Notre quinzaine : Retrouver la primauté du bien commun

Publié le 29 Jan 2016
Notre quinzaine : Retrouver la primauté du bien commun L'Homme Nouveau

D’un état d’urgence à l’autre

Le Président de la République a annoncé lundi 18 janvier dernier un nouveau plan de lutte contre le chômage. À cette occasion, il n’a pas hésité à employer les grands mots et à se référer aux grands modèles. Comme il existe un « état d’urgence » dans la lutte contre le terrorisme, il y a donc désormais un « état d’urgence économique et social » pour faire face au plus haut taux de chômage jamais atteint en France.

François Hollande a certes déployé un certain nombre de mesures qui, de l’apprentissage à la formation des chercheurs d’emploi en passant par l’aide à l’embauche, ont essentiellement pour caractéristiques de passer par un accroissement des subventions gouvernementales. Plus que jamais, le pays repose sur un système de perfusion permanente, lié à un État qui serait selon toutes probabilités en situation de faillite. Il est difficile dans ce contexte, sans même aller plus loin dans l’analyse des mesures en question, de porter quelque crédit à ce nouveau plan qui risque surtout de décrédibiliser de bonnes idées – pensons au renforcement de l’apprentissage – si elles ne s’insèrent pas dans une politique réaliste, dégagée de toute emprise idéologique. Mais l’État actuel le peut-il ?

Prépotence du bien particulier

Il n’a échappé à aucun commentateur politique qu’ayant lié sa participation aux prochaines élections présidentielles à la baisse du chômage, François Hollande a surtout présenté ces nouvelles mesures en ayant l’œil résolument fixé sur 2017. Nombre de spécialistes n’hésitent d’ailleurs pas à parler de la mise en place de tours de passe-passe pour réduire artificiellement la courbe du chômage.

Au-delà, nous devons nous interroger en profondeur sur la pertinence d’un système – sans parler de sa légitimité – qui oblige en permanence les responsables politiques de tous bords à agir en fonction des élections et donc de leur capacité à convaincre une opinion publique, par ailleurs soumise à jet continu à la propagande de la classe médiatico-culturelle.

Les catholiques, dira-t-on, n’ont rien de spécifique à apporter dans un tel domaine. C’est à voir ! Ils ont le devoir de mettre en avant les exigences de la loi naturelle – on l’a vu lors de la question dudit « mariage » pour tous. Ils ont aussi pour devoir de participer à la promotion du bien commun et à en défendre l’idée, à temps et à contretemps, au nom même de la charité politique.

Force est de constater que, au-delà même de François Hollande et du gouvernement socialiste, le bien commun de la société politique est profondément lésé, rendant impossible cette amitié politique nécessaire à la vie sociale. Personne aujourd’hui ne peut prétendre que les questions les plus urgentes ne relèvent du politique ! Pensons à la déstabilisation profonde des sociétés occidentales liée à l’immigration et à l’arrivée massive de migrants. Pensons à la destruction massive organisée par l’avortement légalisé, remboursé et conçu de plus en plus comme un moyen individuel de limitation des naissances. Pensons au terrorisme et à la guerre, menée à l’intérieur comme à l’extérieur, contre notre pays et ce qu’il représente ou qu’il est censé représenter. Plus que jamais, c’est le bien commun de la société qui est en cause et l’incapacité d’une organisation politique fondée sur l’obtention d’un bien privé (l’élection ou la réélection) de le garantir.

La culture du rebut

Le Pape François utilise souvent des phrases chocs et des mots percutants pour décrire l’état d’une situation. Le 5 juin 2013, par exemple, il a parlé avec force de la « culture du rebut » qui caractérise, selon lui, nos sociétés modernes néo-libérales : « les hommes et les femmes sont sacrifiés aux idoles du profit et de la consommation : c’est la “culture du rebut” ». Évoquant lui aussi le chômage, il indiquait le 28 octobre 2014 que l’absence de travail est aussi l’un des « effets d’une culture du rebut qui considère l’être humain en soi comme un bien de consommation, que l’on peut utiliser, puis jeter ». Sa récente visite à un foyer qui pratique les soins palliatifs a encore été l’occasion de dénoncer cette « culture du rebut » liée cette fois à la fin de vie.

