Sainte Scholastique, modèle de la vie monastique

Publié le 10 Fév 2014
Sainte Scholastique, modèle de la vie monastique L'Homme Nouveau

Aujourd’hui, l’Église célèbre la fête de sainte Scholastique, sœur de saint Benoît. Nous publions ici l’homélie prononcée ce lundi 10 février par le Très Révérend Père Dom Jean Pateau, Abbé de Notre-Dame de Fontgombault, en l’Abbaye Notre-Dame des moniales bénédictines de Wisques. Une belle méditation sur la vie monastique.

Une tradition de quinze cent ans

Quelle joie de poursuivre aujourd’hui une tradition vieille de quinze cents ans !

Saint Grégoire, au second livre de ses Dialogues, consacré à la vie de notre bienheureux Père saint Benoît, rapporte que  :

« sa soeur, qui s’appelait Scholastique, consacrée au Dieu tout-puissant depuis sa plus tendre enfance, avait pris l’habitude de venir vers lui une fois par an et l’homme de Dieu descendait vers elle, au-delà de la porte, mais pas loin, dans la propriété du monastère ».

Selon l’habitude, ils passaient « tout le jour dans les louanges de Dieu et dans de saints entretiens. »

Puissions-nous tendre à la sainteté de nos devanciers et accroître notre charité en cette aimable journée !

Le grand mystère de la vocation monastique

Les trois lectures de la Messe nous placent sans concession devant la grandeur du mystère de la vocation monastique et devraient être l’occasion d’un examen de conscience.

Oui, nous avons été l’objet d’un amour particulier du Seigneur, évoqué en termes concrets par le prophète Osée :

« Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert et je lui parlerai coeur à coeur… Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse. » (Os 2, 16.17b)

Quel est donc ce désert où le Seigneur nous a conduits et où il veut parler à notre coeur et entendre notre voix ?

Réveillez le monde !

Dans l’entretien qu’il a accordé, le 29 novembre dernier, à l’assemblée générale des supérieurs généraux le Pape François a précisé la spécificité de la vocation religieuse par rapport à l’appel général à la sainteté :

« L’Église doit être attirante. Réveillez le monde ! Soyez témoins d’une autre façon de faire, d’agir, de vivre ! Il est possible de vivre autrement dans ce monde. Nous parlons d’un regard eschatologique, des valeurs du Royaume incarnées ici, sur cette terre. Il s’agit de tout laisser pour suivre le Seigneur. Non, je ne veux pas dire “radical”. La radicalité évangélique n’est pas l’apanage des religieux : elle est demandée à tous. Mais les religieux suivent le Seigneur de façon spéciale, selon un mode prophétique. Moi, ce que j’attends de votre part, c’est ce témoignage-là… La prophétie du Royaume… n’est pas négociable… : les religieux et religieuses sont des hommes et des femmes qui illuminent l’avenir. » (Osservatore Romano en langue française, 2014, n. 3, p.11-12)

Comment comprendre cela ?

Vivre l’Évangile est demandé à tout chrétien. Ce n’est déjà pas si facile, même dans les monastères. S’engager à vivre une vie prophétique au sein d’une clôture monastique, une vie qui n’est plus du monde, mais qui se déroule toujours dans le monde, incarner la vie du Royaume par la pratique fidèle et persévérante des voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, cela relèverait donc de l’héroïsme ; mais nous ne sommes pas seuls.

Dieu a fait sa demeure en nous

Au jour de notre baptême, dont la date reste inscrite au plus profond de nos coeurs, Dieu a fait sa demeure chez nous et a pris notre main. Depuis, il nous mène sur les chemins de la vie. Fascinés par la beauté de la création et de la vocation humaine, dont il est l’auteur, nous aurions pu demeurer au milieu du monde. Mais petit à petit la beauté de la création a pâli, le chemin s’est fait plus solitaire ; bientôt seule la main de Dieu demeurait, seul objet de notre amour. C’est le désert et c’est Dieu qui nous y a menés.

Pourquoi cela ? Simplement pour entendre notre voix, voix de l’âme, voix du coeur, voix des œuvres qui disent : « Je t’aime ». Allons-nous rebrousser chemin ? Protégé par sa clôture, la moniale, le moine, ne doit pas s’illusionner : il est au centre d’un terrible combat, du combat entre le Royaume et le monde :

« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. » (Lc 10, 41-42)

Le Christ pauvre, obéissant et chaste

Choisir la meilleure part pour Jésus, vivre au sein de la communauté tel le Christ pauvre, obéissant et chaste, témoigner d’une charité fervente toujours renouvelée dans la simplicité et souvent la banalité des oeuvres de la vie, tel est le témoignage que nous proposent les saintes moniales que l’Église nous fait vénérer : sainte Scholastique, mais aussi sainte Gertrude, sainte Hildegarde, sainte Mechtilde, sainte Françoise Romaine.

Telle est la meilleure part que Jésus nous a réservée et qu’il nous demande toujours de choisir.

« Choisir Dieu comme part unique et meilleure est très rare, écrivait Madame Cécile Bruyère. C’est pourtant la seule qui ne puisse pas nous être enlevée. Cette part est excellente, parce qu’elle est éternelle. » (Extrait d’une conférence de 1899, In spiritu et veritate, p.94)

Ce choix nous devons donc l’oser, c’est le seul qui nous convienne. « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3, 16) Alors nous prendrons place dans la liturgie du Ciel évoquée par le livre de l’Apocalypse, en disant durant toute notre vie :

« “Alléluia ! C’est à notre Dieu qu’appartiennent le salut, la gloire et la puissance… Alléluia ! Le Seigneur notre Dieu a pris possession de sa royauté, lui, le Tout-Puissant. Soyons dans la joie, exultons, rendons-lui gloire, car voici les noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle : on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante” – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints. » (Ap 19, 1.6-8)

La Vierge Marie, un guide sûr

Marie, que nous fêterons demain unis aux nombreux pèlerins de Lourdes, nous invite à prendre part au festin des noces de l’Agneau. Guide sûr par les chemins de la sequela Christi, elle nous enseigne plus par l’exemple de sa vie que par ses paroles : « Faites tout ce qu’il vous dira. » (Jn 2, 5)

Le drame de la vie monastique ne serait-il pas de se tromper de Dieu ? L’auteur du livre de l’Apocalypse, après les paroles de l’ange qui béatifie les invités au repas des noces de l’Agneau, veut se prosterner à ses pieds pour l’adorer. L’ange lui dit alors :

« Non, ne fais pas cela, je suis un serviteur comme toi, comme tes frères qui portent le témoignage de Jésus. C’est Dieu que tu dois adorer. » (Ap 19, 10)

(Ce texte est publié avec l’autorisation de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault).

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