Comment vivre l’unité dans l’Église ?

Publié le 09 Nov 2025
> Tribune libre du père Michel Viot
Dans L’Église au risque de la foi, le père Michel Viot revient sur les tensions qui traversent l’Église de France. Abus, liturgie, pastorale : il propose une réflexion théologique rigoureuse et à une réconciliation fondée sur la vérité de la foi.

 

| Dans votre livre L’Église au risque de la foi, vous revenez longuement sur le rapport Sauvé, les médias catholiques progressistes et l’esprit du Synode. Est-ce un appel à faire le pari d’une Église sans idéologie, le pari de la Vérité ?

Ce livre veut essentiellement poursuivre l’incitation à la nouvelle évangélisation, parce que j’ai été très frappé par le peu d’effets qui ont suivi le message de Benoît XVI Porta Fidei, en 2011.

Cependant, je me suis aperçu qu’il était difficile, hélas, de ne pas commencer par revenir sur le rapport Sauvé, mais simplement pour en contester les énormités théologiques et les hérésies proférées. Ce rapport a dit des vérités nécessaires sur la réalité des abus, mais fait aussi du mal : il a instauré un climat de soupçon, porté atteinte au moral des prêtres (suicides de quelques-uns). Et surtout il a dérivé sur des erreurs théologiques. Je voulais donc montrer comment l’on avait gravement malmené la doctrine catholique avant d’essayer d’exprimer des vérités positives.

Mon but est de mettre en valeur la richesse du catholicisme, n’oublions pas cette formule de Vatican II : l’Église de Jésus-Christ « subsiste dans l’Église catholique ». Ceux qui n’ont pas la grâce de s’y trouver doivent donc, en prenant connaissance de sa doctrine, comprendre que seule la pleine communion avec elle procure une vie sacramentelle complète.

Je souhaite voir aussi se rétablir la paix liturgique au sein de notre Église car, justement en matière de sacrements, on remarque que les convertis sont souvent plus sensibles à l’ancienne liturgie qu’à la nouvelle.

 

| Vous rappelez l’influence de certaines hérésies comme le pélagianisme…

Le problème est que l’on ne croit plus, ou mal, aujourd’hui au péché originel, une preuve est donnée par le nouveau rituel du baptême, « adoucissant » les exorcismes. Notre raison naturelle, blessée par le péché originel, est malade, il faut qu’elle soit touchée par la grâce, pour que l’on puisse commencer à croire. Sinon, on tombe dans le semi-pélagianisme.

Le Diable est insidieux, il sait brouiller les vérités. Le Christ nous appelle tous, mais tous ne sont pas sauvés, à cause de leur mauvaise volonté. Nous avons tous péché en Adam, (Rm 5, 12). Pour commencer à se dégager du péché, il faut la grâce (1).

 

| Est-il justifiable doctrinalement d’ordonner des diacres mariés pour augmenter le nombre de célébrations ?

C’est ce qui se passe actuellement dans les Églises orientales en communion avec Rome. Le célibat n’appartient pas à l’essence du sacerdoce (Vatican II, décret sur la vie des prêtres n. 16) : il appartient au convenable. Et je crois effectivement qu’il convient bien mieux au prêtre d’être célibataire.

Ce que je propose pour des diacres mariés ne remet pas en cause le célibat des prêtres. C’est lié à une situation d’urgence dont il appartiendrait au Saint-Siège et aux évêques de fixer la durée.

Cependant je pense que ma proposition mérite d’être discutée au regard du manque de vocations sacerdotales : on n’y a pas assez réfléchi. La situation de nos diocèses est catastrophique aujourd’hui : dans cinq ans, certains ne « tourneront » plus ! Et plus on diminue le nombre de messes, plus on diminue le nombre de pratiquants. On ne peut pas vivre sans messe.

