C’est une heureuse initiative que la reprise de cette pièce remarquable tant par la très grande qualité du jeu d’Isabelle Andréani et de Xavier Lemaire que par l’importance du sujet porté à la scène. Nous sommes en 1915 en présence d’un couple de chimistes juifs allemands, Fritz et Clara Haber, au terme d’un repas pendant lequel Fritz s’est réjoui de la mise en service sur le front de cette redoutable arme de guerre, le gaz chloré, dont il est le créateur. Les convives sont partis et il éclate alors une redoutable dispute entre les époux au sujet de l’usage de cette nouvelle arme. Le cœur de la pièce, serti par la très belle écriture de Claude Cohen, porte sur une double interrogation. La première concerne la question des limites que la science pose ou ne pose pas à son usage appliqué dans les techniques. Tout ce qui est réalisable doit-il être fait ? La seconde concerne, du côté du savant lui-même, les rapports entre sa science et la morale ? Y a-t-il des inventions auxquelles il convient de renoncer parce qu’elles ne constituent pas un bien, mais un mal ? Dans le contexte particulier de la pièce, où il est question de la guerre, se pose une troisième question : la fin, gagner la guerre, justifie-t-elle tous les moyens employés pour y arriver ? Et cet autre argument si souvent utilisé pour justifier certaines décisions : si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place. Toutes ces questions si importantes et qui ne cessent de l’être au fur et à mesure de l’amplitude des découvertes scientifiques et des capacités techniques dont l’humanité dispose ne fait que renforcer cette affirmation de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Le débat de conscience de ces deux époux n’en est que plus crucial. Une pièce à ne pas manquer !
Studio Hébertot, 78 bis, Bd des Batignolles, Paris XVIIe, jusqu’au 8 janvier, les mardis, mercredis, vendredis et samedis à 19 h, le dimanche à 15 h. Relâche le jeudi, et les samedi 24 et dimanche 25 décembre. Réservations : 01 42 93 13 04.
Nous attirons particulièrement l’attention de nos lecteurs sur les dernières représentations jusqu’au 30 décembre d’une très belle pièce, Le marronnier de la rue Caulaincourt, qui raconte le délicat maillage de la vie familiale lié à l’Histoire contemporaine à travers trois générations de femmes avec Bérengère Dautun et Lou Guyot dans une mise en scène de Pascal Vitiello.
Funambule Montmartre, 53, rue des Saules, Paris XVIIIe, du jeudi au samedi à 19 h 30, le dimanche à 16 h. Réservations : 01 42 23 88 83.