Malgré une carrière tôt brisée par la mort, Joseph Malègue est l’auteur de ce que certains considèrent comme le plus grand roman du XXe siècle mais d’un seul autre roman. Les éditions de L’Homme Nouveau rééditent un ensemble de quatre textes, parus en 1939 sous le titre Pénombres, dans lesquels l’écrivain manifeste son souci du salut.
Comment évangéliser un monde apostat ? N’est-ce pas une difficulté à laquelle aujourd’hui tout baptisé soucieux de vivre pleinement sa mission est confronté ? Cette question n’est pas nouvelle car l’apostasie est constitutive du monde moderne. Et il se pourrait que Joseph Malègue fût un de ceux qui se la soient posée avec le plus de rigueur et d’acuité. D’abord comme romancier puis comme essayiste.
Malègue (1876-1940) est l’auteur de Augustin ou le maître est là, grand roman paru en 1933. En 1939 paraît Pénombres. Entre les deux, il publie deux courts livres de méditations et surtout travaille à un deuxième roman, qui sera publié inachevé et à titre posthume en 1958 : Pierres noires. Les classes moyennes du salut. Ainsi durant seulement sept ans, il va répondre aux sollicitations que le succès de son roman suscite, essentiellement par des articles et des conférences.
Une comète dans la vie littéraire
Autant dire que Malègue est une comète dans la vie littéraire et intellectuelle française des années trente, mais une comète dont le rayonnement n’est toujours pas effacé presque cent après. La réédition de ce court essai, après celle de ses deux romans, est là pour en témoigner ; c’est, bien sûr, à chaque lecteur de le vérifier. Après une rapide présentation des quatre textes formant ce volume, nous arpenterons les thèmes principaux de l’œuvre et par là chercherons à en appréhender la richesse et la fécondité pour relever les défis que les circonstances présentes adressent à nos devoirs de baptisés.
Pénombres, c’est d’abord un titre et un sous-titre qui nous plongent d’emblée dans une ambiance. La lumière chrétienne n’est-elle pas le plus souvent tamisée dans notre vie ? Certes, mais ce clair-obscur n’est pas dû qu’à notre imperfection. La Lumière divine n’a-t-elle pas condescendu à entrer dans les ténèbres du monde soumis au péché en assumant la condition humaine ? Dieu a accepté de venir nous sauver en sollicitant notre foi et notre amour et non en nous contraignant par l’évidence aveuglante de sa divinité (1).
Sur un tel sujet, Joseph Malègue se propose de glaner, c’est-à-dire de ramasser dans les champs du savoir théologique ce qui reste après la moisson, belle manière d’assumer dans la modestie qui sied à un laïc le droit d’apporter sa contribution à l’intelligence chrétienne de son temps. Enfin, il s’agit d’approches, c’est-à-dire d’un ensemble de mouvements par lesquels on s’avance vers un même centre, ici le Mystère chrétien.
Les quatre textes qui constituent le volume sont de factures et de genres différents : deux essais, une méditation et une nouvelle. Malgré cette diversité, ils sont au service d’une même finalité : faire entrer le lecteur plus avant dans le souci du salut.
1. L’illustration de la couverture de l’édition originale est une statue voilée de la Foi (œuvre de Spinazzi en l’église Sainte-Marie-Madeleine de Pazzi à Florence), reprise ici.
Pénombres, Joseph Malègue, L’Homme Nouveau, 278 pages, 15 €.
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