Voilà deux personnalités bien différentes, mais éprises l’une et l’autre d’absolu, qui se rencontrent le 28 juillet 1988 dans les jardins de Castel Gandolfo à l’occasion de la représentation privée offerte au Saint-Père du Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc de Charles Péguy par la Comédie-Française. Antoine Vitez venait d’être nommé Administrateur général de ce premier théâtre national de France.
À l’issue de la représentation, contrairement aux usages habituels, le pape s’attarda longuement avec ses hôtes, entamant avec eux de longues conversations sur le spectacle, la théologie de Péguy, l’art dramatique… Ces nombreuses réflexions, quand on connaît la passion du Saint-Père pour le théâtre, furent enregistrées par Jean-Philippe Mestre, romancier et grand reporter au Progrès de Lyon. De là lui vint l’idée de sertir le dialogue spécifique entre Vitez et le Pape, d’en imaginer un virtuel dialogue parsemé d’authentiques paroles des deux protagonistes mais recomposé à sa façon pour aborder une diversité de sujets dont le principal demeure le théâtre et la vocation de l’acteur, mais aussi la question du pouvoir, le communisme, la science et la foi, l’Église et même l’Inquisition. Le résultat qui crée un spectacle hors du commun est passionnant.
La puissance du verbe
Il n’y a pas une once de fioretti dans ce spectacle qui voit s’affronter par la seule puissance du verbe deux excellents comédiens, Bernard Lanneau (Jean-Paul II) et Michel Bompoil (Antoine Vitez). Les idées se font chair, portées par la force de l’irascible de ces deux bretteurs du verbe sans concession aucune, mais profondément respectueux l’un de l’autre. Le dialogue atteint sa quintessence. Ils ne sont pratiquement d’accord sur rien à l’exception de leur vue commune sur le théâtre, mais la passion de la vérité unit ces deux hommes que tout oppose. Il s’en dégage une très belle leçon d’humanité. Un spectacle à ne pas manquer.
Théâtre la Bruyère, 5, rue la Bruyère, Paris IXe. Du mardi au vendredi à 19 h, matinée samedi à 18 h. Rés. : 01 48 74 76 99.