Le chant d’entrée de la messe pour les défunts rayonne doucement sur toute la liturgie qui leur est consacrée. Les thèmes du repos et de la lumière gouvernent les deux phrases mélodiques qui constituent cet introït célèbre. La prière de l’Église s’élève vers le Ciel en faveur de toutes celles et de tous ceux qui ont quitté notre terre et qui ne sont pas admis encore aux jouissances de la béatitude éternelle, dans le face-à-face inconcevable de la créature avec son Dieu.
L’amour purificateur
Placées dans le creuset de l’amour purificateur, les âmes de nos défunts sont peu à peu rendues aptes à cette union mystique qui fera leur bonheur à tout jamais. Elles sont déjà plongées dans l’amour, mais dans l’amour qui fait mal parce qu’il ne souffre aucune impureté, aucun partage, aucun empêchement au don total. Elles aiment, elles espèrent, elles savent que leur espérance ne sera pas déçue. Elles entrevoient déjà la lumière et le repos, au bout de leur peine et de leur ardent désir.
Des élans sereins et progressifs
Le 6e mode choisi par le compositeur exprime tout cela dans sa sobriété presque enfantine. Les élans sereins mais progressifs qui soulèvent les mots de paix de la première phrase (*), puis les mots de lumière de la seconde phrase, traduisent cette ouverture confiante des âmes du Purgatoire à l’envahissement du divin dans leur être. La mélodie grégorienne entrevoit seulement mais respecte souverainement ce mystère d’amour de l’au-delà. Elle rejoint le silence de nos défunts. Un silence qui voile à nos yeux la plénitude d’acte et la fulgurance de la clarté cachées derrière les pauvres mots humains (« requiem », « lux ») de notre prière. Léon Bloy a compris cela, lorsqu’il dit dans Celle qui pleure :
« requiem æternam dona eis Domine, c’est-à-dire : donnez à ces âmes, Seigneur, d’entrer dans la bataille infinie où chacune d’elles, comme une cataracte retournée, vous assiégera éternellement ».