C’est le titre d’une tribune libre publiée par Valeurs actuelles (28 octobre 2021) et signée par Christophe Boutin, professeur de droit. Dans son viseur ? Les aides de l’État dont le dernier avatar est le « chèque inflation ».
Comme d’habitude, la réponse du gouvernement face à la flambée des prix n’est pas l’augmentation des salaires ou la diminution des taxes mais l’instauration d’une nouvelle aide ciblée. Le “chèque inflation” a vu le jour après le “chèque énergie”, et tant d’autres aides de ce type existent qu’il est plus que temps de s’interroger sur les effets délétères de cette politique.
Elle est, d’abord, ouvertement électoraliste, et l’on appréciera l’aveu de Bruno Le Maire : « Un centime de baisse sur le litre de carburant représente un demi-milliard d’euros, donc c’est très coûteux pour un résultat que les Français ne verront pas. Il vaut mieux préférer l’option du chèque carburant. » On se crée ainsi une clientèle d’obligés.
Cette politique évite ensuite de se poser la question d’une réduction du gouffre des finances publiques autrement que par la pression fiscale, puisque l’on se refuse à baisser le taux des taxes. On préserve ainsi les revenus de l’État, mais aussi les marges des compagnies – le prix de vente restant le même. Mieux, certaines aides servent les entreprises autant que ces travailleurs que l’on aide à se rendre à leur poste. On libère ainsi une force de travail à moindre coût, transférant sur les contribuables le soin de financer l’indispensable complément à ce “juste salaire” qui n’est pas versé par l’employeur.
On parle pourtant de justice sociale : l’attribution des divers “chèques” dépendant souvent d’un plafond de ressources, les “ménages les plus modestes” peuvent ainsi se chauffer ou rouler. On s’en félicitera, mais en notant que l’augmentation du salaire desdites catégories pouvait permettre le même résultat. On préfère maintenir ainsi une catégorie toujours plus grande de la population dans un assistanat “guidé” : car ces aides, certes, augmentent le pouvoir d’achat, mais interdisent de choisir quoi faire de cet argent – c’est d’ailleurs aussi le cas pour les entreprises, avec le “chèque numérique”.
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Mais une pratique qui permet de mettre un système sous perfusion et des populations sous tutelle – les transformant en ce « troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger » que décrivait Tocqueville — n’est sans doute pas près d’être écartée.