Pour lutter contre les convois de la liberté, Justin Trudeau n’hésite pas à réactiver d’anciennes lois. Dans Le Point (24 février 2022), Laetitia Strauch-Bonart y voit une trahison du libéralisme. Mais un constat s’impose : tous les pays libéraux ont pris des mesures approchantes.
Provoqués par le refus des routiers de l’obligation d’être vaccinés pour passer la frontière entre les États-Unis et le Canada, les convois de la liberté canadiens viennent d’être délogés par la police après plusieurs semaines de blocage. Or la méthode employée par le Premier ministre du pays, Justin Trudeau, semble peu conforme à l’image qu’il s’est savamment construite d’homme politique libéral. Le 14 février, le gouvernement fédéral a invoqué une loi vieille de trente-quatre ans permettant le recours à des mesures d’urgence pour faire face aux blocages et aux occupations. Actionnable en cas de « crise nationale », elle permet notamment de déclarer que ceux-ci sont illégaux et de geler les comptes en banque des protestataires. On peut s’étonner d’un tel déploiement de force, alors que la police canadienne dispose déjà de larges pouvoirs pour maintenir l’ordre. Est-ce parce que l’enjeu du conflit est ailleurs ? On peut le présumer : cette opposition résonne avec une incompréhension plus générale dominant la vie canadienne entre les progressistes, d’une part, et les conservateurs et les populistes, d’autre part. Pour preuve, Trudeau n’a pas fait de ces blocages une question d’ordre public, mais de liberté d’expression, comme si la simple démonstration d’un désaccord politique suffisait à exclure du « cercle de la raison » les routiers en colère.
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Cette réponse est d’autant plus regrettable que, comme le note The Economist, le gouvernement canadien envisage à l’heure actuelle deux modifications inquiétantes des lois – déjà peu libérales – sur les « discours de haine ». L’une d’elles permettrait au Tribunal canadien des droits de la personne d’imposer de lourdes amendes à ceux qu’il jugerait avoir utilisé un « langage haineux ».
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L’autre altération proposée permettrait aux individus de porter plainte contre des personnes à titre préventif, s’ils craignent que celles-ci soient sur le point de tenir des « propos haineux ». Loin d’être des anomalies, ces audaces légales évoquant Minority Report s’inscrivent dans un contexte social où la liberté d’expression est, pour le moins, malmenée.