Parmi toutes les tendances qui secouent l’Amérique actuellement, il en est une dont le destin apparaît d’autant plus durable qu’il concerne non pas un groupe isolé mais chaque individu. C’est l’habitude, désormais bien ancrée, de se définir par la négative. Au dîner, on sert des glaces sans graisse, de la bière sans alcool, du café sans caféine. Et au petit-déjeuner, on proclame haut et fort à l’invité qui eut droit à une nuit sur le canapé du salon, que les lieux sont sans fumée, les boissons sans sucre, les discussions sans politique et les déchets sans pollution. Les autorités se plaisent à souligner que le nombre d’alcooliques anonymes, de drogués anonymes, de joueurs anonymes et de boulimiques anonymes a doublé en dix ans. Le refus est devenu un style. Le simple « non » est passé de la fonction d’adverbe de négation à l’état de slogan existentiel. Il y a une génération, une cigarette déterminait un profil ; aujourd’hui, elle le condamne. Dans les années 1990, on se faisait plaisir ; maintenant, on se contrôle. L’époque exige que l’on chasse l’auto-indulgence comme une sorte de faiblesse dégradante. C’est la mode du « non » identificateur. Il prouve que l’on est capable de discipline personnelle, de choix idéologique, de messianisme salvateur. Il montre que l’on veut en terminer avec les nauséeux débats du passé afin d’affronter les défis du futur. Un professeur de psychologie à l’université de Boston estime que cette culture du « non » est une culture de la découverte par élimination. Dans ce cas, le « non » serait chargé, par le langage et les attitudes, de pousser une civilisation hors de l’histoire. Les individus se présentent en insistant sur ce qu’ils ne sont pas ; les produits se vendent grâce à ce qu’ils ne contiennent plus ; les politiciens cherchent l’élection en claironnant ce qu’ils ne promettent pas. Le non-isme semble perçu comme une parenthèse de réaction annonciatrice de changements. Mais à force de rejeter le « oui » qui scelle un engagement, l’adepte du « non » finira par se demander : « qui suis-je ? »
2024, l’année de l’Occident détrôné
Décryptage | Cette année 2024 a marqué un pas supplémentaire dans le recul de l'Occident au Moyen-Orient, place laborieusement acquise au cours du XIXe siècle. De son côté, la Chine prend indubitablement la place des États-Unis, brandissant les intérêts en lieu et place des droits de l'homme.