Roe vs Wade : Questions et réponses des évêques US

Publié le 04 Nov 2008
Au quotidien n° 247 : état de droit et refondation politique L'Homme Nouveau

Comme nous l’avons annoncé dans notre dossier « L’Affaire Jane Roe : de la manipulation à la conversion » (L’Homme Nouveau, n° 1432 daté du 8 novembre), nous publions ci-dessous la traduction intégrale du document publié en 2005 par le secrétariat du département des Activités pro-vie de la Conférence des évêques américains (United States Conference of Catholic Bishops). Un document “d’étape” sur cette Affaire Jane Roe dont les Éditions de L’Homme Nouveau viennent de publier le poignant récit par sa protagoniste la plus célèbre : Norma McCorvey alias Jane Roe…

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Roe contre Wade
Questions fréquentes et réponses de l’épiscopat américain

1. Qu’est-ce que « Roe contre Wade » ?

C’est l’arrêt de la Cour suprême de 1973 rendant légal l’avortement sur l’ensemble du territoire américain. Une femme qui prétendait être enceinte à la suite d’un viol et souhaitait être avortée (« Jane Roe » dans les textes de la Cour) intenta une action judiciaire contre un procureur de l’État du Texas (Henry Wade) pour lui interdire de faire appliquer une loi de l’État du Texas prohibant l’avortement sauf dans le cas où la vie de la mère serait mise en danger. Le 22 janvier 1973, la Cour trancha sur cette affaire et sur une autre similaire (Doe contre Bolton) dans laquelle une femme à qui la commission d’évaluation d’un hôpital avait refusé un avortement (« Mary Doe » dans les textes de la Cour) contestait la loi de l’État de Géorgie. La Cour abolit la législation de ces deux États, ce qui eut pour effet d’abolir aussi les lois équivalentes de tous les autres États. Jane Roe (dont le vrai nom est Norma McCorvey) reconnut plus tard avoir menti quant au viol. Horrifiées par les conséquences de cette décision, Norma McCorvey et Mary Doe (dont le vrai nom est Sandra Cano) font désormais partie de ceux qui incitent au renversement de l’arrêt.

2. De quoi dispose Roe contre Wade ?

L’arrêt dit que le droit à la vie privé (qui ne figure pas dans le texte de la Constitution) « est suffisamment large pour englober la décision d’une femme de mener ou non à terme une grossesse ». Les juges statuèrent qu’un État ne pouvait fixer aucune limite à l’avortement pendant les trois premiers mois de la grossesse (le premier trimestre). Que l’État ne pouvait édicter des directives pour les trois mois suivants (le deuxième trimestre) qu’à seule fin de protéger la santé de la mère pendant cette période. Dès la « viabilité » – quand un enfant à naître pourrait survivre hors du sein maternel, moment que la Cour situe après 24 ou 28 semaines de gestation –, l’État pourrait prohiber l’avortement à moins qu’il soit estimé nécessaire pour protéger « la vie ou la santé » de la mère.

3. Ainsi, Roe contre Wade autorise donc les États à prohiber l’avortement à partir de la viabilité ?

Eh bien ! non. Dans l’affaire parallèle, Doe contre Bolton, dont la Cour a précisé qu’elle devait être interprété conjointement à Roe contre Wade, la « santé » a été définie, dans le contexte d’un avortement, comme incluant « tous les facteurs – physique, émotionnel, psychologique, familial et âge de la femme – contribuant au bien être de la patiente ». Avec une telle définition, l’avortement doit être permis pendant les neuf mois de la grossesse si l’avorteur affirme que c’est nécessaire au bien être émotionnel d’une femme. Ainsi, toutes les limites significatives à un avortement dans le cours des neuf mois d’une grossesse furent abandonnées.

4. La Cour a-t-elle précisé que la vie ne commençait pas avant la naissance ?

Non. Elle soutient que les utilisations du terme « personne » dans la Constitution, ne semblent pas inclure les enfants à naître. Puis, signalant la vaste controverse sur la question de savoir quand la vie commence, la Cour déclare qu’elle « n’a pas à résoudre » cette question délicate. Au lieu de faire siennes les preuves scientifiques évidentes que la vie commence à la conception, ou simplement de permettre aux législateurs de protéger ceux dont il n’a jamais été démontré qu’ils étaient autre chose que des êtres humains, la Cour décida de considérer les enfants à naître comme « vie potentielle », et elle interdit aux citoyens ou à leurs représentants élus d’en disposer autrement.

