Saint Dominique et la vie dominicaine

Publié le 04 Août 2023
saint dominique

« Que vont devenir les âmes des pauvres pécheurs ? » Dans la solitude nocturne de l’église de Prouille, au cœur du pays cathare, un homme passe ses nuits en prière, et en pleurs, tourmenté par le salut des âmes.

Sa vie a basculé quelques années auparavant, en 1203, alors que chanoine au chapitre de la cathédrale d’Osma, il accompagnait son évêque dans une ambassade auprès du roi du Danemark afin d’obtenir une princesse en mariage pour l’infant Ferdinand, fils du roi de Castille. Lors d’une étape à Toulouse, Dominique de Guzman entame une discussion avec son hôte cathare, pour le détourner de ses erreurs. A l’issue de cette nuit de controverses, l’homme finit par revenir à la foi catholique.

Avec l’évêque d’Osma et les légats cisterciens Dominique multiplie alors les prédications et finit par se fixer sur les hauteurs de Fanjeaux à Prouille. Là, rapidement, se rassemblent de pieuses femmes, sept nobles dames converties du catharisme, qui par leurs prières et leurs sacrifices vont soutenir l’action apostolique de Dominique et des premiers compagnons qui se sont rapidement regroupés autour de lui : Noël et Guillaume Claret, Bertrand de Garrigue, etc.

Ainsi naquit l’ordre dominicain dès le début institué pour la prédication et le salut des âmes. Et se réalisa le songe de la bienheureuse Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique, mettant au monde un chien, un flambeau à la gueule et répandant le feu à l’univers entier.

Un homme de la Reconquista

Dominique est d’abord un homme de la Reconquista, ce mouvement qui à partir du début du VIIIéme siècle opère la lente libération de l’Espagne des musulmans qui l’occupent. L’issue finale en sera la chute de Grenade, sept siècles plus tard, le 2 janvier 1492.

Né dans la tour fortifiée de Caleruega, Dominique passe son enfance, bercé par le récit des exploits des croisés de la Reconquête, à laquelle participent plusieurs membres de sa famille dans les ordres militaires de Saint Jacques ou de Calatrava. Cette épopée de conquérants marque l’âme espagnole qui donnera à l’Eglise des saints de la stature de sainte Thérèse d’Avila ou saint Ignace de Loyola.

Etudiant à l’université de Palencia, pendant six années, le jeune Dominique se distingue par son ardeur à l’étude, sa piété et sa charité. Ainsi, encore étudiant, Dominique vendit les livres dont il se servait afin d’en donner le produit aux pauvres qui mouraient de faim dans les rues de Palencia.

Remarqué par Diego de Azevedo, prieur du chapitre de la cathédrale d’Osma, il devient membre de ce chapitre régi par la règle de saint Augustin qu’il transmettra à l’ordre qu’il fondera. Ordonné prêtre à l’âge de 25 ans, en 1195, Dominique offre alors la singularité de célébrer la sainte messe tous les jours, ce qui, à l’époque n’était pas très fréquent.

Devenu prieur du chapitre d’Osma, il s’initie à l’art, difficile, du gouvernement. 30 années de préparation auront été nécessaires avant que Dominique ne découvre sa véritable vocation à l’issue de la célèbre nuit de Toulouse.

La vie dominicaine

Dès sa fondation, le pape Honorius III soutient la jeune fondation et donne pour consigne aux frères : « Qu’ils aillent sans retard auprès des hérétiques afin que, par l’exemple de leur action et l’enseignement de leur prédication, ils les rappellent si complètement de l’erreur qu’ils aient la joie de posséder un jour le royaume des cieux ». L’essentiel de ce qui deviendra la vie dominicaine est ainsi d’ores et déjà annoncé.

La première prédication est celle de l’exemple. A rebours des prélats cisterciens et de leurs somptueux équipages Dominique vit, à l’instar de son contemporain saint François d’Assise qu’il rencontrera, la sainte pauvreté. Contre les apparences de sainteté des « parfaits » cathares, saint Dominique remet à l’honneur la pauvreté et la pénitence évangéliques.

L’apostolat dominicain est ensuite un apostolat doctrinal et spirituel. « Contemplari et aliis contemplata tradere », « Contempler et porter aux autres le fruit de sa contemplation ». Dominique a vu ce que ne voyaient pas les légats cisterciens : l’ignorance qui vide la foi de sa substance. L’erreur qui rend l’homme esclave du péché, car seule la vérité rend libre (cf Jean VIII,31). Enfin la naissance et le développement des ordres mendiants au XIII ème siècle (franciscains, augustins, carmes, dominicains) constituent une réaction à l’enrichissement de trop de communautés religieuses, bénédictines ou cisterciennes.

Toujours, en temps de crise, l’Eglise a su se réformer selon l’adage « Ecclesia semper reformanda, l’Eglise doit toujours se réformer », non pas en se ralliant aux valeurs du monde mais en renouant avec la radicalité évangélique, concrétisée particulièrement dans les trois vœux religieux de pauvreté, chasteté et obéissance.

Un saint pour notre temps

A l’heure de la déchristianisation massive de l’Occident, la vie et l’enseignement de saint Dominique sont d’une grande actualité. Son biographe, le bienheureux Jourdain de Saxe, disait de sa prédication : « Soli deo, vel de deo ». « Il ne parlait qu’à Dieu ou que de Dieu ».

Auto proclamée « experte en humanité » l’Eglise perd en influence et en rayonnement à mesure qu’elle multiplie les déclarations sur bien des sujets qui, au final, importent bien peu au salut des âmes : les origines du réchauffement climatique, les déboires de notre Mère la Terre, le tri sélectif, etc.

A l’heure du salut universel, unanimement cru et enseigné, Dominique rappelle la nécessité de la proclamation et de la vie de la foi pour être sauvé. Il ne s’agit pas « d’être pleinement homme en Jésus-Christ », ou de « s’accomplir » mais plus simplement de faire son salut et de contribuer à celui des autres. L’angoisse pour le salut des âmes est au cœur de la prédication dominicaine.

Enfin, en ces temps de confusion générale et de doute systémique, Dominique donne à son ordre une devise qui claque comme un étendard : « Veritas ! Vérité ! » La vérité existe. Elle peut être connue par la foi et par la raison. Elle porte un nom : Jésus-Christ.

 

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Jean-Pierre Maugendre

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