À Gdansk en Pologne, la mémoire est entretenue

Publié le 18 Mar 2017
À Gdansk en Pologne, la mémoire est entretenue L'Homme Nouveau

Pourquoi parler de la Pologne un an après les JMJ ? Si ce pays est remarqué pour son profond catholicisme (n’est-il pas la terre de sainte Faustine, du saint pape Jean-Paul II, n’a-t-il pas résisté pendant plus de quarante ans au communisme ?), il mérite également d’être mieux connu pour son Histoire et la capacité des Polonais à rebondir, se battre et reconstruire sans cesse.

La Seconde Guerre mondiale revisitée

Côté Histoire, la ville de Gdansk, en Poméranie, et de nombreux historiens ont souhaité offrir au plus grand nombre un nouveau musée, consacré à l’ensemble de la Seconde Guerre mondiale, afin d’inscrire l’expérience de la Pologne dans le contexte mondial et de proposer l’histoire de la guerre vue de l’Europe centrale et non seulement de l’Europe de l’Ouest ou de la Russie. Le projet fut lancé en 2008 et devrait être finalisé dans le cours de cette année.

Sur un terrain offert par la mairie, à proximité du centre-ville afin de permettre aux touristes de s’y rendre facilement mais aussi terrain symbolique puisque entièrement détruit par les Soviétiques en 1945, ce bâtiment contient 5 000 m2 de témoignages, documents, films, objets offerts souvent par des particuliers, rescapés ou descendants des victimes de ce terrible conflit. Débutant avec le Traité de Versailles (alors que les commémoraisons de la Première Guerre mondiale se succèdent ces dernières années, il ne faut pas oublier que ce Traité clôturant celle-ci jeta les prémices de la guerre suivante qui commença en Pologne justement), il relate la montée des diverses idéologies du XXe siècle – communisme, nazisme et fascisme –, avant d’aborder tous les aspects de la Guerre elle-même. Le côté militaire bien sûr, mais également la vie des civils, la peur, la déportation, la résistance, la vie quotidienne,… Salle après salle on découvre cette dernière, non seulement pour les Polonais, mais aussi dans le monde entier. Ce fut là un des souhaits des premiers initiateurs du projet : faire un musée non seulement polonais mais également international. On trouvera donc aussi bien des ordres de mobilisation français que des documents chinois. La reconstitution d’une rue de Gdansk avant la guerre, ou d’un lieu de combat, avec un char (qui dut être mis en place pendant la construction du musée lui-même !) ou un wagon ayant servi au transport des déportés vers les camps de concentration fait entrer de plain-pied dans ces heures tragiques et met en contact avec les faits eux-mêmes.

Aménagé en plus de dix-huit salles, d’abord selon un ordre chronologique, puis thématique, le musée utilise tous les supports de la technologie moderne : vidéos, écrans interactifs… Un projet immense qui, une fois finalisé, méritera la visite. Ce musée complète celui déjà présent sur le lieu de la première attaque de Hitler, la Westerplatte. C’est ici que le 1er septembre 1939, les Polonais tentèrent de résister aux troupes nazies. Pour commémorer ces premiers jours de septembre 1939, un musée fut construit à l’emplacement même du combat.

Ces deux bâtiments consacrés à la Seconde Guerre mondiale enrichissent cette ville de Gdansk qui constitue à elle-même un musée à ciel ouvert. Car dans le passé, l’histoire de Gdansk connut des heures moins sombres, comme en témoigne la richesse de son architecture.

Une ville historique

Terre d’histoire, Gdansk (Danzig pour les Allemands) fut convoitée tour à tour par les Allemands et par les Soviétiques. Située au bord de la Vistule, et proche de la Baltique, elle fut en effet une riche cité commerçante. Sa richesse venait également de l’exploitation de l’ambre déposé sur ses plages. Néron déjà y envoya des messagers pour lui ramener ce précieux minerai. La cité a gardé la trace de ce passé fastueux, avec ses fontaines, ses bâtiments de briques rouges somptueux, les façades magnifiques de ses immeubles, décorées de fresques ou de peintures. Pourtant, bombardée en grande partie par les armées soviétiques à la fin de la guerre, la ville aurait pu rester à l’état de ruine, ou être reconstruite de façon moderne. Il n’en fut rien et la volonté de garder trace de son passé et de transmettre son Histoire a entraîné la reconstruction quasiment à l’identique de tout le centre-ville, depuis les années soixante-dix. On a du mal à imaginer que ces superbes allées commerçantes, places de marché, bordées de façades Renaissance, n’étaient que des gravats. Seules deux ou trois façades avaient résisté aux bombardements. Les Polonais ont montré là leur détermination à transmettre leur riche patrimoine.

