La littérature, indispensable à la formation humaine

Publié le 14 Août 2024
littérature

Bibliothèque apostolique du Vatican © Dobroš, CC BY-SA 4.0

Le pape François a rédigé une lettre sur la littérature le 17 juillet 2024. Il y préconise l’usage et l’enseignement de la littérature dans les séminaires, ainsi que dans toute formation humaine.

 

On savait déjà que le Pape, ancien professeur de littérature, avait un goût passionné pour cette science. Dès le premier jour de son pontificat, il citait Léon Bloy : « Celui qui n’évangélise pas la Croix du Christ, évangélise le diable », et nombre de ses textes sont parsemés de citations d’auteurs profanes ou religieux. Mais c’est la première fois qu’un pape écrit un document intégralement consacré à la littérature et qui plus est, il demande que la littérature fasse partie de l’enseignement des séminaristes. Certains s’en étonneront et l’on va essayer de montrer avec le Pape qu’il n’y a pas lieu de le faire.

Certes, sans même parler de littérature érotique, ni même idéologique, on pourrait objecter avec Pie XII que « la littérature mensongère peut devenir plus homicide que les chars blindés et les bombardiers ». On pourrait se demander également à quoi servirait une littérature qui ne serait plus qu’un amusement ou un passe-temps, qui n’apporterait à l’intelligence aucune lumière nouvelle, ni au cœur une flamme plus ardente et à la vie un idéal qui ne soit pas un vain mirage ? Et on ne sait que trop combien les changements survenus dans les mœurs, dans la sensibilité des peuples, dans les modes d’expression de la littérature et des arts, dans les formes de communication sociale ont influencé en mal le sentiment religieux.

Mais nous ne devons pas pour autant rejeter la littérature saine et religieuse qui a façonné notre Europe chrétienne, comme l’avait rappelé magistralement Benoît XVI, dans son discours aux Bernardins.

Ruth et Job demeurent des joyaux de la littérature mondiale. Rares sont ceux qui ont le talent poétique d’Isaïe. La Passion des saintes Perpétue et Félicité est considérée à bon droit comme un des plus précieux joyaux de l’ancienne littérature chrétienne. N’oublions pas non plus qu’une très vaste littérature s’étendant sur plusieurs siècles a façonné notre civilisation chrétienne que l’on veut remplacer par une a-culture, une contre culture de la mort et de l’érotisme, comme l’a montré l’ouverture des Jeux olympiques. Qu’on se souvienne des Confessions ou de la Cité de Dieu de saint Augustin, ou l’Itinéraire de l’âme à Dieu de saint Bonaventure. Et je ne parle pas des grands auteurs classiques !

Il ne nous est pas possible de résumer même brièvement cette lettre que l’on peut qualifier d’admirable, à l’exception sans doute de ce qui y est dit du fondamentalisme. Certes celui-ci doit être condamné, mais saint Paul VI, dans Mysterium fidei, avait rappelé que l’on ne peut omettre les mots mêmes que l’Église utilisa pour définir sa foi dans les grands Conciles. Ceci dit, je voudrais simplement souligner quelques points.

En période de vacances, trouver un bon livre devient une oasis (n°2). Le lecteur est beaucoup plus actif dans la lecture d’un livre qu’en manipulant des médias audiovisuels. Le lecteur s’enrichit davantage par la lecture de ce qu’il reçoit de l’auteur, ce qui lui permet d’épanouir la richesse de sa propre personne (n°3). La littérature sera toujours liée au mystère de la personne (n°5). Elle fait partie de sa vie intime (n°6). Il faut lire des livres qui puissent devenir nos compagnons de route, mais il ne faut jamais lire par obligation, ou par contrainte, tout en sachant se laisser conseiller pour lire le livre dont nous avons besoin à l’instant présent (n°7).

