes une garantie d’authenticité qu’on ne retrouve dans aucune autre prière, si ce n’est dans la prière même du Christ : le Notre Père qu’il nous a laissé et qui est devenu la principale prière de l’Église. Les psaumes sont bien éloignés de nous dans le temps, ils ont été composés à l’époque du roi David et tout au long de ce millénaire qui a précédé la naissance du Christ. On pourrait penser qu’ils sont, à cause de cela, en décalage total par rapport à notre civilisation. Il n’en est rien et cela devrait nous impressionner un peu.

Le mystère du salut

Ce qu’ils disent, ce qu’ils chantent, est et reste profondément vrai. Pourquoi ? Parce qu’ils disent, parce qu’ils chantent le mystère du salut qui s’adresse à tous les hommes et à toutes les femmes de tous les temps. Dieu a mis dans ces paroles de quoi toucher le cœur de tout homme et de toute femme de bonne volonté. Il a mis dans ces paroles un poids de vérité salvifique qui place toute vie humaine face à l’essentiel. Quand le psalmiste chante sa peine, son angoisse, sa joie, sa confiance, ce n’est jamais une prière purement individuelle. Au contraire, c’est toujours une prière qui inclut les deux dimensions personnelle et communautaire. On ne se sauve pas tout seul, mais ensemble, en famille. On comprend pourquoi l’Église a su, avec son instinct d’épouse et de mère, recueillir en elle ce trésor unique de la prière biblique et le dispenser à ses enfants, notamment à travers la liturgie. Un très grand nombre de chants liturgiques empruntent leurs accents aux psaumes. Les moines chantent les cent cinquante psaumes chaque semaine au cours de leur récitation de l’office divin, rejoignant ainsi tous leurs frères dans la grande prière de l’Église et l’assumant en quelque sorte au nom de tous. Le cortège de l’Eucharistie que constitue l’office divin est ainsi structuré par les psaumes. On sent bien que le souci de l’Église est de faire vivre nos âmes au contact de cette prière privilégiée. Elle nous dit ce souci au seuil même de l’année liturgique. Obéissons-lui avec empressement, et reconnaissons qu’elle a pour nous, comme son Époux, les paroles de la vie éternelle, ces paroles qu’elle ne se contente pas de réciter, mais qu’elle chante à l’aide de l’art grégorien.

Un psaume de confiance

Ce tout premier chant de l’année liturgique est emprunté au psaume 24. Il s’agit d’un psaume de confiance et c’est bien le message qu’entend donner l’Église au seuil de toute année qui va dérouler sous nos yeux la grande série des mystères du Christ. Le psaume 24 est un des psaumes les plus utilisés dans la liturgie. Il est plein de formules merveilleuses concernant la relation de notre âme avec Dieu. Citons-en quelques unes :

« C’est toi le Dieu de mon salut. En toi tout le jour j’espère à cause de ta bonté, Yahvé. »

« Souviens-toi de ta tendresse, Yahvé, de ton amour, car ils sont de toujours. »

« Ne te souviens pas des égarements de ma jeunesse, mais de moi, selon ton amour souviens-toi ! »

« Droiture et bonté que Yahvé, lui qui remet dans la voie les égarés, qui dirige les humbles dans la justice, qui enseigne aux malheureux sa voie. »

« Tous les sentiers de Yahvé sont amour et vérité pour qui garde son alliance et ses préceptes. »

« Est-il un homme qui craigne Yahvé, il le remet dans la voie qu’il faut prendre ; son âme habitera le bonheur, sa lignée possédera la terre. »

« Le secret de Yahvé est pour ceux qui le craignent, son alliance, pour qu’ils aient la connaissance. »

« Mes yeux sont fixés sur Yahvé, car il tire mes pieds du filet. »

« Tourne-toi vers moi, pitié pour moi, solitaire et malheureux que je suis. Desserre l’angoisse de mon cœur, hors de mes tourments tire-moi. Vois mon malheur et ma peine, efface tous mes égarements. »

« Garde mon âme, délivre-moi, point de honte pour moi: tu es mon abri. Qu’intégrité et droiture me protègent, j’espère en toi, Yahvé. »

Notre chant d’entrée du premier dimanche de l’Avent reprend quant à lui les quatre premiers versets du psaume : « Vers toi j’élève mon âme, mon Dieu, en toi je mets ma confiance, je n’aurai pas à en rougir. Que mes ennemis ne se moquent pas de moi, car tous ceux qui t’attendent ne seront pas confondus. Seigneur, fais-moi connaître tes voies, enseigne-moi tes sentiers. »

