Pour Dieu, l’Église et la patrie

Publié le 16 Mar 2018
Pour Dieu, l’Église et la patrie L'Homme Nouveau

Le temps passant, on a peut-être oublié la haute figure du cardinal Joseph Mindszenty, archevêque d’Esztergom et Primat de Hongrie. Faut-il la résumer en disant qu’il fut l’homme d’une triple croix : celle imposée par le fascisme, celle du communisme et celle, à la fin de sa vie, qui lui vint de l’Église, sa mère ?

Cette mère, c’est justement le thème de son livre que rééditent aujourd’hui les éditions Parthenon. À vrai dire, le cardinal Mindszenty, qui a écrit la première version de cet ouvrage alors qu’il était jeune prêtre, en l’enrichissant ensuite dans les éditions ultérieures, au point d’y consacrer deux tomes, n’aborde pas uniquement la maternité de l’Église. Profondément marqué par sa propre mère, il dresse un magnifique éloge aux mères de famille et consacre son premier chapitre à « La femme, cœur mystérieux du monde ». 

Point de romantisme dans cette approche ! La femme est aussi bien Ève que Marie et se révèle parfois sous le visage terrible d’Hérodiade, incapable de renoncer à son désir de vengeance. Point de féminisme non plus dans cette vision. Pour l’auteur, « plus l’humanité s’éloigne de Dieu, plus il lui devient difficile de comprendre et d’apprécier l’apport personnel de la femme. La Révélation est le seul véritable miroir où se reflète l’âme de la femme. »

Fort de cette conception, qui fut simplement celle de l’Église catholique, le cardinal Mindszenty évoque le mariage, son indissolubilité, le rôle du père et de la mère, la régénération du baptême, les principes d’éducation, sans oublier la Vierge Marie. Ce héros de la défense des libertés de son pays termine son livre en traitant de la « Mère Patrie », dans des termes magnifiques : 

« La patrie est une pensée de Dieu, un autel élevé à Dieu par tes ancêtres ; elle est la maison où tu as goûté tes premières joies ; la terre, dont les fruits te nourrissent ; la patrie, ce sont tes parents, ta femme, tes enfants, ta famille, tes concitoyens ». 

Nous ne sommes pas ici au pays de Descartes. Rien d’une idée abstraite, d’une désincarnation rêvée ou idéologisée mais le point de rencontre entre le spirituel et le charnel dans une dimension à portée d’hommes. 

Hongrois, fier de son passé, le cardinal Mindszenty n’oublie pas non plus que son pays fut un « Bastion de la liberté, rempart du christianisme contre l’islam ». Une évocation qui nous ramène à un présent difficile et parfois douloureux, mais qui permet aussi de comprendre la Hongrie d’aujourd’hui. 

Qui était le cardinal Mindszenty ? Fort judicieusement, l’éditeur rappelle sa vie dès les premières pages de cet ouvrage. 

Soulignons juste que Joseph Mindszenty naît en 1892 et devient prêtre en 1915. Dès 1919, il s’oppose aux communistes, pendant l’éphémère régime de Bela Kun. Nommé évêque en 1944, il est emprisonné sous le régime des Croix fléchées avant de lutter à nouveau contre les communistes qui prennent le pouvoir à la faveur de la victoire de l’Armée rouge sur le nazisme. 

L’opposition est frontale et sans demi-mesure. Arrêté et torturé en 1948, il est condamné à vie en 1949. C’est un cardinal qui subit alors le pire puisque Pie XII l’a élevé à cette dignité en 1946. Libéré en 1956, à la faveur de l’insurrection de Budapest, le cardinal Mindszenty est à nouveau menacé, après l’intervention des troupes soviétiques. Il se réfugie alors à l’ambassade américaine. Un compromis est finalement trouvé et il prend le chemin de l’exil en 1971 et s’installe à Vienne.

Le cardinal Mindszenty eut la confiance de Pie XII et celle de Paul VI. Mais celui-ci, en raison de l’ostpolitik n’ose parler clairement. Il voit en Mindszenty une « victime de l’Histoire » et non du communisme et lui demande finalement de renoncer à sa charge de Primat, en échange de la publication non tronquée de ses Mémoires. Le vieux lion refuse. 

