Théorie du Genre et colonisation idéologique
Une fois encore, une fois de plus, et bien sûr, une fois de trop, le ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem a fait parler d’elle en s’en prenant au Pape François. Car, c’est bien dans ce sens qu’il faut voir les choses et non dans celui d’une réaction légitime du ministre à des propos qui seraient anormaux de la part du Souverain Pontife.
Tout naturellement, celui-ci a été amené à s’inquiéter de l’enseignement de la théorie du Genre dans des manuels scolaires français. La réponse française s’est opérée sur plusieurs points. Le Pape a d’abord été considéré comme mal informé et donc, sur le sujet, influencé par des intégristes. L’usage de ce vocabulaire de propagande révèle bien l’ambition de ses utilisateurs : discréditer pour ne pas avoir à se justifier.
Mais, justement, il a fallu aussi se justifier. De ce fait, on a affirmé que la théorie du Genre n’était pas enseignée dans les manuels et que de toute façon, elle n’existait pas. Seulement, des propos de Najat Vallaud-Belkacem elle-même montrent qu’elle a déclaré hier le contraire de ce qu’elle nie aujourd’hui.
Que disait-elle, en effet, au quotidien 20 minutes le 31 août 2011 ? Ceci : « La théorie du Genre, qui explique “l’identité sexuelle” des individus autant par le contexte socio-culturel que par la biologie, a pour vertu d’aborder la question des inadmissibles inégalités persistantes entre les hommes et les femmes ou encore de l’homosexualité, et de faire œuvre de pédagogie sur ces sujets. » C’est pourquoi selon le ministre, toujours dans le même entretien : « Il est essentiel d’enseigner aux enfants le respect des différentes formes d’identité sexuelle, afin de bâtir une société du respect. » Mais le 6 juin 2013, et à plusieurs reprises depuis, changement de discours. Désormais, pour Najat Vallaud-Belkacem, « la théorie du Genre, ça n’existe pas. »
Et dans les manuels ? Sinon le mot, on y trouve du moins l’enseignement du contenu de la théorie du Genre et même le renvoi vers des livres conseillés par le ministère de l’Éducation nationale pour « l’égalité entre filles et garçons ». On comprendra que le Pape dénonce une volonté de « colonisation idéologique ».
Objecteur de modernité
Contre celle-ci, la formule « d’objecteur de modernité », concoctée par Patrick Buisson, dans son livre La Cause du peuple (Perrin, 264 p., 21,90 €), convient parfaitement. Au refus radical, elle a en effet le mérite d’associer l’origine exacte de la crise profonde à laquelle est confronté le monde occidental de ce début du XXIe siècle. Je sais : le livre comme son auteur sont aujourd’hui clairement mis en cause.
Ceux qui ont dénoncé La Cause du peuple l’ont-ils lu ? Et, comme disait Jacques Bainville, ceux qui l’ont lu, l’ont-ils compris ? Les 460 pages de ce livre, lu crayon en main, demandent deux ou trois jours. Bien sûr, il y a des faits et du mordant dans leur exposé à l’encontre du président Sarkozy et du couple qu’il forme avec Carla Bruni. Pour être franc, cet aspect ne nous intéresse pas, si ce n’est qu’à titre d’exemple. Nous voyons alors à grande échelle les ravages de la modernité qui a vidé la politique de toute portée et de toute réalité, en élevant un culte à l’individu roi, réduit aujourd’hui à ses seuls affects.
Non, le plus étonnant dans ce livre est qu’il s’agit d’un livre d’idées, d’un exposé des causes profondes du délitement de la France et des moyens de retrouver le chemin du salut. Ce n’est pas à Maurras qu’il faut comparer Buisson, mais à un mélange de Bernanos et de Gramsci, la volonté de s’enraciner dans la grande tradition française mélangée à celle de reprendre le pouvoir culturel et politique. À ce titre, il est la voix des sans voix, un porte-drapeau de contestation radicale des mantras politico-culturels qui asservissent la France depuis des décennies.
La droite buissonière
Patrick Buisson voit poindre à l’horizon un « populisme chrétien ». Faisons confiance à l’analyste, mais si ce populisme ne parvient pas à s’élever jusqu’à l’objection de la modernité, il finira comme tant d’autres avant lui en conservatisme de salon et en force supplétive des illusions perdues. Que l’on aime ou pas Patrick Buisson n’a aucun intérêt. Si vous lisez ce livre, ne le faites pas parce qu’il s’agit d’un livre à scandale et qui pour cela pourrait une fois de plus être utile au système politico-médiatique qui s’en nourrit quotidiennement. Lisez-le, au contraire, pour le vrai scandale qu’il représente : être une matrice à idées dans la fidélité au catholicisme historique de la France et à la restauration politique et sociale que celle-ci attend, même dans la confusion, en tous les cas dans la souffrance.
Il y avait classiquement trois droites dans la typologie politique. Il se pourrait qu’une nouvelle émerge aujourd’hui, une droite « buissonnière », non plus au sens de celle qu’avait ainsi nommée le critique littéraire belge Pol Vandromme, mais au sens de celle que porte étrangement, La Cause du peuple.