Au quotidien n° 331 : l’Etat est-il une start-up ?

Publié le 01 Fév 2022
Au quotidien n° 331 : l’Etat est-il une start-up ? L'Homme Nouveau

Professeur émérite au Collège de France, Alain Supiot s’interroge dans une Tribune publiée par Le Monde (28 janvier 2022) sur la déconstruction de l’État à laquelle nous assisonts.

L’actuel président, dont François Hollande a pu écrire : « Macron, c’est moi », n’est que le dernier avatar de cette politique de dépérissement de l’Etat social. Au nom de la « République contractuelle », qu’aussitôt élu il a promis d’établir devant le Parlement réuni en Congrès, il s’est efforcé de démanteler tous les statuts garantis par l’Etat. Promesse tenue avec la casse méthodique de tous les statuts professionnels (statut salarial, fonction publique, cheminots, préfets, diplomates, universitaires…) et la paupérisation de tous les services publics (police, hôpitaux, tribunaux, écoles ou universités). Diriger ainsi l’Etat comme une start-up n’a pas empêché l’aggravation du déficit commercial. Les responsabilités en ce domaine seraient aussi à rechercher du côté des « élites économiques » qui, contrairement à leurs homologues allemandes, ont fait depuis trente ans le choix de la financiarisation et de la désindustrialisation. Elles sont enclines – trait bien français – à toujours imputer à l’Etat leurs propres insuffisances. Car en France, l’Etat demeure l’objet de toutes les attentes et la cible de toutes les critiques, ce qui rend son autodémantèlement particulièrement dangereux.

(…)

Depuis plus d’un siècle, l’Etat a été l’objet des critiques convergentes des marxistes et des libéraux. Les premiers y ont vu un instrument de domination de classe, voué à dépérir avec l’avènement du communisme. Et les seconds un obstacle au libre jeu des forces du marché, qu’il fallait, selon le mot d’ordre de Grover Norquist, fondateur et président du lobby Americans For Tax Reform, « ramener à une taille assez petite pour qu’on puisse le noyer dans une baignoire ».

(…)

Le monde d’après-Covid-19 a donc peu de chances d’être celui du retour des jours heureux. Plus probable est la répétition du scénario qui a suivi l’implosion des marchés financiers en 2008. Après que les Etats se sont endettés pour payer la note faramineuse de leurs dérèglements, argument a été pris de cet endettement pour « passer la vitesse supérieure » (ce fut dès 2010 le mot d’ordre de l’OCDE) dans le sens des « réformes structurelles » exigées par… les marchés financiers. Mises en œuvre depuis la fin du XXe siècle, ces réformes consistent à privatiser les segments les plus lucratifs du secteur public et à soumettre le reste au « New Public Management », c’est-à-dire à une gouvernance par les nombres, de facture post-soviétique, qui combine inflation bureaucratique et réduction constante des moyens alloués au service réel du public. Les effets de cette gouvernance ont été parfaitement saisis par les personnels de santé qui, dès 2015, ont dénoncé le fait de devoir « soigner l’indice plutôt que le patient ».

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociétéÉducation

Les écoles hors contrat en plein essor malgré les contraintes

Portées par des parents, des réseaux confessionnels ou sociaux et désormais des acteurs privés, les écoles hors contrat connaissent une croissance régulière. Professionnalisation, diversification des profils et motivations contrastées des familles dessinent les contours d’un secteur de plus en plus structuré. Entretien avec Augustin Yvan, responsable du développement à la Fondation pour l’école.

+

école hors contrat
SociétéFin de vie

Loi sur la fin de vie : La mort avant tout !

Décryptage | Après l'avortement inscrit dans la Constitution, c'est désormais la fin de vie qui entre dans le champ des libertés encadrées par la loi et est débattue par le Sénat à partir de ce mois de septembre. Gérard Mémeteau, professeur émérite de droit, décrypte les implications du texte porté par le député Falorni : création d'un nouveau délit pour ceux qui chercheraient à dissuader, limitation des recours juridiques, rôle élargi des associations.

+

fin de vie euthanasie
Société

L’attention, principe d’une subjectivité ordonnée

L’Essentiel de Thibaud Collin | Au retour des vacances, la question demeure : comment garder la paix intérieure découverte dans un rythme plus contemplatif ? L’attention en est la clé. Acte et vertu, elle libère de la dispersion pour accueillir ce qui se donne : les dons de la vie, d’autrui et de Dieu.

+

attention vacances