La littérature est indispensable pour entrer en dialogue avec la culture de notre temps (n°8). On ne peut ignorer les cultures anciennes et donc les littératures diverses qui expriment toujours la nature propre de l’homme (n°9). Grâce à la littérature, la mission de l’Église a déployé beauté, fraîcheur et nouveauté dans la rencontre avec les différentes cultures. Polyphonie de la Révélation qui ne doit pas être appauvrie ou réduite à des conditions historiques ni à des structures mentales (n°10). Le christianisme des origines, à l’instar de saint Basile, a bien perçu la nécessité d’une confrontation étroite avec la culture classique de l’époque (n°11).

Grâce à la littérature, il faut répondre adéquatement à la soif de Dieu (n°15). La littérature nous apprend à toucher les cœurs (n°21). L’acte de lecture s’apparente à un acte de discernement (n°29). La littérature est comme un télescope, un laboratoire photographique, qui développe les images de la vie. La littérature nous fait expérimenter la vie (n°30). Elle nous permet de prendre de la distance  par rapport à l’immédiat et ainsi de pouvoir écouter et surtout contempler, en s’arrêtant dans sa lecture (n°31).

Elle doit devenir un gymnase où l’on entraîne le regard à chercher et explorer la vérité des personnes et des situations (n°32). Elle est une rumination (n°33). Elle permet d’acquérir une largeur de perspective qui élargit notre humanité. Elle active en nous le pouvoir de l’imagination (n°34). La littérature parle un langage capable de respecter chacun, tout en transmettant la richesse de l’expérience (n°35). Elle est comme un rêve qui permet un temps d’échapper à la misère du temps (n°36). Rien de ce qui est humain ne doit nous être indifférent (n°37).

Elle n’est pas relativiste, ne neutralise pas le jugement moral, mais empêche l’aveuglement ou la condamnation superficielle (n°38). Elle éduque notre regard spécialement à la mansuétude et à l’humilité (n°39). Elle forme le lecteur et son jugement (n°40). La puissance spirituelle de la littérature (n°41-44). La littérature aide le lecteur à briser les idoles des langes autoréférentiels statiquement conventionnels et faussement autosuffisants (n°42). Elle aide grandement l’homme dans sa tâche de gardien de la création (n°43). Affinité entre le prêtre et le poète (n°44).

 

>> à lire également : Racine (6/8) : Esther et Athalie, tragédies juives, œuvres chrétiennes

 

Un moine de Triors

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneCulture

La bataille de Bouvines (2/4) : La place de Bouvines dans l’histoire de la France 

DOSSIER « 810e anniversaire de la bataille de Bouvines : Une victoire unificatrice » 2/4 | Célébrée à juste titre à l’époque comme une victoire éclatante, la bataille de Bouvines est restée dans l’histoire un symbole de l’union nationale de la « douce France » autour de son roi. La longévité de cette réputation doit aussi beaucoup à l’historiographie du XIXe siècle jusqu’à la veille de la guerre de 1914.

+

bouvines Philippe II auguste
A la uneCulture

La bataille de Bouvines (1/4) : Le Dimanche de Bouvines

DOSSIER « 810e anniversaire de la bataille de Bouvines : Une victoire unificatrice » 1/4 | Combat décisif entre le roi de France et l’empereur Othon de Brunswick, la célèbre bataille de Bouvines a été racontée par plusieurs chroniqueurs du Moyen Âge. On connaît donc bien son déroulement, ses différents protagonistes, les épisodes glorieux ou malheureux qui l’émaillèrent et ses conséquences politiques déterminantes pour les destinées de la France.

+

dimanche de bouvines
Culture

Le choix de nos armes

L'Essentiel de Joël Hautebert | À rebours de l'éradication par la Révolution des traditions et coutumes locales, l'association « Recordatio » a relevé cet été le défi de réveiller la mémoire d'une des petites patries de la France, celle de la Vendée en armes. Avec l'évocation de ce passé, il s'agit de revivifier la culture française, en proposant en exemple des héros vraiment chrétiens.

+

recréation choix des armes