Le Pape aux États-Unis : une récupération?

Publié le 23 Sep 2015
Le Pape aux États-Unis : une récupération? L'Homme Nouveau

Dans un pays blessé par l’immoralité croissante et les divisions politiques, qu’attendait-on sur place du Pape François à la veille de son séjour du 22 au 27 septembre ? Trois étapes : Washington (premier discours d’un pontife face au Congrès), New York (assemblée générale de l’Onu), Philadelphie (rencontre mondiale des familles).

« Sur 80 % des dossiers, nous sommes d’accord ! » Le Président Barack Obama, un militant de l’avortement et du faux « mariage », veut que tous les Américains le sachent : il partage presque entièrement la vision du Pape François… Sa visite de cinq jours – la première fois que l’Argentin le plus célèbre du monde foule le sol des États-Unis – se présente pour le camp d’Obama comme l’aubaine du siècle dans deux domaines clés : l’environnement et l’immigration.

Un travail de longue haleine

Plusieurs élus démocrates n’ont pas hésité à faire circuler auprès de leurs collègues du Congrès une pétition demandant au Saint-Père de bénir leurs efforts subversifs.

Cette tentative de récupération à des fins strictement temporelles a commencé tôt. Avant de quitter Cuba pour Washington, où il devait s’adresser aux 535 sénateurs et représentants ­réunis au Capitole – une première historique, et le seul discours annoncé en anglais –, le Pape François avait fait la Une, au fil des mois, de plusieurs magazines hostiles à l’Église : ­Time, Rolling Stone, Fortune, The New Yorker, Esquire, Vanity Fair… Le Saint-Père a même été la star début septembre sur ABC d’une rencontre télévisée virtuelle avec une brochette d’Américains. S’adressant à une mère célibataire, il surprit l’assistance en lui disant tout de go : « Vous auriez pu tuer vos filles et vous avez respecté la vie. (…) N’ayez pas honte. Gardez la tête haute. » « Je n’ai pas tué mes filles. Je les ai mises au monde. » « Je vous félicite. » Dans le compte rendu de Time, « tuer » et « tué » avaient disparu.

Par précaution, un guide a été distribué aux 7 000 journalistes qui comptaient couvrir cette visite. Publié par la puissante organisation GLAAD, qui a reçu plus de 200 000 dollars en 2014 pour promouvoir la cause homosexuelle et « influencer la présentation de l’Église catholique et de ses filiales ultraconservatrices » auprès des médias, ce guide décrit les évêques américains – à l’exception de quelques-uns comme Mgr Blase Cupich de Chicago – comme « décalés » par rapport aux laïcs et insiste sur la nécessité d’écarter certains commentateurs « extrémistes » (lisez, fidèles) pour laisser la parole aux victimes de discrimination,?alias?les ­paroissiens?homo-, bi- ou trans-sexuels, « de préférence latinos » comme l’hôte de mar­que.

Certains catholiques se réjouissent d’accueillir « l’anti-Donald Trump », perçu avant tout comme tolérant, à l’inverse de ce milliardaire de l’immobilier qui propose de cons­truire – sho­cking ! – un mur le long de la frontière mexicaine. Parmi les catholi­ques plus soucieux de sûreté doctrinale et de beauté liturgique, un nombre croissant s’interroge face aux paroles et actes imprévisibles du Saint-Père. Inquiets, ils évoquent les messages moins impulsifs de Jean-Paul II (sept visites aux États-Unis de 1979 à 1999) et de Benoît XVI (2008).

Des catholiques dilués

Jadis unis par plusieurs vagues de persécution, les catholiques américains ne le sont plus. Il y a à peine un siècle, venus d’Irlande, d’Italie, de Pologne, ils élevaient leurs familles nombreuses dans des ghettos urbains. Aujourd’hui, ils ont aussi peu d’enfants que les autres, et autant d’argent. Malgré leur statut de minorité (21 % de la population totale, soit 69 millions), n’ont-ils pas conquis les leviers du pouvoir ? Deux générations après l’entrée à la Maison-Blanche de John Kennedy, le vice-président Joseph Biden et le secrétaire d’État John Kerry ne sont-ils pas tous deux catholiques ?

