Le père Chenu, « l’incurable optimiste »

Publié le 21 Oct 2022

Avec son confrère dominicain Yves Congar et le jésuite Henri de Lubac, le père Marie-Dominique Chenu (1895-1990), soutien du mouvement des prêtres-ouvriers, auteur plusieurs fois mis à l’Index, passe pourtant pour l’un des théologiens français qui ont le plus influencé Vatican II. Sa dernière biographie qui vient de paraître fait le point sur cette idée. Étienne Fouilloux, historien du catholicisme contemporain, déjà biographe du père Congar et du cardinal Tisserant, livre une biographie enlevée du père Chenu. Enlevée parce qu’en quelque 260 pages il restitue un itinéraire riche et tourmenté. C’est davantage une biographie intellectuelle qu’une biographie religieuse ou spirituelle. L’auteur s’intéresse surtout aux travaux du père Chenu, à la part qu’il a prise aux débats religieux et politiques de son temps et aux condamnations qui l’ont frappé (en 1942 et 1954).

Tourné vers l’intérieur

On aurait aimé comprendre davantage la vie religieuse du père Chenu et la naissance de sa vocation. Dans une interview donnée en 1985, à la veille de ses 90 ans, et non citée par Étienne Fouilloux, il expliquait : « Adolescent, je lisais tous les jours le fameux petit livre L’Imitation de Jésus-Christ, un ouvrage génial du début du XIVe siècle [en fait, fin XVe-début XVIe]. C’est dire que mon attitude était alors tout entière tournée vers l’intériorité. » C’est l’attrait pour la contemplation qui l’a fait entrer dans l’Ordre dominicain en 1913. Il lui consacrera sa thèse de théologie soutenue à Rome. Au couvent du Saulchoir, en Belgique, alors siège du noviciat et du studendat, il avait découvert, dira-t-il, « une très belle liturgie, qui s’articulait avec une vie d’études et une discipline communautaire ». Hormis ce souvenir, relevé par Étienne Fouilloux, il ne sera plus question dans l’ouvrage de la messe et seulement très occasionnellement de l’office dominicain. On aurait aimé savoir comment le père Chenu a vécu les transformations de la liturgie et de l’office dominicain dans les années conciliaires et postconciliaires. Il sera professeur au Saulchoir à partir de 1920, sans qu’on puisse dire qu’il fut « un grand professeur », relève l’auteur qui note qu’« il était trop mal organisé et trop peu rigoureux pour cela ». Il sera néanmoins promu père maître des étudiants en 1928. Son enseignement comme ses travaux l’orientent vers l’histoire de la théologie, mais une histoire qui mène à la théologie. Il écrira plus tard : « L’histoire de la théologie est intérieure à la…

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Yves Chiron

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