Alain Lanavère, ancien élève de Normale, docteur ès lettres et agrégé de lettres classiques, professeur de lettres émérite à la Sorbonne, enseigne toujours avec passion. À l’occasion de la parution des Poèmes de Robert Brasillach – édition très complète comportant des inédits – il évoque le cheminement spirituel de l’auteur des Poèmes de Fresnes. Entretien.
| On connaît l’amour de Brasillach, dans ses poèmes comme dans ses romans, pour les « vieux trésors humains » : la jeunesse, la mer, le soleil, l’amitié… Cela suffit-il pour voir en lui un poète païen ?
Il a passionnément aimé, depuis sa première jeunesse, au point de lui écrire et de lui envoyer ses premiers poèmes, cette païenne qu’était en effet Colette, et n’a pas manqué, devenu critique littéraire, la moindre occasion de saluer ce paganisme. Mais, critique littéraire, il salue avec le même entrain des livres « spiritualistes », comme on disait à l’université, des livres chrétiens. Après tout pourquoi, si un chrétien aime saint François de Sales, qui a bien veillé à dire qu’il n’y avait pas lieu de pratiquer l’ascétisme pour l’ascétisme, s’il aime saint François d’Assise – c’était son cas, il l’évoque assez souvent –, s’il aime Charles Péguy, qui n’a pas cessé de nous rappeler que nous étions, non pas des anges, encore moins des bêtes, mais des « créatures terriennes », terrestres, pourquoi s’interdirait-il d’aimer la création de Dieu ? Brasillach aimait l’Antiquité grecque : il n’a pas donné dans les chimères de Louÿs, d’Henri de Régnier ni d’Albert Samain, qui voulaient une résurrection du paganisme grec.
| Précisément, dans son Virgile ou son Anthologie de la poésie grecque, ne relève-t-on pas des thèmes ayant trait au message chrétien ?
Il a tenu à inclure dans l’Anthologie des auteurs chrétiens, comme Synesios ou Sidoine Apollinaire, tous deux évêques. Il est même allé chercher – sans doute avec la satisfaction que lui donnait ce trait d’humour – Paul le Silentiaire, pour le dernier poème cité : parler d’un silentiaire quand on fait le silence, c’est une plaisanterie de khâgneux ou de normalien. Il a voulu honorer la Byzance chrétienne, pas seulement la Grèce païenne. Il a effectivement commencé sa période de critique littéraire par un livre sur Virgile. Beaucoup de médiévaux, de renaissants et même de classiques étaient persuadés que Virgile avait eu quelque rayon de la Révélation chrétienne, à cause de la quatrième églogue qui…