C’est à une pédagogie de l’émerveillement que nous convie Pascal Amoyel à travers sa rencontre de Franz Liszt à 11 ans. À cet âge où ce que l’on apprend se fait d’abord par imitation, avant de pouvoir comprendre ce que l’on a imité, Pascal absorbe, entre dans la musique de celui qu’il admire en suivant les traces de son maître Cziffra, dont le professeur avait été lui-même élève de Liszt. Le génie propre à chaque talent n’émerge pas sur un sol vierge, mais sur un sol labouré, travaillé et embelli par les générations qui en ont fait leur demeure. Cette soirée qui n’est pas réservée aux virtuoses de la musique mais qui donne à entendre l’âme d’un musicien nous fait entrer en participation à cette demeure en y écoutant Jean Sébastien Bach, Mozart, Czerny qui fut le professeur de Liszt, Beethoven, Chopin et Amoyel improvisant. Il y a là comme une sorte d’itinéraire de vie intérieure nous mettant chacun en résonance avec notre propre intériorité. Cet itinéraire est à son acmé dans ces deux pièces sublimes que sont La légende de saint François de Paule marchant sur les flots et cette pièce de la fin de vie de Liszt, Chant du berceau. La musique est un mystère et elle ne doit pas être empêchée, comme le suggérait si fort le « daïmon » qui inspirait Socrate. Elle nous fait traverser tout ce qui se passe en nous au cœur de ce lien harmonieux du ciel et de la terre. Elle est le chantre de l’unité au milieu de l’éclatement de ce monde. Ce spectacle a aussi des vertus thérapeutiques. Remarquablement mis en scène par Christian Fromont, simplement et sobrement, avec de très beaux éclairages de Philippe Séon, il ne faut pas manquer un rendez-vous d’une telle qualité. On en sort grandi !
Théâtre Ranelagh, 5, rue des Vignes, Paris XVIe, du mercredi au samedi à 20 h 45, dimanche à 17 h. Relâches le 24, 25 décembre 2015 et les 1er, 6, 7, 8, 9, 10 janvier 2016. Rés. : 01 42 88 64 44. Jusqu’au 15 janvier 2016.