Jean Sévillia ou la passion de l’Histoire

Publié le 03 Oct 2013
Jean Sévillia ou la passion de l'Histoire L'Homme Nouveau

Alors que l’enseignement de l’Histoire reste une des grandes malmenées de l’Éducation nationale et que les Français plébiscitent encore et toujours les livres historiques et les séries télévisées sur la même thématique – sans parler du succès de la chaîne Histoire –, Jean Sévilla sort aujourd’hui en librairie une Histoire passionnée de la France (Perrin, 560 pages, 25 €).

Il n’est plus besoin de présenter l’auteur, rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine, et qui fait à L’Homme Nouveau l’honneur d’une chronique régulière. Au fil des années, il a conquis tout un public, à la recherche, non d’une pensée « prêt-à-porter », mais de la réalité des faits, des explications claires et courageuses ou des modèles qui relient le présent, notre présent, au passé.

Sans nostalgie

La nostalgie n’habite pas l’œuvre de Jean Sévillia. En tous les cas, pas la nostalgie rance et amère, celle qui ratiocine en permanence et qui fuit le réel, afin de n’avoir ni à l’affronter ni à le juger. Non, ce qui traverse cette œuvre, c’est d’une part, le sens de l’héritage, ce que l’on appelle en philosophie morale, la vertu de piété, laquelle prend discrètement assise sur la grande et cardinale vertu de justice, et d’autre part, la passion de le transmettre, tout en saisissant les continuités et les ruptures, les points saillants comme les éclairages plus indirects, les fruits féconds ou ceux qui sont, hélas, plus âpres.

Je n’étonnerai aucun de nos lecteurs en soulignant que l’on retrouve ces qualités dans le dernier opus de Jean Sévillia. Ce n’est pas pour rien que celui-ci porte comme un drapeau la passion et qu’il mobilise en commençant le patronage emblématique de Charles Péguy. À lui seul, le chantre de Jeanne d’Arc, mort au champ d’honneur en 1914, est non seulement une figure historique, mais le symbole de cette volonté d’unir, par la vertu du catholicisme, le passé monarchique de notre pays à l’histoire plus récente de sa passion républicaine. Ne rien refuser du passé, mais le connaître, l’aimer et en tirer des leçons.

Les leçons de l’Histoire

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L’Histoire, en effet, se reçoit et offre matière à jugement et à réflexion. Elle ne se fabrique pas. Elle exige tout autant l’humilité et l’intelligence. Sa grande vertu est de transmettre cette expérience si nécessaire à ceux qui ne peuvent refaire, par eux-mêmes et à chaque fois, toutes les expériences du monde. Son risque, on l’a souligné, est d’ensevelir le présent en le noyant dans l’irréel d’un hier trop rêvé. Mais l’Histoire peut aussi être lourde et pesante, engoncée comme à l’étroit dans des querelles de chapelle et d’école s’excommuniant en permanence au lieu de donner d’abord à l’aimer. Mais dès que la passion l’anime, l’Histoire retrouve toute son incroyable force de séduction tant elle répond à un véritable besoin de l’âme. En nous offrant à la fois un livre et un album, en retraçant depuis les origines, et jusqu’à aujourd’hui, les grands évènements fondateurs de notre pays, Jean Sévillia parvient à répondre à ce besoin.

Dans un article que je lui avais consacré naguère, j’avais qualifié Jean Sévillia de « Bainville chrétien ». Comme beaucoup, j’ai pour Jacques Bainville une véritable admiration, principalement devant la clarté de son style, l’éloquence de son propos et la sagesse qui émaille nombre des réflexions qu’il a semées au long d’une grande activité journalistique. Sa révérence des faits, élevée au rang de véritable credo méthodologique, m’a toujours semblé une voie à suivre et donc un exemple à imiter. Je suis plus critique sur certains aspects de sa grille de lecture, qui manque de l’envergure chrétienne et qui reste de ce fait très focalisée sur certains aspects.

L’exigence des faits

Chez Jean Sévillia, je retrouve justement de Bainville cette exigence méthodologique, ce soin extrême à prendre en compte avant tout les faits tout en ne se laissant pas bousculer par eux. D’où ce souci commun également de relier et d’expliciter. Je vois chez l’un et l’autre également cet amour profond et lucide de l’objet présenté. Comment, en effet, bien parler de la France sans avoir pour elle un véritable attachement ? Enfin, ils illustrent l’un et l’autre la conviction que la France est une réalité principalement politique, construite au long des siècles par la volonté de l’État, sans nier pour autant d’autres facteurs explicatifs.

Mais, il y a décidément autre chose, chez Jean Sévillia, ce supplément d’âme qu’apporte sa foi chrétienne, ni cachée ni revendiquée sans cesse comme un drapeau. Une réalité invisible, mais bien présente, qui l’entraîne à vouloir tout autant faire aimer qu’aider à comprendre. On en trouve comme un écho dans les dernières lignes de ce nouveau livre :

« La France est un pays beau et grand, qui aime malheureusement les conflits civils. Ne les provoquons pas. Veillons à ne pas ébranler une cohésion nationale par nature fragile. Dans un pays divisé de croyances, aujourd’hui soumis à des bouleversements ethnoculturels majeurs, tout ce qui rassemble et réunit doit être privilégié. L’Histoire de France en fait partie. Apprenons à la connaître pour mieux nous aimer ».

Une belle leçon d’Histoire ; une belle leçon politique. Une permanente leçon d’espérance. 

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