Les églises sont à l’honneur dans ce pays catholique

Gdansk malbork

Quant aux églises, grâce à l’œuvre du clergé et des fidèles (ce ne sont pas les autorités communistes qui allaient contribuer à leur reconstruction !), elles ont vu leurs murs remontés également. Souvent en briques rouges elles aussi, l’intérieur plus sobre rassemble les trésors qui ont pu être sauvés des décombres. Un baptistère, de magnifiques peintures, des bas-reliefs,… ont retrouvé leur place. Quelques bâtiments échappèrent heureusement aux bombes, comme le joyau des XIVe-XVe siècles qu’est la basilique Notre-Dame, qui contient une magnifique horloge astronomique de Hans Düringer (XVe siècle). En parcourant la ville de Gdansk et ses alentours, on découvre un peuple fier, armé de la volonté de transmettre son héritage et sa culture à ses héritiers et aux populations qui viendraient sur place.

Cette même volonté a permis également de sauver un des joyaux de cette région : le château teutonique de Malbork.

Les chevaliers Teutoniques (de leur nom entier : hospitaliers de la Sainte Vierge de la Maison allemande à Jérusalem), dont l’Ordre fut fondé lors de la troisième croisade, établirent d’abord leur maison mère à Venise. Mais désireux de s’étendre, ils répondirent à l’appel de Conrad de Mazovie au XIIIe siècle et vinrent s’installer en Poméranie, afin de convertir les populations prussiennes païennes du lieu. Ils couvrirent cette partie de la Pologne de châteaux plus ou moins imposants, le plus important restant celui de Malbork, construit en 1274 et longtemps maison mère de l’Ordre. Il reste peu de châteaux en Poméranie, et celui de Malbork, comme les environs, a souffert également des bombardements soviétiques, les Allemands s’y étant établis pendant la guerre. Mais l’acharnement des Polonais se traduit ici également avec une merveille architecturale reconstruite à l’identique là encore. Constitué à l’origine de trois parties (château bas – disparu entièrement –, moyen et haut) sur 21 hectares, il recevait également le chapitre de l’Ordre, abritait le logement du général de l’Ordre et de nombreux chevaliers ou frères. De grands bâtiments s’imposaient donc et toute une infrastructure afin de pouvoir tenir un siège. Peu à peu, salle après salle ont retrouvé leurs splendeurs et offrent un fabuleux spectacle d’histoire, d’ingéniosité (avec déjà un chauffage par le sol) et de recherche de la beauté (chapelle, voûtes, etc.). Les saintes patronnes de l’Ordre y sont représentées à de nombreuses reprises : sainte Catherine, sainte Barbe, sainte Dorothée et sainte Marguerite. La Vierge y a bien entendu une place prépondérante, avec de superbes fresques ou sculptures.

Enfin, pour revenir au XXe siècle à Gdansk même, comment ne pas évoquer le Centre européen « Solidarnosc » relatant l’histoire de ce mouvement qui vit le jour en cette ville et toute la lutte anti-communiste en Pologne et en Europe ? S’étendant sur 3 000 m2, ce musée présente lui aussi d’émouvants souvenirs, photos, documents, journaux, tableaux, meubles et autres… Les chantiers navals tout proches permettent également une équipée sur les traces de ceux qui se battirent pour la liberté. Cette lutte a trouvé son soutien dans la foi catholique des opposants au communisme, comme en témoigne le rôle important joué par les prêtres de Gdansk.

Une foi qui rayonne à travers tout le pays, de Czestochowa à Cracovie, et qui se concrétise dans des traditions millénaires de processions, dévotions ou autres formes de piété. Un pays donc où culture, arts (de nombreux sites ou monuments sont classés au patrimoine de l’Unesco), religion et fierté se rejoignent pour donner une leçon de foi et de constance exemplaire.

Pour se rendre en Pologne :Office National Polonais de Tourisme, 10, rue Saint-Augustin, 75002 Paris.

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