5. La Cour ne poursuivait-elle pas simplement une tendance à la « libéralisation » de l’avortement, amorcée par les citoyens et leurs représentants élus ?

Non. Dans les années qui ont précédé Roe contre Wade, des propositions destinées à atténuer les lois contre l’avortement furent discutées dans la plupart des États mais ne furent généralement pas votées. Quelques États ajoutèrent en effet des exceptions limitées à leur dispositif législatif, de rares autres légalisèrent l’avortement pour différentes raisons mais généralement pas au-delà de la vingtième semaine de gestation. Mais alors, la tendance se renversa. Le législateur de l’État de New York vota la restauration de la protection légale de l’enfant à naître (une démarche qui fut bloquée par le veto du gouverneur). Puis en 1972, les citoyens du Michigan et du Dakota du Nord votèrent à une écrasante majorité contre des propositions d’abandonner leurs lois sur l’avortement. Après avoir étudié l’opposition de l’opinion publique à la légalisation de l’avortement, la démographe Judith Blake en conclut que seule une décision de la Cour suprême démantelant les lois des États, pourrait constituer « le seul moyen d’un changement rapide » ? Roe contre Wade imposa une politique nationale bien plus radicale que la loi de n’importe quel État, et il interrompit le processus démocratique que le peuple américain avait entamé pour aborder les positions conflictuelles du débat sur l’avortement.

6. Au cours des trois décennies écoulées, les gens en sont-ils venus à accepter la politique de Roe contre Wade ?

Non. L’opposition publique à la légalisation de l’avortement demeure forte. Une grande majorité d’Américains est opposée à cette politique d’avortement illimité mis en place par Roe contre Wade, et la plupart d’entre eux estiment qu’il ne devrait pas être légal au regard des raisons pour lesquelles il est le plus souvent pratiqué. Dans le sondage de Zogby International d’avril 2004, 56 % des interrogés se disent contre l’avortement ou ne l’admettent qu’en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la vie de la mère : conditions qui ne pèsent que pour un faible pourcentage dans le nombre des avortements légaux. En fait, il ne se trouve que 13 % des sondés à manifester leur accord à l’avortement légal pour n’importe quelle raison et à n’importe quel moment de la grossesse d’une femme.

7. Est-ce que les spécialistes du droit approuvent Roe contre Wade ?

Non. Roe contre Wade a été critiqué par plusieurs juges de la Cour suprême et même par des spécialistes du droit favorables à la légalisation de l’avortement. Le juge Byron White l’a qualifié « d’exercice brutal du pouvoir judiciaire ». John Hart Ely, professeur de droit à Yale, a déclaré que c’était « une très mauvaise décision (…). Mauvaise parce que c’est du mauvais droit constitutionnel ou, mieux encore, parce qu’elle n’est pas du droit constitutionnel et n’offre aucune raison de s’y conformer ». Edward Lazarus, ancien assistant du juge Harry Blackmun qui a rédigé l’arrêt, dit que « Roe, pour ce qui est de son interprétation constitutionnelle, est pratiquement impossible à soutenir ».
 

 8. La Cour suprême s’est-elle exprimée récemment quant à la validité de son arrêt Roe ?

En 1992, dans l’affaire Planned Parenthood contre Casey, la Cour a abandonné le découpage en trimestres qu’on trouve dans Roe, mais elle a réaffirmé le maintien de la disposition de Roe qui ne permet pas l’interdiction de l’avortement avant la viabilité. Trois juges de la Cour suprême ont déclaré qu’ils agissaient ainsi non pas tant parce que l’affaire initiale avait été bien jugée, mais parce que c’était désormais une loi installée et que beaucoup de gens comptaient désormais sur la disponibilité de l’avortement. Ils déclarèrent que « une décision d’abolir [l’arrêt] devrait s’appuyer sur une raison particulière et autre que celle du mauvais jugement du précédent ». Mais si l’on constate que la décision était erronée, il est doublement erroné de continuer à l’imposer au pays. Dans son opinion opposée à celle de la majorité dans l’affaire Casey, le président de la Cour suprême, William Rehnquist, signala qu’au cours des deux décennies précédents la Cour avait « renversé en partie ou en totalité 34 de ses précédentes décisions constitutionnelles ». Le renversement de Roe est attendu depuis trop longtemps.