Une Église en perte de vitesse

Mieux : alors que plus de 40 % de la population demeure protestante, six des neuf juges de la Cour Suprême (les trois autres sont juifs) se réclament officiellement de l’Église. Six sur neuf : du jamais vu. L’arrêt du 26 juin n’en est que plus tragique, car sans les voix de deux catholiques, les homosexuels n’auraient pas obtenu le droit de « se marier ». Cette trahison fait mal. L’Amérique que le Pape François découvre n’est pas seulement la grande puissance capitaliste dont il rejette à juste titre les excès, ou la nation d’esprits créatifs à la générosité légendaire. C’est un pays qui vient de recevoir une blessure mortelle. Un pays déboussolé par un gigantesque mensonge, où la famille fléchit, où la liberté religieuse vacille.

Le magazine Inside the Vatican a publié plusieurs lettres ouvertes au Pape. Dans l’une, Tom Monaghan, fondateur d’Ave Maria University en Floride, constate : « Nos paroisses sont devenues des hôpitaux de campagne pour tous ceux que la révolution sexuelle a brisés. » Dans une autre, trois champions de base-ball supplient le Vicaire du Christ : « Merci d’expliquer à l’Amérique que suivre les Dix Commandements est la meilleure façon d’être vraiment libres. »

Ce contenu pourrait vous intéresser

InternationalBioéthique

Abolition de la GPA : une semaine historique à l’Onu

Dans un rapport du 1er octobre, Reem Alsalem, rapporteur spécial des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, a qualifié la gestation pour autrui de « forme d’esclavage moderne », et appelé à l’adoption d’un instrument international juridiquement contraignant interdisant la GPA « sous toutes ses formes ». 

+

gpa
International

Ce que l’Europe et l’Amérique doivent à l’Espagne. Entretien avec Marcelo Gullo (2/2)

Entretien partie 2 | Le 7 octobre, l'historien et politologue argentin Marcelo Gullo Omedeo publiait son dernier ouvrage, Lepanto : Cuando España salvó a Europa (Lépante. Quand l'Espagne a sauvé l’Europe). À cette occasion, Arnaud Imatz, docteur en sciences politiques et hispaniste, s’est entretenu avec l’auteur sur l’apport de l’Espagne dans l’histoire de l’Europe et des Amériques.

+

Espagne
International

De l’Europe à la Chine : la tyrannie des algorithmes

De l’agriculture au terrorisme, en passant par la pédophilie, l’intelligence artificielle et les algorithmes commencent déjà à prendre le pas sur la surveillance humaine. Une tyrannie qui va remettre en cause les relations et les échanges mondiaux et donc l’activité locale et nationale.

+

chine algorithme
International

Ursula von der Leyen, grande prêtresse de l’Europe 

Le 10 septembre dernier, Ursula von der Leyen prononçait le « discours sur l’état de l’Union » devant le Parlement européen. Elle a d’abord posé au chef de guerre, avant de promettre à toutes les tendances partisanes de satisfaire leurs désirs, puis de clamer son propre souhait en appelant à renforcer son pouvoir. C’était le discours d’un chef d’État et non d’un haut fonctionnaire nommé.

+

von der Leyen europe
International

L’assassinat de Charlie Kirk secoue les États-Unis

Décryptage | Militant conservateur et figure de la droite américaine, Charlie Kirk a été assassiné le 10 septembre dernier dans l’Utah (États-Unis). Sa mort a provoqué une onde de choc aux États-Unis, et même au-delà, ravivant les tensions politiques dans un contexte déjà très polarisé. 

+

Charlie kirk Amérique