Démis de toutes ses fonctions, il publie un communiqué de presse : 

« le cardinal Mindszenty n’a renoncé ni à sa charge archiépiscopale ni à sa dignité de Primat de Hongrie. La décision a été prise unilatéralement par le Saint-Siège ». 

Ce grand prélat a rendu son âme à Dieu le 6 mai 1975. D’abord inhumée en Autriche, sa dépouille a été rapatriée dans son pays en 1991. Il repose depuis dans sa cathédrale.

Alors qu’il venait d’être nommé archevêque d’Esztergom, le futur cardinal Mindszenty avait expliqué dans son sermon inaugural :

« Là où la loi naturelle et reconnue commence à chavirer, il n’y a qu’un moyen d’arrêter ce chaos moral : approfondir la vie de notre foi ». 

Un avertissement à méditer, aujourd’hui encore. Surtout, aujourd’hui !

La Mère, miroir de Dieu Joseph cardinal Mindszenty

Éditions Parthenon, 312 pages, 15 €

;

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneCulturePatrimoine

« Raconte-moi la France », un voyage épique à travers les siècles 

Focus | Le nouveau spectacle itinérant de Bruno Seillier, Raconte-moi la France, débutera en octobre 2024 à Clermont-Ferrand, avant de poursuivre sa tournée dans toute la France pendant plusieurs années. Un million de spectateurs sont espérés en cinq ans, avec 200 dates d’une tournée programmée dans 17 villes différentes. Raconte-moi la France se déploiera sur plus d’une heure quarante-cinq et mettra en scène plus de 90 comédiens, cavaliers, danseurs et cascadeurs sur le plateau artistique.

+

Raconte-moi la France
ChroniquesCulture

L’exposition : Revoir Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin

La Vierge du Chancelier Rolin de Van Eyck, seul tableau du peintre à être conservé au Louvre, sort tout juste de restauration. Le musée lui consacre jusqu'en juin une exposition exceptionnelle, entouré de six autres œuvres de Van Eyck jamais présentées en France, et pour certaines prêtées pour la première fois. 

+

Revoir Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin
ChroniquesEgliseSpiritualité

Ayons un abandon confiant et total dans l’unique Bon Pasteur

Commentaire du Pape | Lors de la récitation du Regina caeli du 21 avril dernier, le Pape a commenté l’épisode évangélique bien connu du Bon Pasteur, lu la semaine auparavant dans la forme extraordinaire. Cette image du Bon Pasteur est très biblique. L’Ancien Testament peint, à plusieurs reprises, les traits caractéristiques du bon et du mauvais pasteur.

+

bon berger bon pasteur
CultureLectures

Un dernier livre sur Hans et Sophie Scholl, aux racines de leur héroïsme

Recension | Dans un ouvrage paru récemment, Henri Peter expose l’évolution de la réflexion intellectuelle et spirituelle de protagonistes de la Rose blanche, Hans et Sophie Scholl. Dans Sa vie pour la mienne, Julie Grand témoigne six ans après l'attentat islamiste de Trèbes, où le Colonel Arnaud Beltrame a trouvé la mort. La Rédaction de L'Homme Nouveau vous propose une page culture, avec un choix de quelques livres religieux, essais ou CD. Des idées de lecture à retrouver dans le n°1806.

+

livre lecture
CultureLectures

Un deuxième et dernier tome au « Royaume perdu d’Erin »

Recension jeunesse | La rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une page recension de lectures jeunesse pour ces vacances de printemps, avec un choix éclairé de quelques histoires à lire ou faire lire, et autres activités. La saga du Royaume perdu d’Erin d'Anne-Élisabeth d’Orange s'achève sur un deuxième tome intitulé L’Imposteur. À retrouver dans le n°1806.

+

lecture famille tome
CultureLectures

Augusto Del Noce, un penseur pour notre temps

Culture | "Analyse de la déraison", qui vient de paraître en français, permettra-t-il enfin à Augusto Del Noce (1910-1989) d’être reconnu chez nous, comme il l’est en Italie ? Que le lecteur potentiel ne soit pas rebuté par la longueur de cet ouvrage. Il en sera récompensé en découvrant un des penseurs les plus originaux de ce temps.

+

del noce