Patrimoine religieux : peut-on tout se permettre pour rouvrir une église ?

Publié le 12 Juin 2023
patrimoine religieux

Vendredi 2 juin, un colloque était organisé au Sénat par le journal le Pélerin, intitulé « les églises communales au service du bien commun ? ». Les différentes interventions revenaient sur une étude sur l’état du patrimoine religieux en France. Face à un constat préoccupant, plusieurs initiatives étaient proposées, mais certaines semblaient oublier l’aspect sacré d’une église. L’occasion de réfléchir sur ce qui peut être fait dans ce monument. 

Dans le Palais de Luxembourg, ce vendredi matin, un colloque sur les édifices religieux en France a réuni des acteurs du patrimoine, sous la direction de la commission pour la culture du Sénat. Cette réunion était organisée suite à la publication, en juillet 2022, d’un rapport de cette commission sur l’avenir du patrimoine religieux.  

Plusieurs interventions renseignaient sur l’état des monuments religieux en France. Les chiffres, tirés du rapport de juillet 2022, sont éclairants : sur les 100 000 édifices religieux recensés en France, seulement 15 000 sont classés monuments historiques. En 2017, la Conférence des évêques de France comptabilisait 255 églises diocésaines ou paroissiales désaffectées ou vendues depuis 1905, et l’Observatoire du patrimoine religieux évalue entre 2 000 et 5 000 le nombre d’édifices cultuels susceptibles d’être abandonnés, vendus ou détruits d’ici à 2030.  

De nombreux monuments religieux sont donc en péril en France. Plusieurs initiatives ont alors été présentées pour permettre une nouvelle vie à ces églises, centre des villages. Cependant, parmi ces projets, plusieurs semblent oublier la dimension sacré de ces monuments. En Belgique, le projet church campus consiste à faire d’une église une salle d’étude pour les révisions des examens. On en oublie le rôle principal d’une église : la rencontre avec Dieu.  

Histoire de l’église 

Que peut-on réellement faire dans une église ? Le monument en lui-même permet-il toutes sortes d’activités ?  

Lors de ce colloque, Jean-Paul Deremble, historien de l’art et théologien, avait exposé une rapide histoire du monument église. Déjà en 2020, lors d’un colloque consacré aux constructions de nouvelles églises dans le diocèse de Lyon, le même historien avait parlé de « l’histoire et l’actualité de l’ecclesialité », où il avait exposé les origines de l’église. 

Le terme « église » vient premièrement du grec ecclesia qui signifie « communauté ». L’ecclesia était une assemblée publique où les citoyens désignaient les membres du conseil, les tribunaux et les magistrats. Selon Jean-Paul Deremble, « Au cœur de la cité, la présence de cette assemblée est donc l’expression vivante de l’ensemble du peuple ». Il ajoute que « les membres de l’ecclesia sont appelés (« kal ») et tirés (« ek ») d’un ensemble plus vaste pour assumer une responsabilité au nom de tous ». En écho à cet « appel », il affirme alors que l’Église instituée par le Christ est une « réponse de l’humanité à l’appel de Dieu ». 

Dans son étymologie, l’église ecclesia est donc en premier lieu un rassemblement de citoyens. En tant que monument, elle deviendra le lieu de ce rassemblement. 

Dans la période romaine, un monument particulier sera à l’origine de l’organisation des églises. Il s’agit de la basilique, lieu de réunion entre le chef, le basileus, et le peuple, le laos. C’est le premier monument où le sacré, représenté par le dirigeant, est en contact direct avec le profane, le peuple. La basilique est divisée en deux espaces : l’abside où réside le chef, et la nef où se trouve le peuple.  

Le christianisme va alors reprendre l’ecclesia des grecques et la basilique des romains pour exercer sa religion. Selon Jean-Paul Deremble, « le terme d’ecclesia va s’imposer progressivement pour désigner l’existence même des chrétiens qui professent le rassemblement comme l’expression la plus adaptée du message chrétien de l’incarnation ». Quant au monument, la basilique semble être la meilleure manière de représenter l’alliance entre Dieu et son peuple.  

Cependant, un élément manque à l’organisation du bâtiment : l’autel, « lieu de l’alliance des deux natures qui ne font qu’une dans la personne du Christ ». Placé au centre de l’église, il est le symbole de l’alliance entre Dieu et les hommes, alliance qui  

Plusieurs finalités en un même lieu 

Cette alliance entre le sacré et le profane se manifeste dans toute sa splendeur dans le sacrifice du Christ, vrai Dieu et vrai homme. L’exercice du culte est donc la première finalité d’une église.  

Cependant, ce monument peut être utilisé pour d’autres buts. Les vitraux sont une prédication par l’art ; les chapelles latérales étaient autrefois des lieux de réunion et de vénération des corporations. Dans son tableau intérieur d’église nocturne animé, datant du XVIIè siècle, le peintre Gerrit de Bucq décrit les différentes populations présentes dans les églises : des prêtres, des fidèles, mais aussi des visiteurs, des mendiants, des chiens… Selon Jean-Paul Deremble, « c’est récent que les usages de l’église se soient un peu réduits ».  

De par sa grande taille, l’église a pu être aussi un lieu de rassemblement : en 1962 par exemple, le concile Vatican II avait réuni les évêques du monde entier dans la basilique saint Pierre. L’église peut donc être un lieu de rassemblement, de visite, d’accueil des pauvres…  

Ce monument a été aménagé pour que ces différentes activités puissent être réalisées sans gêner l’exercice du culte. Les déambulatoires permettent ainsi aux visiteurs de traverser l’église sans passer au milieu du chœur, réservé au sacré, et au sacrifice. 

Jean-Paul Deremble précise que « notre société doit se servir de ce lieu, non pas comme un lieu banal de réunion, mais comme un lieu où s’effectue cette relation entre le transcendant et l’immanent ». La première finalité étant l’exercice du culte, toute activité à l’intérieur d’une église doit être faite pour élever l’homme vers le spirituel, qui le conduit à Dieu. 

 

Aymeric Rabany

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