Après saint Paul, le Pape invite à la conversion

Publié le 03 Fév 2016
Après saint Paul, le Pape invite à la conversion L'Homme Nouveau

Quand saint Paul songe à ce coup d’éclat que Dieu réalisa pour lui sur le chemin de Damas, il ne peut s’empêcher de se confondre humblement dans l’action de grâce. Il y revient souvent dans des textes majeurs cités par le Pape François, auxquels il faudrait ajouter le premier chapitre de l’Épître aux Galates non cité par le Pape. À Damas, la Providence attendait ce persécuteur acharné des « sectateurs de la voie ». Le Christ va bouleverser et changer du tout au tout sa vie. Non seulement il croit désormais au Christ et le reconnaît comme Seigneur, c’est-à-dire Dieu, mais encore sa vision de l’Église change totalement et radicalement. D’objet de persécution implacable qu’elle était, elle devient Mater et Magistra, Mère et Maîtresse. Ce coup d’éclat de la grâce divine, fut, pour saint Paul, non seulement une conversion dans tous les sens du terme, mais plus encore une Révélation, ou mieux sa Pentecôte. Avec le Pape, on n’exagérera jamais assez l’importance de cet événement décisif non seulement pour l’Église primitive, mais encore pour l’Église de tous les temps. Saint Paul partait pour persécuter des chrétiens, et c’est le Christ lui-même qui lui apparaît en gloire et lui dit : « Je suis Jésus que tu persécutes ». Comment cela se peut-il ? Saint Paul a immédiatement saisi les raisons profondes d’un tel paradoxe : « quand on touche son Église, c’est Jésus qu’on touche, car l’Église est le Christ total ». Dès Damas, toute la théologie paulinienne est formulée dans sa quintessence.

Colonne de l’Église

Celui qui se considère comme le moindre des Apôtres, « l’avorton », est devenu avec saint Pierre l’une des colonnes de l’Église. Cela aurait pu l’inviter à une auto-satisfaction personnelle, mais non ! Saint Paul sait, comme le souligne le Pape, qu’il doit tout à la grâce de Dieu qui en aucun cas ne s’est appuyé, pour en faire son apôtre, sur des qualités humaines, mais bien sur sa propre miséricorde. C’est une grande leçon note le Pape, non seulement pour l’Église du temps de saint Pierre et pour l’Église de tous les temps, mais aussi pour chacun de nous en particulier, car chacun de nous peut poser la question au Seigneur : Pourquoi, Seigneur, m’avez-vous choisi personnellement ? Et la réponse sera toujours la même : par pure miséricorde. De cette miséricorde nous devons tous, à l’instar de saint Paul, devenir des missionnaires. Le Pape compte beaucoup sur cette année jubilaire. Tâchons de ne pas le décevoir. Et cette miséricorde, le Pape voudrait aussi qu’elle s’exerce à l’endroit de « nos frères séparés ». Depuis plus d’un siècle, la semaine pour l’unité des chrétiens se clôt précisément en cette fête de la conversion de saint Paul. Mais prenons conscience qu’en ce domaine aussi, nous ne pouvons rien sans la miséricorde divine. Pour être authentique et fructueuse, la recherche de l’unité doit être une vraie conversion et cela ne se pourra que par la miséricorde de Dieu qui nous invitera au pardon dans la vérité. On ne pourra certes jamais revenir sur le passé, mais, par le pardon fruit de la miséricorde, on pourra reprendre des relations communes, mais toujours dans la vérité, en laissant agir l’Esprit Saint. L’unité véritable ne peut s’obtenir que par un don de la miséricorde. Notre fidélité et notre générosité ne peuvent rien par elles-mêmes sans la grâce. Et le Pape termine en insistant sur l’œcuménisme du sang, qui se réalise de nos jours dans beaucoup de parties du monde, spécialement au Moyen Orient, où le sang des martyrs, par l’intercession de leur Reine, est devenu à nouveau semence de chrétiens.

L’homélie du Pape

« Je suis le plus petit des apôtres (…) puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et la grâce dont il m’a comblé n’a pas été stérile » (1 Cor 15,9-10). C’est ainsi que l’apôtre Paul résume la signification de sa conversion. S’étant produite après la rencontre fulgurante avec Jésus ressuscité (cf. 1 Cor 9,1), sur la route qui va de Jérusalem à Damas, cette conversion n’est pas avant tout un changement moral, mais une expérience transformante de la grâce du Christ et en même temps l’appel à une nouvelle mission, celle d’annoncer à tous ce Jésus qu’il persécutait auparavant, en persécutant ses disciples. À ce moment-là, en effet, Paul comprend qu’entre le Christ vivant dans l’éternité et ses disciples, il existe une union réelle et transcendante : Jésus vit, il est présent en eux et eux vivent en lui. Sa vocation à être apôtre se fonde non sur les mérites humains de Paul, qui se considère comme « infime » et « indigne », mais sur la bonté infinie de Dieu, qui l’a choisi et lui a confié ce ministère.

Saint Paul témoigne aussi d’une compréhension similaire de ce qui s’est produit sur le chemin de Damas, dans la première Lettre à Timothée : « Je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance lorsqu’il m’a chargé du ministère, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent. Mais il m’a été fait miséricorde, car j’avais agi par ignorance, n’ayant pas encore la foi ; la grâce de notre Seigneur a été encore plus abondante, avec elle la foi, et avec l’amour qui est dans le Christ Jésus » (1 Tim 12-14). La surabondante miséricorde de Dieu est la seule raison sur laquelle se fonde le ministère de Paul et elle est, en même temps, ce que l’apôtre doit annoncer à tous.

Pourquoi moi ?

