Pakistan : Crise au « pays des purs »

Publié le 26 Fév 2024
pakistan Imran Khan

Imran Khan le 26 novembre 2009. © Stephan Röhl for Heinrich Böll Stiftung, CC BY-SA 2.0

Le grand vainqueur des législatives pakistanaises, Imran Khan, aura peu de loisir de savourer sa victoire, puisqu’il est en prison. Une situation absurde qui pousse l’exaspération de la population à son paroxysme, dans un contexte de crise économique insoluble. 

  Lors des élections législatives de février 2024, l’ancien Premier ministre Imran Khan a vu son camp emporter 99 sièges au Parlement tandis que son principal concurrent en obtenait 77. Son parti, Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), le « Mouvement pakistanais pour la justice », a été fort opportunément interdit avant ces élections et les candidats qui s’en réclamaient ont dû se présenter comme indépendants. Ils ne pourront pas gouverner le pays mais les électeurs se sont tout de même déplacés en masse pour exprimer leurs suffrages. Ils n’acceptent pas la parodie de démocratie qui se joue sous leurs yeux et expriment leur mécontentement. Craignant une forte contestation dans la rue, le gouvernement a exhumé une loi datant de l’ère coloniale qui interdit les rassemblements de plus de cinq personnes. Les manifestations qui se tiennent pour défendre le PTI et Imran Khan sont donc considérées comme « illégales » par le pouvoir et brutalement réprimées par les forces de sécurités. Quant à Imran Khan lui-même, il fait l’objet de près de 200 condamnations, qui vont de la corruption à un mariage jugé illégal en passant par la trahison. Il est théoriquement emprisonné pour trente et un ans ! De toute évidence, l’appareil législatif pakistanais, et derrière lui l’armée, veut se débarrasser de l’ancienne vedette de cricket, qui fut Premier ministre de 2018 à 2022.  

Le rôle de l’armée

L’armée pakistanaise fait partie intégrante de l’identité du pays depuis l’indépendance de 1947 et elle le contrôle en grande partie. Non seulement dans le domaine politique mais aussi économique, explique Côme Carpentier, responsable éditorial de la revue AFRI (New Delhi) : «Elle en détient des pans entiers par le biais de fondations qui possèdent de très nombreuses sociétés industrielles et financières et un immense parc immobilier et agricole » (Conflits, juillet 2023). Or c’est bien cette armée qui a soutenu la candidature d’Imran Khan avant de déchanter. « Son » candidat se permettait en particulier de dénoncer les États-Unis, partenaires historiques de l’armée pakistanaise, et de tenter des rapprochements avec l’Inde, l’ennemi historique. Difficile, dans ces conditions, de ne pas voir la main de l’armée derrière les condamnations qui pleuvent sur l’ancien Premier ministre.  

Une inflation sans limite

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Thomas Oswald

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