Exemple de « contrôle social » actuellement à l’œuvre, la gestion de l’épidémie par l’État français. Auteur d’un essai sur le sujet, Mathieu Laine répond aux questions du Point (21 janvier).
La pandémie a été le révélateur d’un phénomène préoccupant : notre infantilisation croissante et notre addiction à l’État nounou. Dans mon livre, je tente de penser ce que nous avons vécu en partant de la manière dont on nous a traités, dont on nous a parlé, « aux papis et aux mamies » comme aux « jeunes » injustement pointés du doigt, et à nous tous, considérés en creux comme « incapables », « irresponsables » ou « non essentiels ». En donnant tout pouvoir à la technocratie sanitaire, on a modifié jusqu’à notre langue en usant de ces formules dont font usage certains soignants : « Il a bien pris son cachet ? », « Il s’est bien lavé les mains ? ». Aux « Deux minutes de la haine » du Télécran orwellien ont succédé les « 24 heures du Bien » au temps d’une pandémie qui aura davantage été gérée malgré nous qu’avec nous. (…)
La critique politicienne ne m’intéresse pas. D’ailleurs, si Xavier Bertrand, Anne Hidalgo ou Marine Le Pen avaient été à l’Élysée, cela se serait globalement passé de la même manière, voire pire. Pourquoi ? C’est cela qui m’importe. Parce que depuis trop longtemps, le vrai patron, c’est l’État nounou et sa bureaucratie asphyxiante. La pandémie lui a offert son heure de gloire : l’hygiénisme, la préférence pour le public au détriment du privé, le désir de contrôler, le centralisme décisionnaire et l’idéologie de la précaution ont, avec l’épée de Damoclès d’une responsabilité pénale tétanisant les dirigeants, aggravé ce rapport devenu malade entre l’État et le citoyen. Ces maux doivent être traités directement, pas à coups de dégagisme. Car l’infantilisation est de tous les partis. Après le « en même temps » et le « quoi qu’il en coûte », doit venir le temps de « l’État enchaîné » et du désenchaînement des citoyens. (…)
Comme un virus contre lequel on ne chercherait pas de vaccin, l’infantilisation se déploie en nous depuis des décennies, et peut-être même plus. J’en donne de nombreux exemples, et des plus étonnants, sans aucun rapport avec l’épidémie. Toutes les activités de nos vies sont touchées. Tocqueville y a consacré des pages sublimes en décrivant un souverain réduisant « chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger ». La croissance de l’État nounou, toujours plus moraliste, égalitariste et accusateur, fait de nous des engourdis, des râleurs insatisfaits, des geignards dépendants qui, au moindre problème, se tournent vers l’État. Pour beaucoup, cette servitude est volontaire : non seulement on consent, mais on en redemande.