Cette situation est exactement celle de la France aujourd’hui où, comme l’explique dans ce numéro Adélaïde Pouchol, la présidente pressentie pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie créé par le gouvernement français est un médecin favorable à l’euthanasie. De ce fait, les soins palliatifs sont ravalés à une simple option parmi d’autres de fin de vie. Outre le déni de la réalité, le manque de respect envers les personnes et la subversion sémantique à l’œuvre, cette promotion apparaît comme une victoire du relativisme. « Tout est dans tout et réciproquement » affirmait autrefois un humoriste. Aujourd’hui, cette sentence campe tranquillement dans les esprits pour lesquels tout se vaut du moment que personne n’est lésé. Grâce à l’éclairage de la foi, nous avons certainement de notre côté le devoir de bien penser en vue d’agir en faveur du bien. Moins que jamais, l’heure est à l’entre-soi ou au repli.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneÉditorialChrétiens dans le monde

Le Vietnam catholique après Diên Biên Phu (2/3) : Une réappropriation progressive du clergé vietnamien

Dossier « Le Vietnam catholique après Diên Biên Phu » 2/3 | Comment les soubresauts de la décolonisation ont-ils affecté l’Église du Vietnam ? Désireuse de maintenir une distinction essentielle entre colonisation et mission et de faire émerger de véritables communautés catholiques locales, Rome avait en fait pris soin très tôt de former et d’émanciper un clergé indigène pour remplacer les missionnaires occidentaux.

+

vietnam clergé
A la uneÉditorial

Notre quinzaine : Vertu de piété ou nostalgie ? 

On a beaucoup reproché à nos compatriotes de se complaire dans la commémoration des défaites de la France. Dans le souvenir de Diên Biên Phu, il ne s’agit pas tant d’entretenir aujourd’hui la nostalgie d’une époque révolue que de se placer dans la perspective de la vertu de piété naturelle dont on rappellera ici en passant qu’elle est annexe à la vertu de justice et qu’elle nous permet de rendre imparfaitement ce que nous devons à nos parents et à notre pays. Le devoir de piété relève des premiers principes de la loi naturelle et trouve une expression synthétisée dans le quatrième commandement du Décalogue.

+

Diên Biên Phu piété naturelle
ÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Subsidiarité et bien commun

Édito de la Lettre Reconstruire n°35 | Ce nouveau numéro de Reconstruire continue, à travers la rubrique « Questions de principe », à aborder l’enseignement pontifical à propos de la subsidiarité. Formulé scientifiquement par Pie XI, mais déjà présent chez Léon XIII, le principe de subsidiarité n’a cessé de prendre une place grandissante dans le corpus social catholique. Au point, comme nous le soulignons dans ce même numéro, d’être introduit indirectement dans le nouveau Code de droit canonique (1983) et donc dans la vie de l’Église elle-même.

+

subsidiarité bien commun
Éditorial

Notre quinzaine : Quand on n’a que l’amour

Éditorial du Père Danziec | Notre monde est-il plus violent qu’autrefois ? Prenons garde de répondre trop vite par l’affirmative. Le refrain qui consiste à dire, en tout et nécessairement, « c’était mieux avant » mériterait certainement nuance et contextualisation. Face aux déchaînements de violence propres à l’atmosphère postchrétienne, il s’agit – plus que jamais – de devenir lumière dans les ténèbres. Comment cela ? En prenant la résolution vigoureuse d’accueillir en nous l’amour de Dieu.

+

amour
Éditorial

Notre quinzaine : L’espérance peut-elle être politique ?

Le Christ, notre véritable espérance, est ressuscité. Alléluia ! Nous venons à nouveau de proclamer cette bonne nouvelle qui n’est pas seulement celle d’un jour et d’une fête, fût-elle la plus grande du calendrier chrétien, mais celle qui rejaillit et irrigue constamment notre vie. Nous ne pouvons pas perdre de vue la finalité ultime d’un vrai combat politique qui est le règne du Christ sur les personnes, les familles et la société. Ne perdons pas courage ! Le but est lointain mais nous devons œuvrer à son avènement car notre espérance se fonde sur le Christ, mort et ressuscité.

+

espérance
ÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Avortement : il est urgent de remonter à la source

Lettre Reconstruire n°34 – Edito | Le lundi 4 mars, le droit à l’avortement est officiellement entré dans la Constitution de la République française. Votée en 1975 comme une dépénalisation et une exception, la loi libéralisant l’avortement s’est muée au fil du temps en un véritable droit positif dont la remise en cause s’est vue de plus en plus entravée. Sans aucun doute, cette défaite pour la vie et pour le militantisme anti-avortement aura des conséquences dans les mois ou les années à venir. Un examen de conscience et une remise en cause des méthodes employées et de la doctrine sur laquelle se fonde ce combat sont nécessaires.

+

constitutionnalisation avortement