Pourquoi ne pas ordonner des hommes mariés depuis 30 ou 40 ans et diacres depuis 10 ou 15 ans ? Cela soulagerait nombre de paroisses. Il s’agirait d’ordinations ad missam, sans pouvoir recevoir de confession ni donner le sacrement des malades. Mais il faudrait pour chaque cas, une dispense du Saint-Siège. Évidemment, l’évêque resterait maître d’arrêter cette licence le jour où les vocations reprendront : l’Église est une société hiérarchique, maîtresse de ses sacrements. 


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| Vous remettez en cause la règle selon laquelle les divorcés remariés ne peuvent avoir accès à l’Eucharistie. N’est-ce pas relativiser la notion de péché mortel et la sacralité de l’Eucharistie ?

Non, je ne remets pas cela en cause, je ne pose qu’une question pastorale, exigeant un dialogue dans le cadre d’une direction de conscience, ne supprimant pas les difficultés, comme l’abstinence pendant le Carême pour recevoir la communion durant cette période. Je crois qu’il s’agit d’un moyen charitable pour ne pas couper le lien avec l’Église. Cela demande évidement un discernement, il faut inciter les prêtres à entrer en dialogue avec ces personnes, à faire plus de pastorale.

Mais pour éviter ce genre de situation, il faut d’abord empêcher le divorce, en se concentrant sur la préparation au mariage. Par exemple, un prêtre peut glisser une feuille dans une enveloppe cachetée pour exprimer ses doutes sur la validité des intentions : cela rend service aux gens si le dossier vient à être ouvert dans le cadre d’une demande en reconnaissance de nullité. Enfin, je crois qu’il ne faut pas précipiter le sacrement du mariage.

 

| Concernant la messe traditionnelle, comment apaiser les tensions ?

Tout d’abord, je suis tout à fait d’accord avec Benoît XVI : au nom de quoi pourrait-on interdire l’ancien rite ? Cependant, le motu proprio de François a eu ses raisons, car il a permis de constater que certains partisans des messes traditionnelles rejetaient Vatican II. Et un pape ne peut pas accepter cela. Récemment, Mgr Chauvet a proposé la Madeleine pour l’une des messes de préparation du pèlerinage de Chartres : il a tendu la main mais a rappelé l’autorité de Vatican II.

Je comprends que les prières d’offertoire du nouveau Missel, inspirées par Max Thurian (théologien réformé de la communauté protestante de Taizé à l’époque du Concile) qui s’est inspiré des prières de bénédiction juives, aient déçu. Personnellement j’aurais mis, dans le nouveau missel, en option, les trois prières d’offertoire de l’ancien Missel de Jean XXIII, comme on l’a fait pour la réintroduction de l’« Orate fratres ». Mais cela n’aurait pas justifié pour autant de supprimer la messe en forme extraordinaire.

Je suis d’accord avec le père Amar qui écrivait dans La Croix que les jeunes aiment beaucoup cette forme. Il faudrait donc manifester de la bonne volonté des deux côtés. Par exemple, au pèlerinage de Chartres, il est normal que la liturgie ancienne soit la principale, mais on ne devrait pas empêcher les groupes célébrant normalement en forme ordinaire, qui se joignent au pèlerinage, de le faire. Les deux formes correspondent à une spiritualité, imposer l’une ou l’autre ferait fuir des gens.

Ces deux messes sont, à l’évidence, valides – même si la nouvelle traduction de celle de Paul VI, qui a mis 12 ans à arriver, gagnerait encore à être améliorée –, il faut donc œuvrer pour la paix liturgique, afin d’être exemplaires pour le bien de l’Église et l’image qu’on veut en donner. 

 


1. Voir la Déclaration commune sur la justification par la foi signée à Augsbourg par les catholiques et les luthériens le 31 octobre 1999.

 

Michel Viot et Yohan Picquart, L’Église au risque de la foi, Via Romana, 208 p., 19 €.

61jB7CfaSAL. SL1500 église

 

>> à lire également : Newman (1/3) : Qu’est-ce qu’un Docteur de l’Église ?

 

Marguerite Aubry

Marguerite Aubry

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