Affectivité et sexualité dans l’éducation

Publié le 21 Août 2023
sexualité

La formation de la personne humaine, confiée de plus en plus jeune à l’école,  s’appuie depuis les années quarante sur les fonctions du cerveau droit au détriment du gauche. Moins de logique, plus d’intuition, moins de sens et moins de conscience de soi. Élisabeth Nuyts, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, dénonce une pédagogie qui prive les enfants de la notion de sujet et les livre aux idéologies en vogue sans possibilité de recul.

 

Dans mon enfance nous n’entrions pas à l’école avant 5 ans. C’était donc la famille qui apprenait à l’enfant à parler, à s’ouvrir au monde et à s’exprimer personnellement. C’était elle qui expliquait à l’enfant la différence et la complémentarité entre l’homme et la femme, la beauté de l’amour conjugal, si différent des relations entre mâle et femelle de la plupart des animaux.

Maintenant notre école, obligatoire dès 3 ans, et bientôt 2, accueille des enfants qui savent à peine parler de façon intuitive. Non seulement ils ne sont pas encore conscients de la différence entre eux et le monde, entre eux et les autres, mais ils ne savent pas encore qui ils sont. Alors imaginez-vous l’impact de la phrase que l’on a fait écrire à certains élèves du cours élémentaire : « Je suis un animal humain » ?

Pire encore, depuis 2001, notre Éducation nationale impose, dès le primaire, trois cours par an d’éducation à la sexualité (1). Bien sûr, les objectifs présentés sont nobles : égalité, tolérance à la diversité, respect de l’autre… Mais n’est-ce pas un peu tôt pour aborder le sujet, surtout avec l’éclairage particulier de la lutte contre l’homophobie et la transphobie ? Les conséquences en sont parfois terribles. Je n’oublierai jamais l’appel de ce jeune garçon suicidaire : « Comment voulez-vous que j’aie envie de vivre quand je ne sais même pas qui je suis ? »

Je l’ai sorti de ce mal-être en travaillant d’abord avec lui toutes ses perceptions pour l’ouvrir consciemment au monde, puis l’écoute et la lecture en l’aidant à imaginer la scène et à analyser le texte pour lui apprendre à raisonner. Enfin nous avons abordé la grammaire à ma façon, c’est-à-dire en vécu, pour qu’il se découvre lui-même sujet acteur de ses propres actions. Et nous avons débouché sur la recherche du sens existentiel et identitaire du verbe être. Sorti d’un flou anxiogène, il a pu alors retrouver la joie de vivre.

Comment en était-il arrivé là ? C’est le résultat de la pédagogie du cerveau droit, mise en place très progressivement avec le plan Langevin-Wallon à partir de 1947. Tous les apprentissages de base ont été peu à peu remaniés pour ne solliciter dans le cerveau de nos enfants que les circuits neurologiques intuitifs de reconnaissance du déjà vu. Au cours préparatoire, ils apprennent à reconnaître des sons, des lettres, des mots, des phrases.

On leur demande ensuite de lire de façon fluide des textes en mettant le ton en fonction de la ponctuation, puis de les photocopier visuellement pour les mémoriser. Ce travail mécanique ne sollicite que les circuits intuitifs de l’enfant. Pour développer correctement l’intelligence d’un enfant et son autonomie, il faut l’ouvrir à son cerveau conscient, lui apprendre à poser des questions fines, donc à analyser, à établir des liens logiques, à rechercher le sens, et à intégrer la perception fine du temps. C’était là autrefois le but des apprentissages de la lecture et de la grammaire.

Maintenant, en ne sollicitant que les circuits de reconnaissance du cerveau intuitif, au lieu de faire le va-et-vient entre intuition et conscience, on laisse l’enfant dans le flou vis-à-vis du monde et de lui-même. N’ayant pas appris à réfléchir, il ne pourra qu’obéir à la norme imposée ou s’y opposer inconditionnellement. Souffrant de ce manque de sens, il pourra croire qu’il serait plus heureux s’il changeait de sexe.

Et ces cours d’éducation à la sexualité donnés dès le primaire pourront même le lui suggérer, et surtout ne l’en dissuaderont pas. Si, plus tard, toujours ancré dans cette hypothèse, il souffre encore du manque de sens dans sa vie, il risquera d’aller jusqu’à l’opération, ou jusqu’à la prise régulière de médicaments pour bloquer ses hormones sexuelles.

Si, au lieu d’apprendre dès la petite enfance à respecter les personnes transsexuelles ou bisexuelle, on donnait du sens aux apprentissages de base, on n’en arriverait pas à ces situations qui peuvent s’avérer plus tard dramatiques pour certains.

Apprendre à lire devrait être apprendre à raisonner. Découvrir la richesse de la langue française en s’ouvrant à une grammaire du sens (2) permet de se découvrir soi acteur de ses propres actions, soi garçon ou fille, différent d’un animal ou d’un pion, soi fils ou fille de…, frère ou sœur de…, français, espagnol, anglais ou tunisien…

Alors n’est-il pas dangereux d’enseigner aussi l’anglais dès le primaire, avant que les enfants n’aient appris à se percevoir eux-mêmes consciemment, filles ou garçons, sujets acteurs de leurs propres actions ? N’oublions pas qu’en anglais l’accord de genre n’existe pas, et que les adjectifs et les participes passés sont toujours invariables.

Entre ces cours d’anglais prématurés et ces cours d’éducation sexuelle, nos enfants trouvent tout à fait naturel d’avoir à se poser la question de leur genre. Est-ce là le but de l’éducation ?

Pourquoi ne profitons-nous pas plutôt des cours de grammaire française sur les accords de nos adjectifs et de nos participes passés avec les mots auxquels ils se rapportent, pour leur demander pourquoi « c’est le masculin qui l’emporte » ? Les garçons alors en riant vous diront : « Parce qu’on est les plus forts. » « Et en quoi est-ce intéressant que vous soyez les plus forts physiquement ? »

En poursuivant cette quête du sens, du pourquoi et du comment, ils en arriveront d’eux-mêmes à vous dire qu’ainsi, ils peuvent aider ceux qui sont moins forts ou plus vulnérables : les femmes, les enfants, les gens en difficulté. Et là, devant cette découverte, ils seront heureux. Leur vie va avoir du sens. Le sens de la responsabilité se construit dans la joie. Et ils ne risqueront pas de se faire amputer pour le regretter plus tard.

Si nous voulons que nos enfants soient responsables dans leurs choix et heureux de l’être, donnons-leur les moyens de raisonner personnellement. N’oublions pas que la petite voix que nous entendons dans notre tête, que j’appelle « pensée langagière », n’est que l’intériorisation du raisonnement à voix haute, puis chuchotée, puis murmurée, et enfin simplement labialisée. Alors n’ayons pas peur de laisser nos enfants discuter à la maison et chuchoter en classe lorsqu’ils lisent, écrivent ou réfléchissent.

 

  1. Voir le Bulletin officiel du 12/09/2018 sur le site « éducation.gouv.fr », et le livre La théorie du genre, appel à la résistance publié par « Avenir de la culture » en 2018.
  2. Voir La Grammaire structurante sur notre site « savoir-apprendre.info »
Élisabeth Nuyts

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