Finalement, il est toujours fécond le ventre de la bête immonde marxiste et communiste, comme le montre Thierry Wolton dans une tribune libre publiée dans le Figaro (17 juin) :
Les scènes auxquelles nous assistons dans le sillage du « Black Lives Matter » aux États-Unis, en Grande- Bretagne, en France, comme un peu partout en Europe, pour solder une histoire accusée d’être « raciste » ne sont pas sans rappeler des aveuglements de sinistre mémoire. Du passé faisons table rase ! Cette injonction célèbre de L’Internationale, le chant révolutionnaire né à l’époque de la Commune de Paris de 1871, peut être lourde de conséquences. Tourner la page d’hier, croire que l’on peut repartir de zéro pour bâtir un monde nouveau, forcément meilleur, est une tentation pour chaque génération, convaincue qu’elle peut faire mieux que ses prédécesseurs, que l’avenir lui appartient. Cette espérance, qui fait des vies de chacun un point de départ toujours renouvelé, peut néanmoins tourner au cauchemar si elle devient un impératif, destiné non plus à ouvrir les chemins de l’avenir mais à démolir systématiquement ce qui s’est fait auparavant, à renier l’histoire constitutive de ce que l’on est présentement. Faire du passé table rase au risque de l’amnésie ouvre la porte aux manipulations, faute de repères dans le temps. Toutes proportions gardées, et dans un contexte politique radicalement différent, la volonté destructrice du passé à laquelle nous assistons fait penser à la Chine maoïste des années 1960-1970 lorsque des cohortes de Gardes rouges s’en prenaient aux symboles de l’histoire. Certes, ces foules étaient téléguidées par un Mao à la reconquête d’un pouvoir qui lui avait été contesté après la gigantesque catastrophe du « Grand Bond en avant » (de 30 à 50 millions de morts selon les estimations) dont il était responsable. Certes, les violences des manifestants actuels ne peuvent naturellement pas être assimilées à celles des jeunes excités Chinois qui agitaient leur petit Livre rouge en s’en prenant aux élites cultivées, coupables d’incarner le monde ancien, allant jusqu’à les mettre à mort, suivi de bacchanales où le foie du supplicié pouvait être mangé. Il n’empêche, la mise au pilori d’intellectuels, d’universitaires, aux États-Unis et ailleurs, qui ne se plient pas à la nouvelle doxa sur l’antiracisme, l’anticolonialisme, voire l’antisexiste, participe du même désir d’exclusion, de destruction, non de l’être mais de l’esprit, que complètent d’absurdes censures.
Dans Le Journal de Montréal (17 juin), Mathieu Bock-Côté revient sur les statues renversées :
Depuis quelques semaines, ils ont vu leur statue renversée ou vandalisée. Pourquoi ? Parce qu’on les accuse, d’une manière ou d’une autre, d’avoir versé dans le racisme. C’est désormais le seul critère à partir duquel on se penche sur leur action historique. Le jugement est final, la sanction est définitive, il faut les débouter, les chasser de l’espace public. Il vaudrait la peine de revenir sur chacun d’entre eux. (…) Christophe Colomb est le découvreur de l’Amérique. Il incarne l’intrépidité d’une civilisation qui partait à la conquête du monde. Ce n’était pas un saint, mais il va de soi que lorsqu’on le célèbre, c’est l’esprit des grandes découvertes que l’on chante. À moins qu’on ne criminalise les origines mêmes de l’expansion européenne, on ne saurait le liquider. Quand nous arrivons à Jules César, cela devient tout simplement loufoque. À travers cela, nous assistons à une montée de la haine de soi. Il ne faut pas sous-estimer les effets de la déculturation historique. Certains militants ne voient plus l’histoire qu’à travers des catégories moralisatrices. Ils plaquent sur le passé de l’humanité les catégories du présent et versent dans l’anachronisme. Lorsque les connaissances historiques disparaissent, et lorsque la capacité de distinguer les époques s’efface, on devient aisément victime de toutes les manipulations idéologiques. L’histoire devient incompréhensible dans sa complexité. Les déboulonneurs oublient que toutes les civilisations ont pratiqué d’une manière ou d’une autre l’esclavage. Ce qui distingue la civilisation occidentale, c’est de l’avoir aboli.
Pour consulter nos précèdentes publications, voir :
Au quotidien n°53 (du numéro 24 au numéro 53)
Au quotidien n°23 (du numéro 1 au n° 23)