Difficile à admettre, alors que l’information circule depuis longtemps déjà : la pilule contraceptive a des effets nocifs. On en reparle aujourd’hui dans le contexte des vaccins contre la Covid-19. Un sujet dont Marianne (15 avril 2021) se fait l’écho.
L’hypothèse est à première vue surprenante. Faisant la tournée des médias américains pour expliquer les causes de la suspension temporaire du sérum Johnson & Johnson, Anthony Fauci, le conseiller pour la Santé publique de la Maison Blanche, a expliqué que la piste d’un lien avec la pilule contraceptive pour expliquer l’apparition de thrombose n’était pas à exclure.
Aux États-Unis, des cas de thromboses ont été détectés sur six femmes, âgées de 18 à 48 ans. Interrogé par un journaliste de la chaîne américaine CBC News, le conseiller du président Joe Biden a ainsi indiqué ce mardi 13 avril que « l’aspect hormonal est l’une des choses sur lesquelles nous voulons enquêter ». Et de préciser : « Des phénomènes similaires se produisent parfois pendant une grossesse. Des anomalies de la coagulation sont connues chez les femmes qui prennent des pilules contraceptives, donc il pourrait certainement y avoir un aspect hormonal à cela ».
Les gynécologues contactés par Marianne n’excluent pas non plus que la pilule puisse être « un facteur de risque rare face à la vaccination », même s’ils restent prudents face au manque évident de données. « Lorsqu’un patient tombe malade du Covid, on sait désormais que son système immunitaire va se retrouver dans un état inflammatoire chronique qui favorise le risque de thrombose », précise Geoffroy Robin, maître de conférences des universités au CHRU de Lille et secrétaire générale pour la gynécologie médicale du CNGOF. Autrement dit, un malade du Covid a plus de risque de développer une thrombose. « Or, la pilule elle-même augmente de façon faible le risque de thrombose chez la femme. Quand on associe ces deux facteurs ensemble, on ne sait pas s’ils vont se sublimer ou s’aggraver », poursuit le gynécologue Lillois.
Une thèse qui laisse tout de même perplexe Luc Moraglia, vice-président de la société française de phlébologie. Les thromboses induites par AstraZeneca et Johnson & Johnson ne sont en effet pas les mêmes que celles généralement développées par des femmes sous traitement hormonal. (…)
Il n’empêche que l’usage d’une pilule contraceptive est associé à un plus grand risque d’accident thromboembolique (c’est-à-dire à la formation de caillots sanguins dans les veines ou les artères). « C’est prouvé depuis sa création », signale Marie-Laure Brival, gynécologue obstétricienne en région parisienne. « Et le risque grandit avec la pilule de 3e et 4e générations, dite pilule œstroprogestative (un combiné de deux hormones : l’œstrogène et la progestérone, N.D.L.R) ».
D’après un rapport publié en 2013 par l’Agence nationale de santé du médicament (ANSM), les pilules contraceptives ont causé 2 529 accidents thromboemboliques veineux et vingt décès de femmes en moyenne par an. Une majorité (1 751 accidents thromboemboliques et quatorze décès) était attribuable aux pilules de troisième et de quatrième génération. « Ces chiffres remontent à 2013 parce qu’il n’y a plus eu d’étude depuis », regrette Yves Géry, journaliste qui enquête depuis plusieurs années sur la pilule.