La pétition My Voice My Choice, signée par 1,2 million de personnes et soutenue par environ 250 associations, a été examinée hier au Parlement européen. L’initiative, financée notamment par l’Open Society Foundations de George Soros et la Bill & Melinda Gates Foundation, demande la création d’un fonds pour financer les déplacements transfrontaliers des femmes souhaitant avorter. Membre de la commission Droit des Femmes et Égalité des Genres, Laurence Trochu, députée européenne (Identité Libertés), dénonce un passage en force et un déséquilibre idéologique au sein du Parlement.
|Pouvez-vous nous rappeler le fonctionnement d’une telle pétition et la procédure en cours ?
Lorsqu’une initiative citoyenne européenne (ICE) recueille plus d’un million de signatures, la Commission européenne est tenue d’en organiser l’audition. Ensuite, une troisième étape peut suivre : l’adoption d’un acte parlementaire, qu’il s’agisse d’une résolution ou d’un projet législatif. C’est donc un processus en trois temps : pétition, audition en commission, puis éventuellement acte parlementaire.
C’est dans ce cadre qu’a été examinée la pétition My Voice My Choice, signée par 1,2 million de personnes et soutenue par environ 250 associations, dont les principaux financements proviennent de l’Open Society Foundations de George Soros et de la Bill & Melinda Gates Foundation. Cette ICE demande à l’Union européenne de doter les États-membres qui le souhaitent d’un fond destiner à financer les déplacements transfrontaliers des femmes ne pouvant avorter dans leur pays. L’audition aura lieu au mois de décembre, devant la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM), mais aussi d’autres commissions impliquées automatiquement par le sujet, dont celles de la Santé, du Budget (puisqu’il y a une demande de financement), et celle des Pétitions.
Mais pour préempter le sujet politiquement, la commission FEMM s’est autosaisie, écartant les autres commissions concernées, et a mené les débats dans un climat très militant. J’y vois une forme de passage en force et un profond déséquilibre idéologique au sein même du Parlement. Il y a aussi selon moi un vice de procédure qui, s’il respecte le règlement du Parlement européen, en méprise les usages habituels. Avec cette mainmise de la commission FEMM, l’objectif est de prévenir toute contestation qui serait légitime au regard du budget ou même du principe de subsidiarité, puisque cette ICE appelle de facto à contrevenir aux lois de certains États-membres. Les pays directement concernés sont Malte et la Pologne, aux législations plus restrictives sur l’avortement. Mais la gauche européenne, pour donner de l’ampleur à sa revendication, a parlé de 20 millions de femmes concernées en Europe – un chiffre largement surévalué. Cela montre bien que leur objectif est d’amplifier artificiellement la portée de leur initiative pour la rendre plus légitime.
La Commission des Droits des Femmes a donc rédigé une Question Orale et une résolution à la gloire du droit à l’avortement, et condamnant les États membres qui le restreignent. Elle souhaite contourner des lois nationales avec l’argent européen, et invente le tourisme abortif, nouvelle création morbide de la culture de mort. Cette résolution a été votée ce mercredi au sein de la commission FEMM, avant une prochaine adoption en session plénière du Parlement.
|Comment s’est déroulé le vote?
L’ambiance était tendue. Les représentants de My Voice My Choice sont arrivés vêtus de rose, arborant des t-shirts à l’effigie du mouvement. Plusieurs députées avaient adopté la même tenue, manifestement pour afficher une unité visuelle. Ce qui a surpris, c’est qu’une partie du personnel administratif du Parlement, censé rester neutre, s’était lui aussi vêtu de rose, parfois avec les mêmes t-shirts. Il s’agit d’une entorse manifeste au devoir de neutralité.
Dans le même temps, lorsqu’une de mes collègues espagnoles, Margarita de la Pisa, a voulu présenter des documents imprimés pour démontrer les financements du mouvement par l’Open Society et la Bill & Melinda Gates Foundation, elle s’est vu interdire de les montrer, au motif qu’il s’agissait de « pancartes ». Les t-shirts militants, eux, ne semblaient gêner personne… Le deux poids deux mesures était flagrant.
|Le mouvement a pourtant progressé très rapidement. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a derrière d’énormes moyens, notamment en communication numérique. Quand nous avons analysé leurs publications sur les réseaux sociaux, nous avons découvert des accointances surprenantes avec des mouvements d’extrême gauche, anti-israéliens ou pro-Hamas. On voit ici la fameuse « convergence des luttes » : féminisme radical, minorités, causes militantes mêlées à une logique idéologique globale. On voit aussi la mise en place d’un véritable «agenda global » : l’avortement n’est qu’un volet d’un ensemble idéologique plus large, qui inclut la promotion de la GPA et des politiques de transidentité. C’est cette cohérence militante qui explique l’alliance très structurée entre les socialistes, les Verts et l’extrême gauche au sein de la commission Droit des Femmes, et aussi une pudeur coupable de la part de la droite dite « de gouvernement », en l’espèce le PPE ou siègent les Républicains.