L’expérience de saint Paul est semblable à celle des communautés auxquelles l’apôtre Pierre adresse sa première Lettre. Saint Pierre s’adresse aux membres de communautés petites et fragiles, exposées à la menace de la persécution, et il leur applique les titres glorieux attribués au peuple saint de Dieu : « une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut » (1 P 2,9). Pour ces premiers chrétiens, comme aujourd’hui pour nous tous, qui sommes baptisés, c’est un motif de réconfort et d’étonnement constant de savoir que nous avons été choisis pour faire partie du dessein de salut de Dieu, réalisé en Jésus-Christ et dans l’Église. « Pourquoi moi précisément, Seigneur ? » ; « pourquoi nous, précisément ? ». Nous touchons ici le mystère de la miséricorde et du choix de Dieu : le Père aime tous les hommes et veut tous les sauver, et pour cela, il en appelle quelques-uns, « en les conquérant » par sa grâce pour qu’à travers eux, son amour puisse rejoindre tous les hommes. La mission du peuple tout entier de Dieu est d’annoncer les merveilles du Seigneur et, première entre toutes, le mystère pascal du Christ, par lequel nous sommes passés des ténèbres du péché et de la mort à la splendeur de sa vie, nouvelle et éternelle (cf. 1 P 2,10).

À la lumière de la Parole de Dieu que nous avons entendue, et qui nous a guidés pendant cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous pouvons vraiment dire que, nous tous qui croyons dans le Christ, nous sommes « appelés à proclamer les hauts faits de Dieu » (cf. 1 P 2,9). Au-delà des différences qui nous séparent encore, reconnaissons avec joie qu’à l’origine de la vie chrétienne, il y a toujours un appel dont l’auteur est Dieu lui-même. Nous pouvons progresser sur le chemin de la pleine communion visible entre les chrétiens, non seulement quand nous nous approchons les uns des autres, mais surtout dans la mesure où nous nous convertissons au Seigneur qui, par sa grâce, nous choisit et nous appelle à être ses disciples. Et se convertir signifie laisser le Seigneur vivre et agir en nous. Pour cette raison, quand les chrétiens de différentes Églises écoutent ensemble la Parole de Dieu en cherchant à la mettre en pratique, ils font vraiment des pas importants vers l’unité. Et ce n’est pas seulement l’appel qui nous unit ; c’est aussi la même mission qui nous rapproche : proclamer les hauts faits de Dieu. Comme saint Paul, et comme les fidèles à qui écrit saint Pierre, nous non plus, nous ne pouvons pas ne pas annoncer l’amour miséricordieux qui nous a conquis et transformés.

Tandis que nous sommes en chemin vers la pleine communion entre nous, nous pouvons déjà développer de multiples formes de collaboration, nous mettre ensemble et collaborer pour favoriser la diffusion de l’Évangile. Et en cheminant et en travaillant ensemble, nous nous rendons compte que nous sommes déjà unis au nom du Seigneur. L’unité se fait en chemin.

L’unité des chrétiens

En cette Année jubilaire extraordinaire de la miséricorde, gardons bien à l’esprit qu’il ne peut exister de recherche authentique de l’unité des chrétiens sans une totale remise de soi à la miséricorde du Père. Demandons pardon avant tout pour le péché de nos divisions, qui sont une blessure ouverte dans le Corps du Christ. Comme évêque de Rome et pasteur de l’Église catholique, je veux invoquer la miséricorde et le pardon pour les comportements non évangéliques de la part de catholiques à l’égard de chrétiens d’autres Églises. En même temps, j’invite tous mes frères et sœurs catholiques à pardonner si, aujourd’hui ou dans le passé, ils ont subi des offenses de la part d’autres chrétiens. Nous ne pouvons pas effacer ce qui a été, mais nous ne voulons pas permettre que le poids des fautes passées continue de polluer nos rapports. La miséricorde de Dieu renouvellera nos relations.

Dans ce climat de prière intense, je salue fraternellement Son Éminence le Métropolite Gennadios, représentant du patriarcat œcuménique, Sa Grâce David Moxon, représentant personnel à Rome de l’archevêque de Canterbury, et tous les représentants des différentes Églises et communautés ecclésiales de Rome qui sont venus ici ce soir. Avec eux, nous sommes passé par la Porte Sainte de cette basilique, pour rappeler que l’unique porte qui nous conduit au salut est Jésus-Christ notre Seigneur, visage miséricordieux du Père. J’adresse un salut cordial aussi aux jeunes orthodoxes et orthodoxes orientaux qui étudient ici, à Rome, avec le soutien du Comité de collaboration culturelle avec les Églises orthodoxes, qui travaille au sein du Conseil pour la promotion de l’unité des chrétiens, ainsi qu’aux étudiants de l’Institut œcuménique de Bossey en visite ici, à Rome, pour approfondir leur connaissance de l’Église catholique.

Chers frères et sœurs, unissons-nous à la prière que Jésus-Christ a adressée à son Père : « qu’ils soient un (…) pour que le monde croie » (Jn 17,21). L’unité est le don de la miséricorde de Dieu Père. Ici, devant la tombe de saint Paul, apôtre et martyr, gardée dans cette splendide basilique, nous sentons que notre humble demande est soutenue par l’intercession de la multitude des martyrs chrétiens d’hier et d’aujourd’hui. Il ont répondu avec générosité à l’appel du Seigneur, ils ont donné un témoignage fidèle, par leur vie, des hauts faits que Dieu a accomplis pour nous, et ils font déjà l’expérience de la pleine communion en présence de Dieu notre Père. Soutenus par leur exemple – cet exemple qui réalise précisément l’œcuménisme du sang – et réconfortés par leur intercession, adressons à Dieu notre humble prière.

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