9. De nombreux États n’ont-il pas interdit l’avortement par naissance partielle, le meurtre d’enfants en train de naître vivant ?

Oui, mais même ces lois ont été abolies par la Cour suprême sur la base de Roe contre Wade. Par une décision obtenue par 5 voix contre 4, la Cour a statué que même ces lois entraient dans le champ des exceptions de Roe contre Wade au motif de la « santé » de la mère (sans expliquer en quoi la santé pouvait exiger le meurtre d’un enfant à naître plutôt qu’un accouchement). Étant donnée cette définition de la « santé », une telle exception rend toutes les lois inconsistantes.

10. Quel a été l’impact de Roe sur la société ?

Les avortements aux États-Unis ont dépassé le million chaque année. Un quart des grossesses se termine par un avortement. Les problèmes que certains prétendaient que Roe allait réduire – enfants « non désirés », sévices sexuels contre les enfants, abandons, etc. –, n’ont fait que s’aggraver. Beaucoup de femmes ont été mutilées ou sont mortes des suites d’un avortement légal, et les avorteurs ont été mis à l’abri de toute poursuite légale par les Cours qui appliquent Roe. Un nombre encore plus grand de femmes encore souffrent de profondes blessures émotionnelles du fait d’un avortement, et elles les rendent publiques pour mettre en garde les autres femmes. Loin d’avoir émancipé les femmes, Roe a contribué à créer l’espoir que les femmes pourront recourir à l’avortement pour mieux « s’adapter » aux études supérieures et au monde du travail, et de débarrasser les hommes d’une responsabilité parentale non désirée. Il a bloqué tout progrès vers une société accueillante à la femme avec ses enfants.

11. Les tribunaux ont-ils appliqué Roe à d’autres fins ?

Les tribunaux ont utilisé Roe pour abattre les règlements de sécurité protégeant les femmes, ainsi que les lois protégeant les enfants nés vivants lors de tentatives d’avortements. Les juges ont invoqué Roe pour discuter d’un droit constitutionnel au suicide assisté, pour rendre caducs les réglementations fédérales protégeant les nouveaux-nés handicapés contre l’absence de soins aboutissant à leur mort, et pour exiger la reconnaissance légale des mariages entre personnes de même sexe.

12. Que se passerait-il si Roe était renversé ?

L’avortement ne deviendrait pas immédiatement illégal. Cependant, les citoyens et leurs représentants élus pourraient commencer à mettre en œuvre des politiques respectant la vie des femmes comme celles de leurs enfants à naître. Se distancer de la politique de l’avortement pratiquement sans limite de la Cour, serait un phénomène vraisemblablement graduel mais qui conduirait à une amélioration des attitudes culturelles envers les femmes et les enfants et à une aide concrète aux femmes devant affronter une grossesse non prévue.

13. Est-ce que cela nous ferait revenir aux dangereuses conditions des avortements « clandestins » ?

Non. Les affirmations selon lesquelles des milliers de femmes seraient mortes d’avortements illégaux avant Roe, furent fabriquées au profit de cette cause politique comme l’a admis plus tard un de ses stratèges en chef. En raison des progrès en matière d’antibiotiques et de la médecine, les décès maternels dus aux avortements (légaux ou illégaux) sont tombés de 1 231 en 1942 à 70 en 1972, l’année précédent Roe. C’est au cours des trente dernières années que les médicaments ont connu les plus grands progrès, et l’on peut proposer aux femmes des solutions qui sont plus sûres que l’avortement, pour elles comme pour leurs enfants.

14. Pourquoi les défenseurs de l’avortement sont-ils si fortement engagés à maintenir Roe ?

De plus en plus, on reconnaît que Roe contre Wade est une mauvaise loi, un mauvais remède et une mauvaise politique sociale. La grande majorité des Américains est opposée à un droit illimité à l’avortement. Par conséquent, une telle politique ne peut être maintenue en place que par une extraordinaire assistance respiratoire : on ne peut pas toucher à Roe, contre toute évidence. Les défenseurs de l’avortement savent que le retour de ce problème dans le cours du débat démocratique amènerait une politique très différente de celle que la Cour à créée. Mais les fausses doctrines juridiques n’ont pas un droit à la vie. Les êtres humains si.

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