> C’est logique ! de François-Marie Portes
Le meurtre tragique de Crépol a suscité une onde de choc nationale, des réactions politiques en cascade et des lectures contradictoires : crime raciste ? Symptôme d’un ensauvagement ? Ou drame isolé ? Derrière l’émotion légitime, la raison s’interroge : peut-on déduire des décisions politiques valides à partir d’un fait singulier ? En revisitant le concept d’induction, quelques réflexions sur la manière dont un événement devient argument, et sur les limites de l’universel forgé à chaud.
Le 19 novembre 2023, dans le village de Crépol, un drame survient. Un jeune homme de 16 ans, Thomas Perotto, est lardé de coups de couteau au cœur et à la gorge et finit par mourir durant son héliportage vers Lyon. En tout, neuf victimes sont attaquées au couteau par un groupe d’une dizaine de personnes armées. Le 11 mars 2024, c’est 14 personnes qui sont mises en examen, parmi elles, huit finissent en détention.
Des réactions multiples
Les réactions politiques se multiplient. D’abord localement, les maires de Crépol, Valence et Romans dénoncent une violence gratuite et demandent que la justice française agisse promptement et fermement. Puis c’est le motif du meurtre qui est sujet à réaction. Le caractère de l’homicide qui est avancé par la famille est celui d’un racisme anti-blanc. Repris par la maire de Romans-sur-Isère (divers droite), ce motif provoque un tollé médiatique et au sein de sa commune. Puis s’enchaînent les réactions au niveau national. D’Emmanuel Macron à François Ruffin en passant par Éric Zemmour et Olivier Véran, chacun réagit au drame. On observe même une minute de silence à l’Assemblée nationale face à l’événement qui « endeuille et choque notre pays tout entier » (1).
Quel caractère argumentatif ?
Récupération politique ? Surréaction ? Légitime médiatisation ? Peu importe pour le logicien que nous sommes. En réalité, ce qui nous préoccupe c’est le caractère argumentatif des faits. Pour le dire autrement, comment d’un exemple peut-on tirer une décision politique ? En effet, une réaction à froid et quelque peu cynique déclarerait « qu’il y a bien d’autres jeunes comme Thomas qui meurent et pourtant peu de personnes en parlent ». Pourtant, de ce meurtre-ci on tire des conclusions générales. Darmanin parle d’« ensauvagement » de la société, Bruno Retailleau milite pour une « révolution judiciaire ». Mais la question est : est-ce à partir de ce seul fait divers que ces personnes généralisent ? Et, si c’est le cas, est-ce légitime ? Le concept…