Petites histoires de la grande Histoire en bédés

Publié le 06 Mai 2020
Petites histoires de la grande Histoire en bédés L'Homme Nouveau

« A-t-on des nouvelles de M. de La Pérouse ? », telle fut la dernière question que Louis XVI posa le matin du 21 janvier 1793 avant de partir pour l’échafaud, preuve de l’intérêt passionné que ce souverain géographe portait à l’expédition qu’il avait voulue, programmée, afin d’ouvrir le Pacifique à la France et éclipser la renommée de l’Anglais Cook.

Il y avait alors plus de cinq ans que l’on était sans nouvelles des explorateurs … Et il faudra des décennies encore pour que l’on ait une idée de leur sort. L’on sait aujourd’hui que les frégates françaises se disloquèrent en 1788 sur les récifs de l’îlot de Vanikoro dans l’archipel de Santa Cruz, victimes d’un typhon, et qu’une partie de l’équipage, dont peut-être La Pérouse lui-même, survécut au naufrage.

Des générations entières se sont enthousiasmées pour l’exploit réalisé par ce petit groupe d’officiers de marine et de scientifiques français, partis dans une aventure qu’ils savaient pouvoir être sans retour, animés autant par la soif de découvertes que par le désir de faire flotter le drapeau fleurdelisé sur un océan inexploré. L’énigme de leur disparition hanta longuement les imaginations et l’espoir de retrouver la Boussole et l’Astrolabe anima plus d’un équipage. 

C’est d’ailleurs par l’organisation, dans les années 1820, d’une mission de recherche, que commence l’album signé Coline Dupuy et Andrea Mutti, La Pérouse (Éditions du Rocher et Puy du Fou. 46 p. 14,90 €.), ce qui permet aux derniers témoins d’égrener leurs souvenirs.

C’est au parc du Puy du Fou, qui consacre à La Pérouse une nouvelle attraction, permettant, du moins quand il rouvrira,  d’embarquer sur l’Astrolabe et d’affronter les périls de la navigation au XVIIIe siècle à travers les plus dangereux parages au monde, que l’on doit l’idée de cet album.  Très axée autour des amours contrariées de La Pérouse, alors jeune lieutenant de vaisseau, avec une belle créole jugée de trop petite naissance par les siens, cette bande dessinée est une initiation rapide et agréable à la vie d’un navigateur qui, pour être homme de son époque, ne croyait guère au mythe du Bon Sauvage. 

Cette sortie a entraîné la remise en vente d’un autre album de Coline Dupuy, datant de 2013, consacré à Cathelineau (Artège ; 56 p ; 14,50 €.)

La bande dessinée, genre marqué à gauche, s’est peu intéressée aux guerres de l’Ouest. Cette biographie sous forme de « roman graphique » du Saint de l’Anjou est donc à marquer d’une pierre, blanche, bien entendu ! Il s’agit, en effet, d’une vraie réussite. Sur un scénario solide et documenté évitant les à peu près, s’appuie le graphisme élégant et sensible de Denoël qui sait donner aux décors comme aux personnages une beauté trop souvent dédaignée par une école de dessinateurs français adepte de la laideur.

Racontée par son ami d’enfance, l’abbé Cantiteau, curé du Pin-en-Mauges, la vie de Jacques Cathelineau, premier généralissime de l’Armée catholique et royale, est restituée avec une grande fidélité à la réalité historique, et un souci constant de la dimension spirituelle du personnage. S’il a fallu parfois simplifier, à l’intention d’un public, jeune ou adulte, de plus en plus ignorant, l’ensemble reste cependant d’une belle tenue. Tout fidèle de la Vendée militaire appréciera. Ce récit aura surtout le mérite de rappeler, en nos temps de couardise généralisée des catholiques, jusqu’où nos pères ont su aller pour préserver la liberté du culte et la foi ancestrale. Une leçon plus que jamais à méditer.

Tout comme le sacrifice, en mai 1527, lors du sac de Rome par les lansquenets de Charles Quint, du jeune corps de mercenaires suisses dont la papauté avait depuis peu choisi de s’entourer, confiante dans la grande valeur militaire des Helvètes. C’est d’ailleurs toujours à cette date anniversaire que les nouveaux engagés prêtent encore aujourd’hui serment de fidélité au pape, histoire de se souvenir qu’ils ne sont pas seulement, comme on le croit un peu vite, des figurants décoratifs et bizarrement vêtus.

