L’abbé Mugnier, mondain et lettré

Publié le 13 Sep 2023
ABBÉ MUGNIER

En 1924, Charles Maurras dédicaçait un de ses livres : « À Monsieur l’Abbé Mugnier, aumônier général de nos Lettres ». Le titre était flatteur, mais correspondait assez bien à la réalité. Pendant plusieurs décennies, l’abbé Mugnier (1853-1944) fut en relations avec de très nombreux écrivains et personnalités de la société parisienne.  Les rapports qu’il entretient avec les uns et les autres sont de nature diverse. Parfois il s’agit de relations mondaines qui restent superficielles. D’autres fois, il reçoit des confidences, cherche à éclairer et guider ceux et celles qui lui font part de leurs difficultés spirituelles ou sentimentales. On le surnommait « le confesseur des duchesses ». L’expression est exagérée, car il ne semble pas, à lire son Journal comme sa Correspondance, qu’il ait beaucoup dispensé le sacrement de la confession.  Seules ses correspondances avec la princesse Bibesco et avec la poétesse Marie Noël avaient été publiées. La Correspondance qui paraît aujourd’hui, sans être exhaustive, permet de découvrir notamment ses lettres à la comtesse Greffulhe, à la comtesse de Noailles, à Jean Cocteau, à Marcel Proust, à Paul Valéry. L’édition annotée et commentée qu’en procure Olivier Muth présente utilement chacun des correspondants. Dans le Journal qu’il a tenu de 1879 à 1939, et qui a connu une édition – malheureusement partielle – en 1985, il reconnaissait : « La mondanité est, en moi, incorrigible. » L’abbé Mugnier, qui aimait les salons et la littérature, était libéral en politique et passait aussi pour libéral en matière religieuse. Ce qui lui valut quelques ennuis avec sa hiérarchie. Ordonné prêtre en 1877, il fut d’abord professeur au petit séminaire de Notre-Dame-des-Champs, puis vicaire dans différentes paroisses parisiennes. En 1909, pour s’être montré « ridiculement bon » avec l’ancien carme Hyacinthe Loyson, marié et fondateur de l’Église catholique-gallicane, il fut mis en congé de son poste de premier vicaire de Sainte-Clotilde et fut cantonné au poste d’aumônier de la maison-mère des sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny. Il estimait que la « charité » et la « tolérance » doivent guider l’homme d’Église dans ses relations avec ceux qui sont plus ou moins éloignés d’elle. Ce qui n’excluait pas de vouloir les ramener à une foi plus solide et à un comportement conforme à son enseignement. À madame de Caillavet, maîtresse d’Anatole France, qui voulait « communier » pour que son amant lui « revienne », l’abbé Mugnier répondit : « Brisez des liens que l’Église réprouve et vous irez ensuite à l’autel. Il y a des mélanges qui ne sont pas permis. »  Abbé…

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Yves Chiron

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