Carlo Acutis, un signe pour notre temps

Publié le 21 Août 2019
Carlo Acutis, un signe pour notre temps L'Homme Nouveau

Carlo Acutis : pour l’instant, ce nom demeure peu connu. Il y a pourtant fort à parier que, d’ici quelques années, il sera célèbre. En lui consacrant une très brève biographie, Carlo Acutis, la passion du Ciel (Le Livre ouvert. 62 p ; 6 €), Jean-Luc Moens révèle l’une des plus troublantes figures de sainteté de notre siècle commençant, par tant de côtés si peu édifiant.

C’est toujours un défi d’écrire la biographie de ceux qui, selon les critères du monde, meurent beaucoup trop jeunes, avant d’avoir « commencé à vivre » ni rien connu, ou presque, d’une existence au seuil de laquelle ils restèrent. En apparence, il y a peu à en dire, sinon le scandale des morts prématurées et des destins brisés, la douleur des proches, et tout, finalement, ce qui fait dire aux incrédules que Dieu, s’Il existait, ne permettrait pas cela. 

Scandale, en effet, et si grand que, sur les trois résurrections opérées par Jésus dans l’évangile, deux concernent, justement, ces « immatures » fauchés au matin de la vie : la fille de Jaïre est encore une enfant, le fils de la veuve de Naïm un adolescent. Quelle vie ont-ils vécu ensuite, eux dont on ignore les prénoms ? Les évangélistes ne l’ont pas dit. 

Pourtant, à la différence du paganisme, l’Église n’a jamais tenu ces destins-là pour inaccomplis et, très vite, Elle a mis en évidence la valeur, dans le dessein de Dieu, de ces vies à peine entamées que le monde tenait pour rien. Des Saints Innocents aux très jeunes martyrs des premiers siècles, suppliciés avec leurs parents ou montés d’eux-mêmes au sacrifice, tels Pancrace, Guy ou Agnès, Elle a vénéré ces jeunes témoins au même titre que les adultes. Toutefois, si le martyre demeure l’accomplissement par excellence, la voie royale de sainteté qui peut s’emprunter à tout âge, l’Église ira encore plus loin en portant sur les autels d’abord des adolescents, comme Dominique Savio, puis de très jeunes enfants, Anne de Guigné, Jacinthe et François Marto, alors même que, parfois, ses ministres n’avaient pas encore jugé opportun de les admettre à la Sainte Table, démontrant, lors de l’instruction de leurs causes de béatification que, si « la valeur n’attend pas le nombre des années », l’appel divin non plus.

D’assez nombreuses causes de très jeunes fidèles ont été ouvertes ces dernières années, souvent bouleversantes et dignes d’aboutir. Celle de Carlo Acutis, cependant, se détache du lot.

Né le 3 mai 1991 à Londres, où son père, homme d’affaires, travaille, Carlo grandit à Milan. Catholiques, mariés à l’église, ses parents, indifférents, ne pratiquent pas mais, par convenance sociale, font baptiser leur fils. C’est d’une totale banalité. Ce qui l’est moins, c’est l’effet de la grâce baptismale sur cet enfant élevé dans une famille qui s’est détournée de la foi où personne, hormis sa nurse polonaise, ne lui parle de Dieu. 

À quatre ans, il perd son grand-père maternel, qui lui apparaît peu après pour lui révéler qu’il est au Purgatoire et réclamer ses prières pour l’en sortir. Cette vision bouleverse l’enfant. Alors que nul n’évoque plus les fins dernières, dans la certitude rassurante que « nous irons tous au Paradis », Carlo découvre en même temps le poids des actes humains, la justice et la miséricorde divines, et comprend seul ce qu’est la communion des saints. Il ne cessera plus de prier pour la délivrance des âmes du Purgatoire, mais aussi pour le salut des pécheurs qui se ruent en enfer, s’effarant qu’aucun prêtre ne mette plus en garde contre le risque terrible de se perdre.

Admis à faire sa première communion à sept ans, Carlo, dès lors, assiste chaque jour à la messe, communie, se sacrifie, vit pleinement le mystère eucharistique, ahuri, là encore, que tant de ses contemporains, catholiques compris, ne semblent plus savoir ce qu’est la messe et qu’elle est son prix. Lui, au contraire, en a tout saisi, jusqu’à pouvoir transcrire, dans une exposition consacrée aux miracles eucharistiques, sa portée théologique en des termes qui échappent à la plupart des adultes.

Littéralement habité par le Christ, l’enfant rayonne, et convertit : ses parents et sa famille d’abord, qu’il ramène à la pratique religieuse, puis le domestique hindou qui, bouleversé par ce qu’il lui dit des sacrements et de l’amour du Christ, demande le baptême. 

À onze ans, il s’engage dans la lutte contre l’avortement. À douze, il met ses talents de surdoué de l’informatique au service de l’Église et de l’évangélisation. Sans en parler, il se consacre également à aider les pauvres, les malheureux, les mendiants, les SDF qu’il croise chaque jour dans les rues milanaises.

Il trouve encore le temps de prier, faire des pèlerinages, à Assise, Lourdes, Fatima,  Pompéi, au célèbre sanctuaire marial élevé près des ruines romaines.

D’autres pourraient avoir la tête tournée de ces succès précoces. Pas lui. Une locution reçue à l’âge de six ans : « non l’amour propre mais la gloire de Dieu ! », constitue l’unique ligne de conduite de ce garçon brillant, beau, intelligent, qui conserve sans cesse présente à l’esprit la brièveté de la vie humaine, sa fragilité, et les comptes à rendre pour chaque minute mal employée. Comme s’il avait le pressentiment que sa vie sera brève.

Début octobre 2006, Carlo est souffrant. On diagnostique une forme fulgurante de leucémie, incurable. Il s’éteint le 12 à l’hôpital de Monza, en offrant ses souffrances pour le salut des âmes, l’Église et le pape Benoît XVI. 

Le personnel soignant, bouleversé, témoignera qu’à l’instant de sa mort, un parfum de lis a envahi la chambre, rappelant combien l’adolescent avait toujours farouchement préservé sa pureté. 

En juillet 2018, Carlo Acutis a été déclaré vénérable. En avril 2009, lors de sa translation à Assise, son corps a été retrouvé intact. 

 « Nous naissons tous comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies. » disait-il, lucide sur les travers de son temps et cette peur de nos contemporains de se différencier de la masse. 

Aux jeunes de sa génération, et de celles qui la suivent, il laisse le modèle d’une existence, plus remplie, ô combien, en quinze ans, que celles de nombre de nonagénaires. 

Et l’on reste confus, en le regardant, de si mal correspondre nous-mêmes aux grâces reçues …

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