Même  si leur nombre a été drastiquement réduit après le Concile, les gardes suisses, malgré leur costume pseudo Renaissance, librement inspiré en 1921 de ceux de leurs prédécesseurs représentés dans les Chambres de Raphaël, qui assurent, en lien avec la gendarmerie pontificale, la sécurité rapprochée du pape et de l’État du Vatican, appartiennent à un corps d’élite dont la formation et le niveau n’ont rien à envier à ceux du GIGN.

En suivant l’itinéraire de Marc Dewitt, jeune agriculteur suisse désireux d’intégrer la garde pontificale, Arnaud Delalande raconte l’histoire et les faits d’armes, de leur sacrifice de 1527 jusqu’à l’attentat contre Jean-Paul II en 1981, de ces derniers soldats suisses à maintenir la glorieuse tradition du service étranger. (Arnaud Delalande, Yvon Bertorello, Laurent et Clémence Bidot : Les gardiens du pape, la Garde suisse pontificale. Artège. 56 p. 15,90 €.)

Le récit, malheureusement un peu basique, donne parfois l’impression que Marc et ses camarades sont plus intéressés par les performances des voitures du Vatican que par leur service, la dimension religieuse est minimisée, mais le plus fâcheux est sans doute un dessin sans charme. Pas sûr que cet album, dont c’est l’une des ambitions, suscite beaucoup de vocations dans les Cantons… 

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneCulturePatrimoine

« Raconte-moi la France », un voyage épique à travers les siècles 

Focus | Le nouveau spectacle itinérant de Bruno Seillier, Raconte-moi la France, débutera en octobre 2024 à Clermont-Ferrand, avant de poursuivre sa tournée dans toute la France pendant plusieurs années. Un million de spectateurs sont espérés en cinq ans, avec 200 dates d’une tournée programmée dans 17 villes différentes. Raconte-moi la France se déploiera sur plus d’une heure quarante-cinq et mettra en scène plus de 90 comédiens, cavaliers, danseurs et cascadeurs sur le plateau artistique.

+

Raconte-moi la France
ChroniquesCulture

L’exposition : Revoir Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin

La Vierge du Chancelier Rolin de Van Eyck, seul tableau du peintre à être conservé au Louvre, sort tout juste de restauration. Le musée lui consacre jusqu'en juin une exposition exceptionnelle, entouré de six autres œuvres de Van Eyck jamais présentées en France, et pour certaines prêtées pour la première fois. 

+

Revoir Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin
CultureLectures

Un dernier livre sur Hans et Sophie Scholl, aux racines de leur héroïsme

Recension | Dans un ouvrage paru récemment, Henri Peter expose l’évolution de la réflexion intellectuelle et spirituelle de protagonistes de la Rose blanche, Hans et Sophie Scholl. Dans Sa vie pour la mienne, Julie Grand témoigne six ans après l'attentat islamiste de Trèbes, où le Colonel Arnaud Beltrame a trouvé la mort. La Rédaction de L'Homme Nouveau vous propose une page culture, avec un choix de quelques livres religieux, essais ou CD. Des idées de lecture à retrouver dans le n°1806.

+

livre lecture
CultureLectures

Un deuxième et dernier tome au « Royaume perdu d’Erin »

Recension jeunesse | La rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une page recension de lectures jeunesse pour ces vacances de printemps, avec un choix éclairé de quelques histoires à lire ou faire lire, et autres activités. La saga du Royaume perdu d’Erin d'Anne-Élisabeth d’Orange s'achève sur un deuxième tome intitulé L’Imposteur. À retrouver dans le n°1806.

+

lecture famille tome
CultureLectures

Augusto Del Noce, un penseur pour notre temps

Culture | "Analyse de la déraison", qui vient de paraître en français, permettra-t-il enfin à Augusto Del Noce (1910-1989) d’être reconnu chez nous, comme il l’est en Italie ? Que le lecteur potentiel ne soit pas rebuté par la longueur de cet ouvrage. Il en sera récompensé en découvrant un des penseurs les plus originaux de ce temps.

+

del noce
Culture

L’exposition : Des samouraïs aux mangas. L’épopée chrétienne au Japon

Les Missions étrangères de Paris proposent jusqu'en juillet une rétrospective de l'évangélisation du Japon depuis le XVIe siècle jusqu'à aujourd'hui. L’histoire de cette « épopée » est présentée de façon chronologique. Soulignant les aspects contrastés de cette évangélisation, le parcours montre dans ces premiers siècles des périodes d’« expansion rapide aux effets bénéfiques » auxquelles succèdent de terribles répressions.

+

japon