Charles Darwin, le célèbre auteur de L’Origine des espèces (1859), le théoricien de la sélection naturelle, a rédigé dans ses dernières années son Autobiographie. L’ouvrage paraîtra en 1887, après sa mort, expurgé par sa famille de passages qui pouvaient choquer. Ce n’est qu’en 1958 que l’ouvrage a été publié, en Angleterre, dans sa version complète. Elle paraît aujourd’hui dans une nouvelle traduction, qui fait ressortir dans une trame grise les passages censurés en 1887. La plupart ont trait à des personnalités qu’a connues Darwin et sur lesquelles il émettait des jugements sévères ou des opinions méprisantes. Plusieurs passages expurgés avaient trait aussi à ses convictions personnelles.
De manière générale, Darwin a été présenté par ses biographes et par les historiens des sciences comme un « agnostique », qualificatif qu’il a employé lui-même. Mais ce ne fut pas le stade final de ses réflexions. Dans un des passages censurés, il reconnaît : « avant mes fiançailles, mon père me conseilla de dissimuler soigneusement mes doutes, car il disait avoir eu connaissance de peines extrêmes causées de la sorte chez des personnes mariées ».
Il écrira : « Rien n’est plus remarquable que le progrès du scepticisme ou du rationalisme durant la seconde moitié de ma vie. » Il est devenu progressivement incroyant et a méprisé intellectuellement toutes les religions, affirmant : « je ne vois guère comment quiconque pourrait souhaiter que le christianisme soit vrai ».
Le voyage autour du monde qu’il fit, en tant que naturaliste, sur le Beagle, de 1831 à 1836, fut l’événement le plus important de sa vie et a été déterminant dans l’élaboration de sa théorie de la sélection naturelle. C’est au cours de ce long voyage qu’il en est venu à « considérer que l’Ancien Testament, du fait de son histoire du monde manifestement fausse, avec la tour de Babel, l’arc-en-ciel comme signe, etc., etc., et de son attribution à Dieu des sentiments d’un tyran vindicatif, n’était pas plus digne de confiance…