À Konabé : la Turquie sur les traces des Ottomans

Publié le 09 Oct 2014
À Konabé : la Turquie sur les traces des Ottomans L'Homme Nouveau

Nous assistons actuellement à la mise à mort par l’État islamique de la ville kurde de Kobané. La Turquie n’a rien fait et va pouvoir rétablir une sorte de protectorat sur le nord de la Syrie. Analyse.

Le retour du protectorat turc

Les pressions actuelles autour de Konabé sont en train d’aboutir, sans que la Turquie ait lévé le petit doigt, à ce qu’elle pouvait espérer de mieux : la création de zones-tampons sur sa frontière méridionale. Alors qu’Ankara n’a cessé depuis 2011 de souffler le chaud et le froid sur la Syrie et le Kurdistan irakien, voici que l’ONU, les États-Unis et la France s’apprêtent à la récompenser en lui offrant ce qui deviendra, à terme, un protectorat turc sur le nord de la Syrie.

Dès le départ de la crise syrienne, la Turquie a appuyé la rébellion contre al-Assad, car ce soutien renvoyait à une stratégie d’influence visant à reconquérir les marges méridionales ayant jadis fait partie de l’Empire ottoman et perdues en 1920. La formation des troupes de l’ASL par des officiers turcs et l’hébergement de leur base principale à Hatay fut aussi une réponse au soutien inconditionnel de Damas au PKK, le parti indépendantiste kurde. Malgré l’amélioration des relations entre Ankara et le PKK depuis 2012, la fragilisation du monde kurde reste un objectif pour la Turquie afin de préserver l’intégrité de son espace national.

Une pose

En accueillant les réfugiés kurdes menacés par l’EI, le Président Erdogan prend la pose d’homme providentiel en faveur de populations que la Turquie a toujours voulu maintenir sous dépendance. De fait, la stratégie autonomiste kurde est des plus dangereuses pour Ankara, qui a joué la carte salafiste en Syrie contre cette menace. La Turquie depuis 2011 a servi de plateforme logistique à tous les trafics et déplacements d’armes, de liquidités et de recrues qui ont permis à al-Nosra et à Daesh de se renforcer sur place. Le pouvoir avait intérêt à maintenir la porosité de ses frontières, puisque la Turquie sunnite et rigoriste profitait des trafics et favorisait la fragilisation de la Syrie pro-shiite, tenue par al-Assad, l’ennemi de toujours.

Intelligence avec l’ennemi ?

En septembre 2014, les prises de position de la Turquie ont, semble-t-il, donné raison aux observateurs qui accusaient le pays d’intelligence avec l’État islamique. Malgré les énormes pressions des États-Unis et de l’OTAN, Ankara annonça sans justification ne pas participer aux opérations contre l’État islamique. Puis au début du mois d’octobre, l’avancée djihadiste sur Konabé a contraint Erdogan à faire un geste de bonne volonté. Contre un engagement de pure forme contre Daesh, la Turquie va obtenir des zones-tampons dans lesquelles elle pourra faire progresser librement ses troupes. À terme, le pouvoir central syrien – même s’il redevenait légitime – ne sera plus en mesure de récupérer ces territoires. Ankara retrouve ainsi ses ambitions ottomanes…

Ce contenu pourrait vous intéresser

International

Emmanuel Macron en Afrique : une tournée présidentielle sous tension

Les 1er et 2 mars, à Libreville (Gabon), Emmanuel Macron participait à un sommet qui avait l’ambition d’offrir « des solutions concrètes » en matière de conservation des forêts et de dérèglement climatique. C’était le « One Forest Summit », un peu décalé par rapport aux réalités de la région, mais qui va remplir son office de « pompe à fric » sous forme de subventions diverses et de reversements de taxes carbone. 

+

1780 Chev Emmanuel Macron 2017 05 29 cropped emmanuel macron
International

Ballon espion : la Chine fait des bulles

rier, un ballon est signalé dans le ciel américain. Il est abattu par l’armée le 4 dans les eaux territoriales. Puis le 10 février, des avions de chasse F22 descendent un objet volant près des côtes de l’Alaska. Le 11, le Canada demande aux États-Unis d’intervenir pour faire feu sur un autre engin au-dessus du Yukon. Enfin, le 12, c’est à la verticale du Michigan (États-Unis) qu’un nouvel engin est abattu.

