Enquête : La vérité sur une excommunication

Publié le 07 Avr 2009

Fin février, la presse brésilienne annonçait une nouvelle bouleversante : une fillette de la ville d’Alagoinha, dans le diocèse de Pesqueira (État de Pernambouc), âgée de 9 ans, était enceinte de quatre mois et portait deux jumeaux de sexe masculin. Nouvelle sensationnelle mais non exceptionnelle : deux ans plus tôt, dans la forêt amazonienne, une enfant du même âge avait donné naissance à une petite fille, par césarienne, et chaque année des dizaines de milliers de fillettes (1), entre 10 et 14 ans, accouchent.

Ce qui était vraiment sensationnel, pour ces médias, c’est que cette enfant était enceinte du compagnon de sa mère, séparée de son époux, compagnon qui la violait régulièrement depuis l’âge de 6 ans en même temps qu’il abusait aussi de sa sœur aînée handicapée. Les abus sexuels sur des jeunes mineures (2) et le nombre considérable de naissances hors mariage qui s’ensuivent avaient amené Benoît XVI, lors de son voyage apostolique au Brésil en mai 2007, à dénoncer vigoureusement ces mauvais fruits de la tolérance sexuelle brésilienne.

Ce sordide et tragique fait de société survient dans un contexte de conflit entre l’État brésilien et l’Église catholique. Le gouvernement socialiste du président Lulla da Silva veut étendre le champ d’application de l’avortement légal, encore limité aux cas de viol ou de malformation du fœtus. Des limites qui n’empêchent pas un million d’avortements par an : une grossesse sur trois se termine par un avortement, ce qui explique que le taux de fécondité ait chuté de 63 % en 48 ans (3). Cette extension de l’avortement légal n’est guère populaire chez les Brésiliens puisque 68 % y sont opposés. De son côté, et au nom de l’Évangile de la vie, la meilleure part de l’Église catholique, malgré son déclin (4), se bat de toutes ses forces pour la défense de la vie, mais une partie de l’épiscopat, encore très nettement ancrée à gauche, demeure très en retrait de ce combat…

Quand la situation est connue, le 27 février, la municipalité d’Alagoinha et le père Edson Rodrigues, curé de la paroisse, se mobilisent pour la fillette qui est immédiatement confiée à l’Institut pour l’Enfance et la Maternité de Cuaruaru (Pernambouc), l’I.M.I.P., où des examens médicaux et psychologiques révèlent qu’elle et ses deux jumeaux se portent bien, bilan confirmé par l’I.M.I.P. de Recife où la fillette est transférée le lendemain. L’avortement n’est non seulement pas à l’ordre du jour, mais tout le monde s’y refuse : la mère et le père biologique de la fillette, la municipalité d’Alagoinha, le diocèse de Peisqueira et le curé Rodrigues, et l’archidiocèse d’Olinda et Recife dont l’ordinaire, Mgr José Cardoso Sorbrinho va s’efforcer de tout mettre en œuvre pour empêcher un avortement programmé par les officines de la culture de mort. Tous ces efforts vont se révéler vains. Alors que, le 3 mars, l’archevêque préparait avec un groupe d’avocats, de juristes, de médecins et de psychologues une action judiciaire, la nouvelle tombait : la fillette, déjà placée en “isolement” à l’I.M.I.P. de Recife, était transférée à l’hôpital du Centre intégral de santé Amaury de Medeiros spécialisé dans les grossesses à risques (C.I.S.A.M.), sa maman ayant été persuadée par les pressions de militantes féministes, que la vie de sa fille était en danger et que l’avortement devait s’opérer immédiatement. L’avortement fut perpétré au C.I.S.A.M. le lendemain.

Interrogé la veille par la presse sur la position de l’Église quant à cet avortement, Mgr Cardoso Sobrinho s’était contenté de rappeler ce que dit la loi de l’Église : « Qui procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt l’excommunication latæ sententiæ », c’est-à-dire automatique. Pour la presse progressiste brésilienne, reprise par les médias internationaux, l’archevêque avait excommunié la mère, les médecins avorteurs et, pour faire bonne mesure, la fillette elle-même… Or, l’archevêque n’avait excommunié personne, comme il le précisera de nouveau dans un entretien à l’hebdomadaire Vieja le 18 mars : « J’ai simplement mentionné ce qui est écrit dans la loi de l’Église. » Plusieurs évêques français (5), poussés par on ne sait trop quelle nécessité, ont cru devoir exprimer leurs « réflexions » – sans même s’être informés auprès de leur frère dans le collège épiscopal –, lesquelles se sont, en fait, résumées en un lynchage de l’archevêque Sobrinho. De telles « réflexions », infondées, téméraires, injustes et scandaleuses n’honorent pas

ceux qui les ont proférées. Heureusement, d’autres évêques français ont eu une attitude plus conforme à la vérité et à la charité (6).

Mais le coup le plus cruel et le plus imprévisible contre Mgr Sobrinho allait venir de Rome ! Alors que le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation des évêques, déclarait à La Stampa le 7 mars, que l’archevêque brésilien n’avait rien à se reprocher, sentiment partagé par la Conférence épiscopale du Brésil le 12, L’Osservatore Romano, dans son édition datée du dimanche 15 mars, publiait à la Une une « note » de Mgr Rino Fisichella aussi violemment hostile à Mgr Sobrinho qu’elle était fort peu documentée.

Une telle charge du président de l’Académie pontificale pour la vie, dans « le journal du Pape », laissait croire qu’il s’agissait là de la position officielle du Saint-Siège (la « note » ne pouvant, en tout état de cause, avoir été publiée sans le feu vert de la Secrétairerie d’État). Or, l’on sait aujourd’hui qu’il n’en est rien : Mgr Fisichella laisse désormais entendre qu’il a été trompé par ceux qui lui ont demandé ce texte et fourni des informations orientées, et, sans citer personne, il désigne implicitement les bureaux du substitut pour les Affaires générales de la Secrétairerie d’État.

Cette tragédie brésilienne aura révélé de nombreux clivages à l’intérieur de l’épiscopat brésilien et français, au sein de la Curie romaine, et la guerre sans merci que mène la « culture de mort » contre l’Évangile de la vie. Mais des deux petites innocentes victimes de ce grand affrontement, qui s’en souvient encore ?

1. 192 445 entre 2000 et 2006.

2. Pour le seul État de Pernambouc, 270 cas ont été portés à la connaissance du Secrétariat à la Santé de cet État en 2008.

3. Il était de 6,15 ‰ en 1960. Il est tombé à 2,23 ‰ en 2008, un taux qui ne permet plus le renouvellement des générations.

4. Les catholiques ne représenteraient plus aujourd’hui que 73,8 % des 190 millions de Brésiliens, en raison de l’offensive des évangéliques et des sectes.

5. Notamment NN.SS. Daucourt (Nanterre), Di Falco Léandri (Gap et Embrun), Grallet (Strasbourg), Turini (Cahors), Patenôtre (Mission de France), Deniau (Nièvre), etc.

6. Voir les propos de Mgr Rey dans L’Homme Nouveau n° 1442 (28 mars).

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