C’est pour cela que, de notre côté, nous avons souhaité proposer une réponse. Avec plusieurs collègues, notamment Margarita de la Pisa pour les Espagnols et Christophe Gomart pour le PPE français, nous avons organisé au Parlement une rencontre autour de One of Us, la plateforme européenne pro-vie. Nous y avons entendu des femmes venues témoigner des pressions qu’elles avaient subies pour avorter. Ce qui ressort de leurs récits, c’est qu’en réalité, sous le slogan My Voice My Choice, il n’y a souvent pas d’autre choix que d’avorter. La pression sociale, familiale ou médicale est telle que la maternité devient l’option la plus difficile à défendre.
|Vous évoquez une logique démographique et culturelle derrière cette offensive.
Oui, clairement. L’Europe traverse une crise démographique profonde, mais la majorité de la commission FEMM refuse d’en tenir compte. Leur priorité est ailleurs : promouvoir un modèle où la maternité est perçue comme un obstacle à la vie professionnelle. Leur raisonnement est simple : si la maternité gêne la carrière, alors la solution, c’est de réduire la maternité. Cela en dit long sur leur conception de la femme et de la liberté.
Et puis, dans cette logique de « convergence des luttes », le déficit démographique européen n’est pas vu comme un problème : il sera, selon elles, compensé par l’immigration. Autrement dit, la réponse à la crise démographique passerait par le multiculturalisme, non par le soutien à la natalité. C’est une vision idéologique assumée.
|Pourquoi cette accélération de la procédure ? Cherchent-ils à imposer le texte avant débat ?
Je le pense. La commission FEMM s’est attribué un rôle transversal, estimant qu’elle peut s’exprimer sur toutes les politiques européennes. Elle a court-circuité les autres commissions parce qu’elle savait qu’il y aurait davantage de résistance ailleurs.
Les textes ont été envoyés aux conseillers politiques à 23 heures pour des réunions le lendemain matin : c’est dire la précipitation ! Une commission qui prétend défendre les femmes devrait commencer par respecter les conditions de travail de ses propres collaboratrices.
Je pense aussi qu’il y a une conscience politique de l’urgence : la gauche progressiste sent que le vent peut tourner. Elle veut aller vite pour graver dans le marbre un certain nombre de totems idéologiques : l’avortement, la transidentité, la GPA. Sur ces trois sujets, socialistes, Verts et extrême gauche avancent main dans la main.
|Quels sont les rapports de force au sein du Parlement ?
Ils sont clairs sur ces sujets : la gauche et les Verts dominent la commission FEMM, délaissée à tort par les groupes de droite pour les sujets, il est vrai souvent lunaires, qu’elle traite. En face, certains conservateurs, patriotes et souverainistes tentent d’introduire des sujets tabous comme la question du lien entre immigration et insécurité, notamment dans le cadre des violences sexuelles faites aux femmes. Il faut être aveugle pour ne pas voir que la multiplication de ces violences est liée à la politique migratoire actuelle.
Le groupe du PPE, quant à lui, est tiraillé : conscient de l’agenda idéologique de la gauche, mais souvent paralysé par la peur d’apparaître « ringard » sur les sujets de société. Il oscille donc d’un côté et de l’autre, ce qui rend chaque vote incertain.
|Savez-vous déjà quel a été le résultat du vote ?
Le vote s’est tenu électroniquement. Le rapport de force n’est donc pas écrasant, puisque la résolution a été adoptée avec 26 voix pour et 12 voix contre, parmi lesquelles une seule du PPE. Mais les autres groupes de droite s’assument aujourd’hui pleinement et représentent un tiers significatif du Parlement sur un sujet qui, il y a moins de 5 ans, aurait obtenu une victoire sans appel. Et je crois que cette fermeté nouvelle de la droite européenne inquiète : nous assumons nos positions sans crainte, et nous arrivons parfois à constituer des majorités.
La prochaine étape sera la séance plénière, prévue fin novembre. Les promoteurs du texte veulent aller vite ; nous, nous espérons au contraire que les autres commissions pourront enfin se saisir du dossier pour en rétablir la légitimité et le sérieux. Il restera aussi à analyser précisément le détail des votes, car au-delà des voix favorables et défavorables, il y a eu plusieurs abstentions, parfois décisives. Comprendre qui s’est abstenu et sur quels textes permettra de mesurer les lignes de fracture au sein du Parlement, notamment entre les centristes du PPE et les groupes plus à gauche.
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