Le 8, Washington accusait la Chine de lancer « une flotte de ballons destinés à des opérations d’espionnage » à travers le monde. Étions-nous à la veille d’un nouveau conflit diplomatique ?

Très vite, Pékin s’avouait le propriétaire du premier ballon et déclarait que ce dernier transportait des équipements pour recueillir « principalement » des données météorologiques. On retiendra que « principalement » ne veut pas dire exclusivement. Même si les Chinois affirment que leur aérostat était sorti involontairement de sa trajectoire, les Américains s’inquiétaient d’autant plus qu’il était passé au-dessus du Montana où sont implantés leurs missiles nucléaires.

La suite nous en dira sans doute plus puisque l’aéronef a été récupéré pour analyse. Néanmoins, on sait déjà que sa charge était plus importante que celle d’un ballon météorologique normal. D’autre part, la nacelle était équipée d’un système de guidage qui rend peu crédible la thèse d’un écart involontaire de trajectoire.

La Chine n’en a pas moins répliqué avec fermeté : en exprimant « son fort mécontentement, elle proteste contre l’utilisation de la force par les États-Unis ».

Cependant, le mystère reste entier pour les trois autres engins volants non identifiés. Pékin n’en reconnaît pas la paternité et Joe Biden lui-même a déclaré : « Ces trois objets sont vraisemblablement liés à des entreprises privées, à des activités de loisirs ou à des institutions de recherche. » Peut-être, mais personne n’a élevé la voix pour se plaindre ou signaler la destruction de son ou de ses équipements. Ensuite, le président des États-Unis a donné un peu vite une explication logique et possible à ce mystère.

Mieux, il cherche à rassurer, disant qu’il n’y a pas une soudaine augmentation d’objets volants dans le ciel américain mais une meilleure capacité à les détecter avec les radars. Au point que l’on se demande s’il ne couvre pas autre chose. Dans son registre, le général Glen VanHerck, patron des forces aérospatiales américaines, en rajoutait. À une question sur un possible envoi d’OVNI par des extraterrestres, il répondait « n’avoir rien écarté à ce stade ». La Maison Blanche s’est vue obligée de démentir cette hypothèse.

La question se pose : l’armée américaine aurait-elle détruit le matériel d’expériences secrètes plutôt que de les révéler au public ? Ce ne serait pas la première fois, en raison du cloisonnement des informations sur de telles opérations. Un autre détail pourrait aller dans ce sens pour les trois autres aéronefs : alors que les restes du premier ont été retrouvés, l’armée américaine a déclaré ses recherches infructueuses pour les trois autres.

Reste à s’interroger sur la légitimité, en termes de droit, du survol d’un territoire par des ballons d’un pays tiers et, non moins important, de leur destruction par le pays survolé. Chaque État jouit de « la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire », selon les règles de l’aviation civile. Les appareils civils sont libres de circuler, mais les appareils militaires peuvent être interceptés. Et s’il s’agit d’un appareil espion qui se donne une apparence civile ?

Néanmoins, et c’est un autre problème, selon Pékin, depuis l’année dernière, « des ballons américains ont survolé la Chine à au moins dix reprises ». Le hiatus est sans doute là : Washington n’accepte pas qu’on lui renvoie la politesse.

+

shutterstock 2261623275 emmanuel macron
International

Isabelle la Catholique sera-t-elle bientôt béatifiée ?

Poursuivie avec son époux Ferdinand par une tenace légende noire, la reine Isabelle la Catholique a malgré tout été déclarée « servante de Dieu » par Paul VI en 1974. Et le processus de béatification est en cours. Explications avec Don José Luis  Rubio Willen le président de la Commission pour la béatification de la souveraine.

+

1778 IsabellaofCastile03 emmanuel macron
International

Syrie, Turquie : où est l’humanité ?

Le 6 février, en pleine nuit, à 4 heures 17, un séisme éclatait en Turquie et en Syrie. D’une magnitude de 7,8, son épicentre se situait dans la région de la ville turque de Gaziantep, non loin de la frontière syrienne.

+

1778 Chev Gaziantep Castle emmanuel macron