Saint Pie V : au nom du Pape et du frère et de la Sainte Ligue

Publié le 05 Mai 2023
saint pie V

Un précurseur de la cause animale, c’est ce que fut saint Pie V à en croire la version française de Wikipédia qui attire notre attention essentiellement sur la bulle interdisant la tauromachie. O tempora, o mores… Suivons-le plutôt en ses prénoms successifs, comme en autant de correspondances qui éclairent son existence et son œuvre.

 

Antonio Ghislieri

Né dans une famille paysanne modeste le 17 janvier 1504, le futur pape reçut au baptême le prénom d’Antoine. On eût aimé – beau présage ! – que ce fût en l’honneur du franciscain de Padoue, le « Marteau des hérétiques » émerveillé par ce divin Enfant qu’en nos églises il portera jusqu’à la fin des temps. Professeur de théologie une fois devenu dominicain, Antoine Ghislieri fut en effet repéré, nommé inquisiteur en divers lieux, puis, après avoir été créé cardinal en 1557, fait Grand Inquisiteur de la Sainte Église.

Si elle doit être défendue, la vérité révélée est fondamentalement crue, contemplée, annoncée. Selon une des devises de l’Ordre des Prêcheurs : « transmettre ce qu’on a contemplé » (contemplata aliis tradere), et ainsi vrai dominicain, Pie V édita le Catéchisme Romain, dont le prologue (repris par notre actuel Catéchisme de l’Église catholique au n°25) affirme : « Toute la finalité de la doctrine et de l’enseignement doit être placée dans l’amour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce qu’il faut croire, espérer ou faire ; mais surtout on doit toujours faire apparaître l’Amour de Notre Seigneur afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien n’a pas d’autre origine que l’Amour et pas d’autre terme que l’Amour. »

C’est en fait à saint Antoine, le Père des moines, qu’avait échu le patronage du nouveau-né, l’Église le fêtant en ce 17 janvier. Comme Antoine au désert, ou mieux saint Jérôme près de la grotte de Bethléem, saint Pie V se tient aujourd’hui, discrètement retiré dans le transept droit de la Basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome, tout près des reliques de la crèche de Jésus.

Où pourrait-il mieux attendre la résurrection des corps au Jugement dernier, lui qui, dans le dépouillement de l’Incarnation, dans l’ascèse de la vie religieuse (il avait choisi le couvent dominicain de Voghera pour son austérité), trouva les motifs profonds de rompre avec le faste superficiel et dangereux des papes de la Renaissance, à commencer par l’habit, puisqu’il conserva celui, blanc, de son Ordre, que ses successeurs adoptèrent. « Dieu m’a appelé pour que je serve l’Église, non pour que je me serve de l’Église », fit-il savoir à peine élu, prévenant l’arrivisme et le népotisme.

Fra Michele

Si ce n’est pas formellement au franciscain de Padoue qu’il faut associer le frère prêcheur du 16ème siècle dans son ardeur apostolique, peut-être alors est-ce au chef des armées célestes, à l’archange dont il reçut le nom par la profession religieuse.

Comme lui, il fut chef de guerre, en l’occurrence de la Sainte Ligue, cette coalition des États catholiques européens (à l’exception notable de la France) contre la menace turque. S’il n’était évidemment pas sur le pont d’un navire à Lépante, le 7 octobre 1571, il avait sonné le tocsin et appelé, depuis un an et demi, à une prière universelle du rosaire.

Notamment parce qu’il en fut averti par une vision au moment même où elle advenait, il attribua la victoire à l’intercession de la Vierge Marie. En action de grâces, il fit ajouter l’invocation « Secours des Chrétiens, priez pour nous » aux Litanies de Lorette et institua au 7 octobre une fête qui porta d’abord le nom de Notre-Dame de la Victoire, puis celui du Très Saint Rosaire.

Pie V

Choisi au conclave de janvier 1566, suite au décès de Pie IV, le nouveau pape en reprit le nom, bien qu’il lui ait été opposé en bien des aspects et des perspectives et qu’il ait eu, pour cela, à subir une forme de disgrâce.

Au-dessus des contingences humaines, bien que mêlée à elles, il y a l’Église. C’est en elle et pour elle que Pie V et Charles Borromée, neveu de Pie IV, œuvrèrent de concert à la mise en œuvre des décisions du Concile de Trente terminé en 1563, au renouveau de l’Église in membris et in capitis, « dans ses membres et en son sommet », selon la formule consacrée des conciles depuis le Moyen-Âge. Le missel et le catéchisme en restent les emblèmes. A quoi il faut ajouter les enseignements sur la Révélation en ses sources (Écriture, Tradition), sur le salut, la grâce et les sacrements, etc.

Il y a dix ans, Jean Madiran rendait son âme à Dieu. En 1972, dans une lettre à Paul VI, il avait réclamé les droits imprescriptibles de tout baptisé : « Rendez-nous l’Écriture, le catéchisme et la messe ». Appel d’un fils à son père, auquel celui-ci ne saurait faire la sourde oreille.

Saint Pie V se consacra indubitablement à répondre à cet appel d’hier comme d’aujourd’hui, « afin que les brebis du Christ ne meurent pas de faim et que les petits ne demandent pas du pain et que personne ne leur en donne » (Concile de Trente, décret sur le Saint Sacrifice de la Messe).

 

A lire également : Sa Sainteté parmi les astres

Chanoine Laurent Jestin +

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