Commentaire musical

Ad te levavi entier

L’Église s’adresse ainsi officiellement au Seigneur au seuil de chaque année liturgique. Elle prend son envol par un grand coup d’aile qui la place à l’abri du mal, de ce mal le plus terrible et le plus redoutable qui est l’oubli de Dieu, l’indépendance par rapport au Créateur. Comme il est touchant ce « mon Dieu » (Deus meus) qui plane dans les hauteurs et atteint les sommets mélodiques de la pièce. La mélodie, d’ailleurs s’est faite aérienne dès les premiers neumes. Elle épouse le texte lui-même qui indique une montée : « Vers toi j’élève mon âme, mon Dieu ». Elle unit dans sa modalité la fermeté du 8ème mode et la sérénité

On peut constater aussi la force des négations « non », « neque ». Tout indique que la traversée de l’année liturgique qui représente toute la vie du Christ en un an, ne sera pas facile. On voit bien qu’il y a des ennemis et qu’ils sont forts. La lutte est marquée par le développement mélodique des verbes qui signifient le combat : « je ne rougirai pas », « que mes ennemis ne se moquent pas de moi », « que tous ceux qui t’attendent ne soient pas confondus ». Tous ces verbes sont extrêmement puissants. Il y a deux verbes pour les âmes fidèles (erubéscam, confundéntur), sous forme négative, revêtus tous deux d’ailleurs de la même mélodie ou à peu près ; il y a un verbe pour les ennemis (irrídeant), lui aussi sous forme négative. Mais le plus beau c’est sans doute ce verbe exspéctant qui s’adresse cette fois de façon positive à tous ceux qui placent leur confiance en Dieu. La belle formule qui enveloppe ce verbe traduit par sa montée régulière et forte, la plénitude de confiance qui habite les disciples du Seigneur.

On peut noter aussi que la première partie de ce chant d’entrée est au singulier (levávi, confído) et la deuxième partie au pluriel. Cette alternance est heureuse et très significative, surtout au tout début de l’année liturgique. La liturgie nous fait prier à la fois de façon personnelle et de façon collective. Ce chant, tout chant liturgique, est en même temps le chant de l’âme, le chant du Christ, le chant de l’Église, notre chant. Cela nous aide de savoir qu’on n’est jamais seul quand on prie, mais qu’à travers la célébration de la liturgie tout spécialement, des frères et des sœurs en nombre incalculable, disséminés sur les cinq continents, dans le monde entier, nous sont unis intimement et sont emportés avec nous dans la formidable aventure de la vie spirituelle et du salut.

« Tous ceux qui t’attendent Seigneur ne seront pas confondus ». Dans le cœur de l’homme il y a cette attente fondamentale qui coïncide avec un besoin de bonheur, d’amour, une soif d’éternité. L’espérance ne déçoit pas. Tout le mystère de l’Avent est imprégné de la promesse de ces réalités qui sont toutes contenues dans ce petit enfant qui va naître, et en qui résidera toute la plénitude de la divinité. L’Avent est par excellence le temps de l’attente, le temps de l’espérance et donc aussi le temps de la joie, puisque nous savons que cet enfant est déjà là, parmi nous, blotti dans le sein de Marie, sous l’abri de la plus pure des créatures. Oui, viens Seigneur Jésus, tous ceux qui t’attendent, depuis des siècles, depuis des générations et des générations, ne seront pas confondus, leur attente ne sera pas déçue. Et lorsque tu seras venu, lorsque tu auras grandi et que tu seras devenu un homme, tu nous montreras le chemin, ce Chemin que tu es toi même. Tu seras notre Maître, notre Vérité et nous marcherons à ta suite. Oui Seigneur, voilà pourquoi c’est vers toi que j’élève mon âme, j’ai confiance en toi, mon Dieu, je n’aurai pas à en rougir et rien ne pourra me séparer de toi. Quelle belle prière, si adaptée, si juste, pour commencer l’année liturgique !

En résumé

Une pièce très ferme, au tempo léger, dynamique et puissante.
Intonation vive. Accent bien soulevé de levávi.
Crescendo sur la finale de meam, fermeté sur Deus meus.
Reprendre du mouvement sur in te confído, et bien mettre en valeur le petit pronom te.
Vigueur des négations (non, neque). Fermeté des verbes (erubéscam, irrídeant).
Une nuance plaintive et craintive sur inimíci mei.
Reprendre du mouvement et partir plus piano sur étenim.
Le sommet de la pièce est sur exspéctant, très chaleureux.
Non confundéntur : très ferme et très assuré, mais humble aussi.
Le verset : lumineux et ferme

Note de départ conseillée : Fa ou Mi pour les chœurs paroissiaux, Sol pour les chœurs monastiques.

Pour écouter cet introît

Ad te levavi

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